fon mariage, les a voulu 8c peu aprendre, je euydc
que longuement euft efté en mariage avant que tant
en eut apris. Et te prie Vierge precieufe veuilles par
grâce 8c ta pitié cnpetrer perfeverancc ferme en elles,
que à ton exemple puillènt demourer en virginité
celles qui l’ont 8c generallement toutes en chafteque
Dieu a envoyé ce mefehief de la mort fon mari,
pour fon grand bien, jaçoit ce que ce foit fort qu’elle
n’en ait pris triftece : & non pas feulement cecy eft
pour fon bien ; mais pour le bien de vous toutes mes
Sueurs, fe vous en voulés bien ufer , 8c le tourner à
bien, comme je diray, 8c comme j’en ay bonne efpe-
rance 8c confiance qu’ainfy les ferés.
Mais en retournant à ma première matière, vous a- ^
parcevés, mes très chiers Sueurs, comment la mort
prent auffibien lesiofncs maris comme les autres, & regardés
que voftre année Sueur dorefoavant vivra fans
conpagne charnelle d’omme, car je cuide que pour rien
fevaufit remarier: & ne fera pas'auiïi legiere chofe, ou
plus à vous qui ne fuftes oneques mariées, non entrer
en mariage, comme à elle qui l’a efté. Bien me fouvient
que j’entendi pieça comment elle entra mariage plus
par voulenté d’autrui, 8c par une maniéré de couftume,
que par affeétion qu’elle y euft : neantmains j’ay efperan-
ce que Dieu l’a fait pour le meillieur, affin qu’elle fceut
par expérience que c’eft de mariage, que par elle, 8c
par l’aventure qui luy eft avenue, vous fucies enfeigniées
croire le meilleur confeil, 8c plus enclines à vous non
marier, 8c fe je.nefuydeceu, elle ha maintenant plus
de repos, de plaifance 8c de bonne léefle, que par avant
en mariage, 8c je m’en raportê à ce qu’elle en trueu-
Maintenant apres ce que vou s , mes trcs-chiercs
Sucrs, avés oy 8c aperceu comme je croy la legiere-
té , l’excellance 8c la feurté de la vie qui eft hors de
mariage, trop plus que dedens,tant envers le monde
comme envers Dieu, le temps requiert, & ainfî cuide
que le defirés, que je decîaire êc oeuvre la maniéré
de vous vivre en c’eft eftat, felond qu’il m’eft venu au
devant, le jour que j’ay dit au commencement : 6c avant
je vous fupply 6c requiert en Jhefus-Crift 8c à vous,
mes tres-chieres Pere 8c Mere, de trois chofes. La
premiers'V que avant que vous refufés ccft eftat que je
diray, fe par aventure il vous apparoit eft range ou
fort à l’oir : premièrement > vous panfés 6c avifés dili-
genment, meurement 6c fouvent à ce qui eft dit par
avant, efpecialement à la briefté de cefte mortelle mi-«
fore, 6c à la fin pourquoy nous fommes en ce monde,
6c pourquoy nous vivons, 6c à la gloire ineftimable
que nous attendons. Secondement : que vous ne pan-
fiés mie tant à la couftume des gens de maintenant,
Tandis que j’avoye cefte eferiptureêc cefte matière en R êc à leurs paroles ou jugemens, comme à la vérité
mes mains, me font venues Lettres de par voftrePere15 du fait, comme au temps pafl'é, ou très communément
6c le mien 5 lesquelles m’ont baillé telle 6c de fi grande les pucelles vouoyentà Dieu leur virginité 6c demou-
joye au cuer, que dire ne leporroie> car en icelles roient fans mariage. L a tierce, que vous tenrés ccr-
eftoient eferiptes mot a mot ces parollesdevous, que, tainement ainfi , comme la vérité eft , que la grant
ma foy, je ne fauroye mieulx eferipre, ne dire comme el- amour que j ’ay à vous m’a fait à ces chofes tant lon-
les fe portent. La grâce à Dieu : premièrement elles ai- guement panfer 6c que fe je creoye que voftre prouf-
mentDieu, 6cdoubtentpechié,6cjunent ungjour ou nt plus grant fut ailleurs, je le vous confeilleroyc
deux lafépmainne, 6cdient tous jours leurs Heures de plus voulentiers 5 mais nenny, 6c fe d'aventure l’unoftre
Dame, 6c les ha Marion aprifes puis que fon
mari fumort, 6c ne font effraéesnez qu'elles eftoient
de fix ans 6c n’aparcoy point qu’elles fe veuillent marier
a nul eftat, jufques a tant qu’il plaira a nous 6c
vous. C ’eft ce que noftre bon Pere m’a efeript, de
vous, mes Sueurs, he Dieu noftre Sauveur quelle joye,
quelle confolacion ay-je pris, 6cprens chafcunefois à
ces parolles oyr, à ces nouvelles efeouter. T u fees,
vray Dieu, que c’eft ma priere continuelle, 6c mon principal
defir, que tes petites chamberieres , très humne
de vous , mes Suers, ou plufeürs , apres toute
chofe confiderée veult vivre en mariage, en nom
de Dieu foit, mais garde foy celle ou celles d’enpe-
chier les autres qui auront meilleur voulenté , 6c de
les non enhorter au contraire -, car elles pecheroient
griefvement, 6c tous ceulx qui cecy feroient, 6c car
j’ay bonne confiance que vous m’ottroyerés ces trois
chofes, ou nom du Pere, 6c du Fils, 8c du feint Ef-
prit.
Jfe vous defeoveray mon entencion qui eft tele &
blés pucelles, mes Suers foient telles comme ton fervi- q très briefve. V o u s , mes fix Suers, demourés ades
teur leur Pere 6c le mien par ferment l’afferme, c’eft à — r—- -----
fevoir que elles te fervent de bon cuer 6c te aiment 6c
efehevent pechié. Ores oy-je mon defir 6c mes prières
acomplies jufque à cy , oc te fupply de rechief très
douls Dieu en foufpirs, en l’armes,lefquelles tu vois* que
cefte bonne voulonté de celles, ce très loable acom-
menCement tu veuilles continuer en elles 6c parfaire,
jufques à la fin, felon la forme 6c maniéré que tu fees
qui mieulx leur eft profitable, daigne les recevoir pour
tes petites chanberieres 6c vaiffelles, 6c les veulles
enbrafer 6c enflàmer de plus en plus de ton amour,
affin qu’elles n’aiment autre que toy, qu’elles ne s’a-
conpaignent d’autre que de toy, qu’elles ne quierent
autre efpous que to y , qu’elles ne baillent leur virginité
à autre qu'à to y , qui es vray amy de ch'afteté 8c
loyal efpous de virginité > n’eft richefle, n’eft lygnyc
que je tant fouhaite en elles, comme ton amour $ 6c
que perfeveramment demeurent en ton fervice chafteenfemble
fans entrer en Religion, fans demourer en
citez, 8c durant la vie de nos Pere 6c Mere vous ferés
avecquc eulx , comme vous avés efté jufques cy,
8c à plus grant devotion, felond aufli que mieulx le
porriés faire par la maniéré que diray ou fàmblable,
6c viverés de voftre labeur enfàmble , 6c de l’eritage
qui vous peut ou pourra appartenir, qui doit eftre
fouffifànt pour voftre vie: car quant à vous j vos Frères
je cuyde que jamais riens n’en prendrons, 6c ferés
toutes fichées 6c arreftées de jamais non prendre
autre eftat, 8c de jamais non demander autre mari que
Dieu: 6c ainfÿ le voulés faire 6c acomplir, plus grande
léefle je ne porroye avoir, ne meilleur nouvelle de
vous, 6c lors je vous eferipray plus à plain la maniéré
de voftre vivre : toutesfois quant à prefent je voüs diray
fept enfeignemens.
L e premier : que vous forés en veftures 6c en maintien
fans ponpes 6c fans orgueil, 8c fans joliveté 6c
ment, purement 6c feintement : car n’eft fervice au fans excez, garder tondis fouffifànte honefteté. monde qui plus te plàife, n’eft vie que plus aymes, que Secondement: que vous dittes vos Heures 6C autres
de virginité entière en corps, 6c en penfée. E t cer- Oroifons à certainnes heures ordonnées, comme au
tainnement, 6 Vierge, 6c glorieufe Mere de Jhefos- matin, à tierce, 8c à vefpres, 8c au couchier \ quc
Chrift, noftre Seigneur, je croy que moult fe plaift vous oyés Meflè le plus fouvent que faire fe poun'a,
6c délité veoir très humbles pucelles, mes Suers, s’ef- par efpecial les Feftes commandées, car à ce eftesforcier
de te fervir, de dire tes Heures, 6c que telle
diligence en ont fait, que elles qui font j’a aflés en aa-
g c , qui font de village 6c de la bourage, les ont aprifes
: 6c fingulierement c’eft à louer en celle qui apres
vous obligées : le demeurant du temps vous laboure-
rés diligenment, non pas tant pour acquérir richefles»
comme pour efehuer oyfeufe ôc perefle 6c fetardie,
qui font meres 6c caufes de tous maulx, comme nous
CONSIDERATIONS
S U R
le pouyons veoir es filles qui font en ces cités fans labourer.
Tiercement : vivésle plusfobrement que vous poirés
bonnement , 6c par efpecial que vous ne buvés
point de vin fans eaue, grans foifon, 6c ne vous remp
lie s point de viande trop largement, 6c ne mangés
efpices 6c aulx 6c télés viandes qui engendrent
mauvaifes chaleurs 6c périlleux efmovemens. -
Quartement : mettés painne de vous confeflër fouvent
, comme chafeune femaine , ou chafcune grant
S A I N T J O S E P H .
Tirées du Manu fer it de St. TiSlor, Cotté 138. R t0.
C O n s i d e r o n s , mon amc, par religieufe
Fcftej car Confeflîon eft une chofe qui moult plait à
Dieu, 8c moult retrait de pechier, 6c recevésfelond
voftre devocion le vray pain Divin qui nourrit l’ame,
c’eft aflàvoir le Corps noftre Seigneur. . V t Ü A r j 7 WWWiWÊSÊm R R i ?
6c pure dévotion, pour revenir de toy dedens
_____ . _____r . j _________1- ____:._.i ...
P :.™ à .o i i t . r K . c .d ™ , „ „ „ a L .
WJ > ^ --------- -- ^ l rtU Ut) llJcUni.Lll.ll IL
;nfemble, aucunefoys a part deux 8c deux, ou ainiv,
8c vous gardez lus toutes riens de mefdire d’autruy,
ou d’avoir haine contre perfonne quelconques, &que
la plus grande foit comme la plus petite, & Apportés
l’une l’autre comme bonnes Suers doyvent faire,
& fervés de bon ceur à vos Pere & Mere; car en ce
aurés vous bon louyer.
Sixtement : gardés vous diligenment de non parler
à homme eftrange, fors en publique, &veansoyans
les autres, & le mains fouvant que vous porrés, &n e
vous chaille d’aler a dances êc autres dois esbatemens,
ou plus de folye y a que de bien.
Septimement : quant au fiirplus, je auroye très grant
plaifir, £c ferait chofe très profitable, quevouspeuf-
fiés aprendre à lire roumant, car je. vous bailleroie
livres de devocion, & fi vous, eferiproie très fouvent
à moult grant joye & grand plaifir. Plufieurs. autres
bonnes inftruâions font à dire , mais celles icy me
fouffiftnt à prefent, jufques à tant que je fâche plus a
piain de votire bonne entencion.
Pourtant en fiiifimn fin & conclufion je vous pry,
très chieres & très amées Seurs , que vous ayés hon
cuer & dévot pour non challoir des foies plaifanoes
plus belle matière ne pouvons-nous avoir : nous oubliions
tandis les douloureufes, lesmiferablcs, lesan-
goiifeufes cures de ce mortel & foudain pèlerinage;
nous palferons plus feulement les perillcufes tempta-
cions qui nous quierent enlaflèr, murtir &eftrangler,
s’elles nous treuvent vacans à oyfeufe la foie , ou engloutis
ou goufre de mundaine occupacion.
Confiderons, puis que tu le veulx, tout de premier
en priant, & prions en confiderant, 6c difons: glorieux
Dieu , vous avés tant daigné amer humain
lignaige, que vous avez voulu voftre fils par l’opcra-
_ tion du faint Efprit ellre marie à noftre humanité,
?ui ^merveilleufe conjonétion, car iimon eft joint
a Deité. Vous avez en fiirplus voulu que ung autre
mariage fiift foit pour acomplir le mjftere de ce mariage,
ce fut le virginal mariage du Jufte Jofeph, &
de la Vierge Marie, Mere de voftre benoift Fils : du
quel mariage vos Secrétaires , les Sains Evangeliftes
font mention; Saint Mathieu en dpetial quieferit
Matth. 1.18. I ÿ .z o .& c . comment par lecommende-
ment de l’Angel, Saint Jofeph print Sainte Marie à
femme 6c eipouiê. Nous vous iùpplions glorieux
Sire ™ » raies pianances aire Dieu, par icelle excellence dd’’aammoouurr ,, ppaarr cceeffttee
de ce monde, qui ont plus de mefchiefs que de joye , ineftimable dignacion & d iM io n , que nous puiffions
A comme cm -- ----- feult - dm ,, X pour ung plaifir LjUHllLUUU
quatre dou- dignement penfer, dire 8c efc r ip rê aL n e scon fid è r
leurs. Regardes Regardés pourquoy vous demanderas demanderéslachar
la char- tions profitables A nous. Sr
ge de mariage : pour Iaiflèr la franchife de la vie def-
fus ditte, qui eft plus fainte & plusfeuve, & plus de-
vote; & fe vousÂittes que vous ne porrés furmonter
les temptations de la mauvaife charnalité, je y ayref-
pondu par avant; 8c encores par quant à ce vouspo-
ves regarder 8c advifer, que nous quatre, vosfreres,
.foommmmeess f.aannss mmaarniaaggee 85Cc aauuttrreess ffaannss nnoommbbrree;; ppoouurr- mierement fi.t ordonné en f â a t d’innocence entre
1 j , v ^ * icuu/iflüiv , v'-'Uo y
eftl;e cnrfanbl!lbI= eftat S vous y C lc quel reprefentoit 6cfignifioit, que l’ame devote doit
avez ja la demoure l’une lune vingt-vmgt-fix ans ans:: 6c 8c pourquoy pourauovne ne
eft,-,. WSÊHm i M __! 1 H yucvuccuoit
porriés vous accomplir le demourant * carie plus fort
eft comme pafle , mais que vous prenés 6c retenés
tousjours bonne voulenté enflanmée de l’amour noftre
Seigneur. Pour Dieu, a viles quantes panfées, quantes
follicinides 8c foucys vous ofterés à nos Pere 6c Mere,
« a vous-maifmes, par efiire le dit eftat. Bien me fouvent
que en mon enfonce, en i’aage par aventure de
Apt ans, noftre Pere me dit que le Pere à noftre Mere
fus toute riens anmoneftoit noftre oncle Nicholas,
que point ne fe mariaft pour les mefchiefs qu’il y fe-
voiteftre: panfés bien, panfés bien, comment defo-
res enavant vous viverés licement, franchement 8c
nonneftement quant au monde, 8c feurement 8c de-
VOtement- miovsf i ta:«., a*___i. n . i
—o ------------------- r ---— j « u j- u u c i c o n i i u c r a -
tions proffitables a nous, 6c aggreables à vous, 6c
honorables pour les virginals eipoufée 6c eijious, ou
mariage de quels voftre Fils noftre Sauveur ôcfouvc-
rain Seigneur 6c Doéteur fut nez 6c gouverné.-
Confiderons,mon ame,que ce mariage virginal de
faint Jofeph 6c de Marie fut piain de grand 6c merveilleux
miftere, autant oitfplus que celuy qui premièrement
fut l’eftat , I v v u g i m i v i i j LfUL. X <U1JC U CVO LC U O IL
cftre conjointe a Dieu, cohime la bien aiméeelpoufe
à fon bien aimé efpous, félon le miftere des Cantiques
que fit Salomon entre les autres chanfonnetes
d’amour divine: Dileüus meus mihi & ego i ll i , Cant,
il. 16. Mon amy dit l’ame devote eft à moy 6c je à
luy, 6c plufieurs font illecqucs Sains dis amoureux à
ce propos.
Confiderons en fiirplus que ce mariage, comme dit
l’Apoflrc Ejshefv. 32. eft grant Sacrement en la lignification
de Dieu 6c de l’Eglife: car icy furent les
trois biens de mariage, F o y , Lignie 8c Sacrement;
icy fut Foy fans violation ou fornication; icy fotLi-
gnie par legitime generation; icy fut Sacrement fons
S i «- retirement ec de- diflblucion o feparacion. Si eft icy mariage parfait
& de nouw- £ * R ’™ ’ ^ P°cUl e filut de VosamesD8c entier, jafoice que conjonétion chamele ou cor..
r.,u..e an o■u s t—ous . uDiiveuuu nuoifutrteo Saauuvvceuurr c8ccv Gjoouuvveerrnneeuu r rupcion n’y aift elle.
. doint en ce cas tele 6c fi bonne congnoiflànce
foil ' ^ cr®,voulenté de croire & recevoir bon con-
r,™,’ K ” 1 ““ “ P'À comme il fcet que mieulx eft
pour vous. Amen.
Confiderons en apres que Jhefos-Crift comme il
Vierge,eft conjoint àiàinte Eg H i t , Vierge pareillement
: on treuve en ce Virginal mariage de Marie 6c
de Jofeph que Vierge eft joint à Vierge; non pour
quant comme Jhefus-Qift ha lignie efpirituelle de
fointeEglife, fans corruption : pareillement faint Jofeph
8c noftre Dame ont eu ce bel enfont, ce benoit
fruit de vie Jefus, en virginal intégrité, 6cdetanteft
G g g 5 ce