8 j ƒ Confiderations fur faint Jofeph. 8 j6
ufer en tout ufage licite & plailànt à Dieu, felond fa
loy ôc ion ordonnance generale ou elpeciale ; 6c cecy
nous difons : car fe Tomme vouloit abufer du corps
de là femme , ou que autre en abulàft , la femme y
devroit rcftfter, autant ou plus que à un eftrange.
Se Tomme aulli vouloit ufer du corps de la femme,
quant Taueroit deffendu ou demonitré fa voulenté
te l, pour le quel celle fin ne le enlùit point, comme
vieillelfe, ou maladie, ou fterilité, ou par devô-
cion de garder chafteté ou virginité.
Confiderons maintenant comment Marie 8c làint
Jofeph convinrent en mariage , 6c treuve felond les
feints Doébeurs expolàns les Euangiles, que entre
eulx fut triple convencion lucceffivement, lèlon la
élire au contraire, la femme n’y deveroit point obéir, ^maniéré accoullumée entre les Juifs pour lors, ôcencombien
que fon corps full par droit donné à Tomme
, 6c pareillement ell à juger de la femme quant
au corps de Ion mari.
Confiderons donc en concluant par ce que dit e ll,
que le veu Nollre Dame ablolu 6c fimple de virginité
, n’elloit point contraire au contentement qui fouf-
fit à faire mariage : car Dieu peut vouloir que le
corps de Tomme 6c de la femme fe transfèrent l’un
à l’autre par droit, Ikns ce que jamais l’un doye demander
Tulàge charnel du corps de l’autre ; 6c cecy
appert clerement.: car quant la femme ell efpoufée
par parole de prefent, avant conjonction charnele,
c’elt vrày mariage ; tontesfois elle peut nyer Tulàge
de Ion corps, jufques. à deux mois, pour délibérer
s’elle veult faire veu folennel de Religion : pareillement
la femme pour aucun temps 6c aucun cas, comme
de maladie, peut refufer Tulàge de Ibn corps, 6c
cores le fait bien la femblable aucune fois. Premièrement
làint Jofeph feança Noflre Dame par parole
de futur , 6c fe povoit cecy faire en abfence ou par
procureurs, ou par les amis, combien que c’elt bien
à penfer que faint Jofeph parla lors à Noftre Dame
6c elle à luy, ou Temple de Jerufalem, en la prefen-
ce de leurs parens, 6c des gens de la Sinagoge. Ou
fe NoltreDame elloit ja retornée à là ville Nazareth
hors de Jerulàlem 6c du Temple ; toutesfois n’elloit
point en Tollel de Iofeph, ne en la familière conver-
fàcion , 6c povoit. le temps de ces fcançailles ■ durer
longuement un *an ou deux ou trois, comme encores
fe fait aucune fois'. Et en ce temps la Vierge pucel-
le, comme c’elt bien à croire, prioitDieu moult in-
llament, que il la gardall de corrupcion en là virginité,
6c fe fioit du tout en luy.
^ x Confiderons en apres , que l’autre convencion fe
Tomme à la femme, 6c s’il ell ainfi pour deux jours, g faifoit quant la feancée fe tranfportoit en Tollel de
femblablement peut eflre pour quatre jours , voir Tomme , comme à une familiarité de vivre , pour
pour toute leur vie , 6c en elpecial fe le commandement
de Dieu y lûrvenoit.
Confiderons cncores, que nous povons dire, que
le confentement de Nollrc Dame a mariage fu abfo-
lu , comme dit e l l , mais elle elloit acertenée ou
parfait Jofeph, qui fit veu avec elle, felond le dit de
plufieurs , quant il congnut que Noflre Dame avoit
fait veu. Aucuns dientplus avant, que NoltreDame
povoit en fon confentement envers Jofeph mettre
celle condition , que Jofeph ne demanderoit jamais
Tulàge charnel de fon corps , pour garder là virginité
; car il leur femble que celle condicion ell licite,
6c honnelle 6c poffible , 8c*qnf par ainfi une vierge
fe pourroit marier fus celle condicion, que fon mari
ne demanderoit point julques à deux mois apres le
mariage Tulàge de fon co rps , 6c n’empefeheroit
point le mariage : 6c fe on dit ainfi de deux mois, on
mieulx cognoiftre fes meurs 6c fes condicions, 6c te-
lement fu la Vierge pucelle en Tollel de Jofeph par aucun
temps. Si ell bien à croire , que N ollre Dame
monflroit illec toute humilité ferviable , toute devo-
cion 6c toute honelleté plailànt 6c agréable, elle or-
donnoit T o llel, puis ouvroit de fon mellier , puis
elloit en oroifon, puis en devote méditation de la Loy
de Dieu, felond ce qu’elle en efloit aprife , tant par
doétrine des Prellres de la L o y ou Temple, comme
par divine inlpiration} 6c ell bien à croire que aucune
fois en conferoit avec Iofeph, qui l’oyoit voulen-
tiers, car il n’en elloit pas tant infbruit par efcole, ou
par ellude, ou par revelacion. Les voifins , les parens
6c amis d’eulx deux les vifitoient aux Sabbas 6c
auxFeltes, 6c prenoient grant devocion , plaifir 8c
confolacion à oyr le doulx 8c le faige 6c dévot parler
de celle pucelle, comme elloient les feurs de
pourroit ce femble dire pareillement d’un an, ou d eCN o llre Dame, filles de fainte Anne de deux autres
deux, ou de toute leur vie en certain cas , 6c pour
maris,des quelleschafcune fe nommoitMarie, 6cautres
la fin defliis diéle ; car la condicion n’ell point illicite
ne contraire à mariage, ce femble, pourlaraifonpre-
diélc , quant la condicion fe met pour meilleure fin,
comme pour garder perdurablc virginité , par quoy
cil reçompenfe le deffàult de Hgnie : Autre chofeell
fe une tele condition fe mettoit pour mauvaife fin,
ou quel cas par aventure parle le Decretale.
Confiderons encores , que par ce que dit c i l , on
ne peut conclure ce que aucuns vouloient arguer,
c’eft que mariage porroit ellre entre deux hommes,
puis que il fouffit à mariage que les corps fc donnent
fins ulàge charnel, ou que les âmes foient d’un ac-
cort. Maiftre Hugues de feint Viétor fit un T r a i t é
pour refpondre à c’eltc frivole objection, 6c monflrc
que entre deux hommes, ou entre deux femmes, ne
peut eflre Sacrement de mariage , pour ce que la fi
plufieurs.
Confiderons en elpecial, que celle Vierge, tant
bien endoétrinée de la L o y , expofoit aucunefois les
pas de l’ancienne Efcripture qui parlent de Tadvene-
ment Meffias^ c’ell à dire de Cr ill, non pas q’uelle
prefehall en publique ou folennelment, mais c’elloit
par maniéré de familière 6c privée eolloqueion, ame-
noit à la fois la Prophecie de Jacob G en. xlix. io.
qui parle , que quant la. lignie de feeptre Royal ne Duc ou peuple des jufuifdsa n'auroit point , Meffutt ven- roit, qui eftoit des gens le defiré : fi monftroit comment
de leurs temps Herodc regnoit, qui elloit de
ellrange lignie, pour quoy il fembloit que Crill deuil
allés toll venir : puis elle induifoit la Prophecie de
Moyfe j puis celle de Ifaie vii. 14. qui parle comment
une vierge devoit concevoir & enfanter un fils qui
gnification fauroit, qui ell de Dieu 6c làinte Eglife fe nommeroit Eumanuel qui efl interprété Dieu avec nous\
dune part, 6c de Dieu 6c de l’âme d’autre part ; car ^ puis induifoit TEfcripture de Jeremie, puis celle de
en mariage doit ellre en Tune des parties autorité 6c Ezechiel, puis de Daniel, 6c de Zacharie, 6c des auvertus
parfaite, 8c comme aétive qui ell en Tomme,
6c reprefente Dieu; 6c en l’autre partie doit avoir indigence
6c comme vertus paffive , qui cil en la femme,
8c reprefente fainte Eglife 6c l’ame : or ne peut
ellre celle eonbinacion 6c concorde trouvée entre
deux ommes , ne entre deux femmes, comme c’ell
cler à cellui qui bien y penfe : mais auffi mariage emtrès
Prophètes, en concluant que le temps de la redemption
de Ilraël elloit moult près.
Confiderons, que par tele coniîderation, la Vierge
pucelle. eftoit moult loéc 6c- honorée , 6c moult pl&i-
foit à làint Iofeph de plus eh plus , làns quelconque
vilaine penfée ou mauvaife concupifcence -, mais en
toute honelleté, non por quant euflènt leurs chambres
porte de foy conjoqétion de malle 8c de femelle, pour lèparées, ôc lecretes. Bien eureux ell Iofeph, diloienc
avoir lignie, combien que puifle avenir cas accfdcn- les uqs aux aultres, quant il ha une tele pucelle fean-
8 y7 Confiderations fur faint Jofeph. 8 y 8 cêe, Dieu leur dôint enfemble paix, 6cbelle 6cbonne
lignie: 6c N oltreDame croifloittoufiôurs en grâce
en aage 6c en humilité devant Dieu 6c les hommes
, en priant Dieu très dévotement, comme dit
eft 6c en fuppliant qu’il avançait la venue de Crill
le Rédempteur du monde, c ’eftoit fon occupation
principale, 6cpovoit dire avecSarré efpoufc du jolne
Thobie Tob. vm. 9. Tu fies , Sire Dieu, que je ne
tourne, avant que la convencion folennele du Mariage
full accompli, il trouva que fon elpoufe avoit ou
ventre du làint Efjprit, C’ eft à dire qu’elle avoit con-
ceu par Toperacion du faint Efprit: le texte de làint
Mathieu le donne ainfi à entendre, Matth. 1.18. avec
la glofe de làint Jehan bouche d’or , car dit ainfi le
texte de TEuangile, Quant la Mere de Jhefus Marie
m. 1 iw“ -- - " j 7 -------- j j -y - f. -je-f-lo--it ejf/p ou7f ée d Jofeph ?, uayvua.rnut, yqvuee cemul*x conveniffeemnt convoitay oneques homme & ay garde nette mon ame de A elle fu trouvée avoir ou ventre du faint Efprit , 8c ell
toute concupifience, je ne me fois point méfiée avec les
jouans 5 8c avec ceulx qui vont en legiereté je n’ay
point voulu ellre participant ; je me fui confentu prendre
homme en la paour de toy , Sire , non mie par
ma mauvaife inclination.
Confiderons apres, que quant làint Jofeph ot bien
cognue la converlàcion làinte de la Vierge , 6c que
fes parens prefibient que les Efpoufailles fe ficent,
faint Jofeph print à faire la preparation des noces, affin
qu’elles fe ficent honorablement 6c folenneement, tant
pour la libéralité 8c honelleté de lui, comme Tulàge
garder qui eftoit lors , 6c qui ell encores gardé, 6c
fe garde prelque en toute nacion, 6c pour tout temps
6c en chafcune Loy. Je laiflè les exemples, 6c en ce
temps , comme, tient làint Jean bouche d’or , làint
Jofeph efpoufa Noftre Dame par parole de prefent ;
mais pourtant n’avoit il point intencion de requérir
à entendre, comme dit ell : car Noftre Dame fu ainfi
trouvée, non mie d’autre que de Jofeph’, 6c Jofeph
cognut quelle eftoit non mie feulement enceinte ou
pregnant, nmis que c’eftoit du làint Efprit, 6c en ce
que TEuangile ufe de ce mot, trouva, c’eft ligne que
Jofeph Tenqueroitoü avoit, . . . . file trouva.
Confiderons jouxte cette maniéré d’entendre le texte
de TEuangile, comment làint Jofeph cognut que
Marie qui eftoit defponfée ou elpoufée à lui, eftoit
enceinte par Toperacion du làint Elprit, car lé texte
ne le dit point, 6c aucuns Doéteurs n’ont mie voulu
dire que Marie dift à Jofeph , pour ce que il leur
femble , que Jofeph n’eull point receu Taflèrcion de
Marie en celle part, c ’eftoit fon fait. Autres comme
Origenes, femblent dire que Jofeph aperçeuque
Noflre Dame eftoit enceihte par Tèfleveure ou grof-
fcur de fon benoit ventre j mais fauve la reverence de
tantoft la compagnie de Noftre Dame, ainfois fe don- gehafeun Doéleur en tele matière, en la quele chafcun
na à oroifons plus ^ue devant, 6c dit à fon.efpoufc, Creftien peut fobrement 6c fans foie afièreion fentir
quiainfi le fift à l’exemple des Saintes gens, qui pour ce que probabilité de raifon ou dévotion lui donne;
trois jours furent en oroifons, voir tant full le dilher car autrement on ne doit riens dire oultre ce que la
des noces accompli. làinte Efcripture nous détermine , felond.le dit làint
Confiderons encores ic y , que c’eft: bien à aftimer
que en ce temps, ÔC en ce point, ou quel eftoient
les difpofitions des noces, comme dit eft, approcha
la folennité de Pafque, à la quelle làint Jofeph eftoit
tenus aler en Jerufalem felond la L o y : il vouloit aufli
par aventure palier par Bethleen, qui eft allés près de
Jerulàlem, ou làinte Anne Mere Noftre Dame avoit
Denis 6c làint Jehan en fon Apocàlipfe, ij femble que
Noftre Dame révéla le mifleredeTAdnonciacion qui
fu faitte à elle par Gabriel, à fon loyal 6c bien amé
ôc jufte efpous làint Jofeph, paravant que l’Angel
le vifitaft en fon dormant, ou avant ce que il en eull
autrement cognoiflànce.
Confiderons pour cognoiftre ce que dit eft, quefe
elle née, 6c y avoit eu fa revenue 6c fes terres , ou Jofeph euft trouvé que fon efpoufc eufl ellé grolîc
polfelfions, les quelles dévoient appartenir, ou par- feulement par ligne corporel, il n’euft pas pour ce
ties d'icelles, à la Vierge efpoufc Jofeph. Si les vou- congneu que celle groflèur euft ellé du faint Efprit.
loit bien vifiter , vouloit auffi inviter ou femondre
les parens fon efpoufe, de p^rlàMere, qui là eftoient,
pour venir à la folennité des noces. Et Noftre Dame
demoura en Nazareth en Tollel làint Jofeph , bien
accompaignée de fes parens, ôchoncftement, felond
ce que le.cas le vouloit, pour l’onneur 6c la confola-
sion d’icelle, 6c pour i’aprochement de la folenniza-
cion des noces.
Si fàult dire, que il euft de ce miflere cognoiflànce
autrement. Veons en oultre, que Noftre Dameafi
fés toll apres TAdnonciation , ala vifiter là coufine
làinte Elizabeth. Or eft bien à penfer que ce ne fu
mie làns demander çongié ou licence àfonelpouslàint
Jofeph, en la rnaifon du quel elle eftoit. Si fu do-
neques la pucelle Marie trouvée de fàint Jofeph ellre
enceinte, que c ’eftoit du làint Efprit, avant que elle
Confiderons ic y ,. car bien y gift confideracion,^alaft vifi^r fa diéle coufine. O r eft ainfi, que lor_
quelles oroifons, quels regres, quels pleurs, quels le précieux 6c virginal ventre Noftre Dame n’eftoit
gemiflèmens , *jucls obfecracions la Vierge pucelle point ellfeué telement que par ce on la peuft jugier
povoit fàiie à Dieu, au qyel.elle s’eftoit du tout donnée
6c eonlàcrée. Et pour aucunement concevoir
mieulx celle befoigne, tornons les yeulx de noftre
penfée à Thiftoire q.ue nous lifons de la Noble Vierge
làinte Cecile, de la quele on recite, que continuel-
ment elle portoit TEuangile reclofe en fon euer 6c là
penfée, 6c n’eftoit jour ne nuiç qu’elleceflàftdesfain-
tes alloqutions divines 6c d’oroifon , en plorant 6c
priant Dieu que là virginité: par fon aide demouraft
fans corruption. Se celle vierge Cécile M b it ainfi,
c eft, bien à croire que la Vierge. Marie plus fouvent
dignement .6c dévotement le accompliflbit.
ellre enceinte, jafoit ce que le benoit Jhefos full parfaitement
fait 6c formé} mais c’eftoit en fi petite quantité,
que le ventre Noftre Dame n’en eftoit point en-
grofle ou efleué.
Confiderons en furplus , que feint Jofeph convint
avec Noftre Dame tantoft après ce que l’Angel lui
commenda en fon dormant, . que il ne fe doubtaft
point de prendre fon efpoufe Marie, ôc ceftè con-
jonélion s’enteqt, comme dit eft, par la célébration
des noces en la- prefcnce des amis. O r veons comment
cecy fe full, fait, fe Noftre Dame euft fcmblé
grofîé à loycl fes parens; que euflènt eulx dit; com-
Confiderons encores ce qui-nous peut mouvoir àD ment euft efté feuvée Tonneur 6c la bonne:
cltimer que feint Jofeph fuft en la folennité de Palque,
folennité de fes noces approchoit; car avant
'Celte folennité des noces,,, comme dit un Doéleur,
nomme Rabanus, l’Angel vint à Noftre Dame fài-
re ion annonciation en : Nazareth, 6c nous veons que
celte annonciation qui fu feite le vingt cinquième jour
dC Paf^ ’ Cn ^ * ï * « * f e tout: temps; allés près
renommee
de cette pucelle nouvelle efpoufe, la Vierge Marie;
comment euft été eefé le Myftere de l’Incarnation ;
comment on euft penfe en aprés que feint Jofeph full
Pere du benoit enfent Jhelus ? Car on fevoit que feint
Jofeph; eftoit juf te6c que jamais avant les noces ce-
lebrées, il n’euft eu eompaignie charnele à fon efpoufe.
Confiderons doneques, que feint Jofeph trouva
ePafques. Si eft -biç^ à.croire que feint Jofeph y que fon-elpoufe Marie avoit enfant, 6c par le Saint
c oit ale,, comme dit eft. Ur quant Jofeph fu\ re,- Efpritafles. toll aapprreèss .l e jour de TAdnonciation; 6c
H h h
TAdnonciation; 6c
qüe