Juifs, plus que des Romains ou des François, comme contraire un de noble lignie peut finer la nobleflè en
celui qui efloit fils de Jofeph.nommé par genera- fà perfonne, par vil pechiéécmauvaitié: & pourrait
tion charncle j mais comme eft dcfiüs expofé, pa rle icy cftre fait un long procès doélrinal de nobleflè*
droit qu’il avoit ou corps NoftreDame, ou comme mais fouffife à tant pour le prefent , 6c difons que
dient les autres, Jhefus efloit fils de Jofeph par legal St. Jofeph fu de très haulte 6c approuvée nobleflè
ou civile adoptîbn : mais ce dit ne plaift mie a aucuns} tant de par le Roy David 6c fes lùcceflèurs, comme
car felond leur advis, ce euftcftéprefumptionquejo- de par Abraham, 6c les autres Sts. Patriarches, & ii
feph euft foit du fils de Dieu tele adoption qui fonne en les enfuy en leurs bonnes 6c fainéles condicions , pour
fîibjeétion, combien que Tumble Jhefus volt eftrebienAquoy il fait à recommander de cefte nobleflè , & pa-
fubget plus que en tant. rçijlement fe chiere efpoufe noflre Dame feinéle Ma-
Confiderons encores pour eflargir ce que dit en , que
Noflre Dame fu de la lignie Sacerdotale de Aaron ;
car autrement Sainte Elzabeth, qui efloit des filles de
Aaron n’euft point eflé fà coufinc, contre ce que Gabriel
le tefmoigne, mais avec c e , Noflre Dame fu de
la lignie Royal felond ce que chante noflre Mere Sain-
éle Eglife , 6c un Doéleur Grec Damafcenus le de-
claire. Si dient aucuns Doébeurs que le Royaume des
Juifs appartenoità Noflre Dame, par prochaine fuc-
cefllon 6c héritage , acaulè de Joachin fon Père , 6c
de Sainte Anne fà Mere , & à cefte caufe dient que
Jhefu-Crift fu vray Roy des Juifs par droit, à caufe
de fà Mere Noflre Dame , laquelle chofe ont voulu
les Anglois alléguer aucunefois pour eulx , en difant
que femme povoit bien fucceder ou Royaume de France,
felond la rcfponfe de Dieu en l’ancien Teftament,!
des filles : s’alleguent aufli pour eulx ce que Jhefu-Crift
fu appcllé Roy des Juifs par les trois Roys , Vbi efl
qui natus eji,6cc. Matth.11. z. 6c fu dit de lui par
l’Angel Gabriel, que il ferroit fus le thronc David fon
Pere perdurablement ; 6c par le Prophète Zacharie fu
dit, en parlant de Syon 6c de Jcrufalem, Vicy ton Roy
qui vient à toy , 6cc. Zachar. ix. 9. Et femble que Jhefus
n’euft point eflé plus appellé Roy des Juifs , que
de Egypte, ou de France, ou de Rome, fe non pour
cefte caufe. Vray efl que ces allégations 6c fambla-
bles, ne fouffifent point à conclure évidemment que
Jefu-Crift devoit eftre Roy temporel de Juifs , comme
le plus prochain, fi laiflè cefte matière àladifpu-
tacion dés Clercs.
Confiderons après, jouxte ce que dit eft, à quoy
vault la recommenacion de nobleflè de lignage ; car (
ce n’eft mie pour néant que les plufîeurs Saints 6c
Saintes font recommendés par TEglife en les Légendes
, que ils cftoient de nobles lignies ; nobleflè, comme
dit Ariftote, efl la vertus de lignage : car quant
en un lignage ont eflé plufîeurs gens vertueufes 6c
honorables, 6c dignes, on dit Tomme qui efl de ce
lignage eftre noble. Si efl à prefumer ouàjugier que
tel homme foit fèmblable à fes predeceflèurs 6c pa-
rens : car TefFcét porte de commun cours la fimilitu-
de de fà caufe, 6c les enfàns enfuivent leurs parens ;
autrement on dit que ils fourlignent, 6c font comme
batarS. Dit en oultre Ariftote, que les vrays nobles
ont plufîeurs bonnes condicions ; car ils font de hault
6c de grant cuer pour mefprifier chofes viles 6c vilai-
- nés, ils font frans 6c libérais en donner 6c pardonner,
ils font ingenieus 6c faiges, tant pour la bonne nour-j
riflon corporele, comme pour leur diligent inftruélion;
ils font aufli courtois 6c bien enparlés , pour la fréquentation
des gens; ' car on les regarde fouvent 6c leurs
faits , fi s’efforcent de bien faire pour leur honneur,
fe n’eft que ils foient deceus par flateurs , qui loent
tout ce qu’ils font, tant foit malfoit, 6c les déçoivent
à leur perdicion: les nobles aufli, en tant que ils font
riches, fe portent bien envers les chofes Divines, c’eft
à dire à honorer Dieu 6c fes ferviteurs , 6c fàinte E-
glife j pour ce que ils voyent que richeflès ne font
point venus à euls , fors par la providence Divine,
non mie par-leur labeur ou induftrie.
Confiderons,que chafcun peut acquérir en foy propre
nobleflè par vertueufe opcracion , 6c eftre le commencement
que fes fucceflèurs foient réputés nobles,
felond le dit de Tulle contre Salufte 3 comme par le
ne.
Confiderons encores, que les Rôyauls 6c de haulte
nobleflè doivent avoir efpeciale devocion , tant à
St. Jofeph, comme à Noflre Dame , a caufe de leur
Royal 6c digne nobleflè : fi doivent promouvoir que
mémoire folennele foit faite d’eulx deux, 6c de leur
facrée defponfàcion plus fouvent ou fervice de TEglife
, foit par confrarie , foit autrement. Et s’aucun
dit que ce feroit introduire nouveleté en TEglife, qui
fembleroit péril ou témérité ; car c’eft bien à favoir
dira aucun que nos predeceflèurs , qui furent tant
feints 6c foiges, euflènt pieça de leur temps ordonnée
tele folennité, fe ce euft eflé bien 6c convenablement
fait. Nous pouvons rcfpondre que la providence de
Dieu fàit fes chofes parfeige ordonnance, Tune après
; l’autre , combien qu’elle les pouroit tout faire enfem-
ble, 6c nous le veons .à noflre propos, que les Feflcs
des Saints, 6c Sainétes ont eflé fucceflivement ordonnées
6c les vérités de la Foy fucceflivement pre-
chées. La Fcfte de la Nativité Noflre Dame fufaiéte
moult long temps après celle de fon Afîümption,
puis on a fait nouvellement la Fefte de fe Conception
6c n’agueres que la Fefte du feint Sacrement fu infli-
tuée , 6c celle de feinte Anne , 6c ainfi de plufîeurs
tels cas j car Dieu veult bien que noflre devocion fc
torne puis en une chofe, puis en l’autre, mais que ce
foit felond vérité 6c bonne entention , car feinéte
nouvelleté peut bien plaire fens reprehenfion.
Confiderons en efpecial , que au commencement
de TEglife plufîeurs hérités dogmatiferent contre la
perdurable virginité de Noftre Dame, en maintes ma-
} nieres, les queles n’efl befoing de reciter. Oi* efl
maintenant Dieu grâce cefte vérité , que NoftreDame
demoura tousjours vierge , telement enracinée es
cuers des Creftiens , que on n’en fàit doubte quelconque
: fi peut on plus fcurement parler 6c folcnni-
fer le Mariage noflre Dame avec feint Jofeph , fins
quelconque male eftimacion ou fofpicion charnelc
que par avant, quant les herefies encores regnoient,&
peut eftre que pour cefte confîderacion , les paintres
au commencement paignoient feint Jofeph comme un
moult vieillart homme , à la barbe florie , ja force
fuft il plus jofne, comme nous dirons cy après, 6c prouverons
qu’aucuns par leur foie diffolution ou incrédulité
abufàflènt de la célébrité de cefte defponfation,
ce n’cfl mie caufe fouffifent de Tempefchier , car
n’eft riens tant bien ordonné de quoy à la fo;s
(mauvais n’abufent , comme des Cantiques 6c des
ymages , 6c autres inflitutions : tejs tornent tout
à leur dommage 6c font de miel venin , comme les
bons font de tout leur proffit, 6c de venin font miel.
Et à vérité dire la commémoration de feint Jofeph,
6c fon hiftoire approuvée, baillent très parfait tefmoi-
gnage à Ja perdurable virginité de Noflre Dame* car
faint Jofepn en fu certifié par Divine révélation, qui
ne peut décevoir, autrement jamais faint Jofeph ne
Tcuft retenue avec foy , mais l’euft répudiée 6c de
laiflée.
Confiderons encores, que Dieu veult à la fois ef-
mouvoir les cuers de fes ferviteurs par diverfès manières,
6c felond diverfité de grâces, tant pour eulx
comme pour aultres, 6c à la fois le fàit pour accroître
l’onneur d’aucuns de fès Saints ou Saintes. Si
fàit Dieu à la fois nouveaux miracles, 6c gracieus fe-
• cours
g 49 Confiderations fu r fa in t Jofeph. 8j-o
murs en tribulacion, à la perfonne qui requiert tel ou tel Dieu, 6c véritablement ri’cft «pmme qui pu iflê eftre
Saint, ou félon tele, ou tele devocion. Or efl vray que
plufîeurs de noflre temps,tant Religieux,comme autres,
les aucuns mors,les autres vifs,ont jugié, 6c cru religieu-
fement, que fecours leur a eflé fait en leurs neceflitez par
la requefte du virginal efpous Noflre Dame S. Jofeph
, le quel TEuangile appelle julle, 6c fils de David, 6c
en la confideration de fon mariage feint 6cfecré avec la
Vierge Marie, de la quelle Tonneur accroît en l’honneur
de fon efpous : fl efl bien à croire que Noflre
Dame repute que Tonneur faitteà S. Jofeph efl foiéle^
à elle, 6c prefques plus que à elle, felond humaine efti-
mation. E fl fàiél aufli ccft onneur au benoit J hefus qui le
daigna appeller Pere, 6c eftre fubget à lui, eftre nourry
de lui, eftre porté de lui, eftre baifié chaftement 6c fouvent
de lui, eftre inftruit felond fon enfance de lui, eftre
très familièrement 6c fouvent interroguéde lui, auquel il
apprift les facrés mifteres de noflre Religion.
Confiderqps jouxte ce qui efl prefentement dit,qui efl
la chofe que S. Jofeph vouldra demander au benoit fils
de Dieu, foit par le moien fon efpoufe Marie, foit par foy
melmes, qui lui foit rcfufcé, quant Saint Jofeph a tant
fouvent par loyale 6c laborieufefedulité fervi à Dieu, 6c
qui efl plus à merueille, quant Dieu a voulu fervir à lui,
6c eftrefubget obeiflànt à lui : 6c s’aucun oppofe que autrement
efl de prefent es ciels que n’eftoit en terre -, ref-
pondons que gloire ne ofte point nature, mais la parfait,
6c que la dignacion amoureufe de Dieu n’eft pas mendie*
en Paradis laflus, que en terre, jafoice que c’eftoit par
autçe maniéré fens indigence ou imperfection.
Confiderons en apres que S. Jofeph, puis qu’il fu
nez, fu circoncis le huitième jour, felond la L o y , 6c
lors lui fu impofé ce nom , Jofeph, qui felond fon
interpretacion lignifie accroiflèment ou augmentacion.
Et raifonnablement fu ainfi nommé celui qui devoit
croillre de vertus en vertus, 6c de honneur à honneur,
jufque à tele dignité, que il fu appellé Pere du
benoit Fils de Dieu Jhefùs, 6c maintenant ellglorieu-
fement couronné laflus. Nous lifons d’aucuns qui
orent fèmblable nom : comme Jofeph qui fouva
Egipte contre la famine de fept ans; mais noflre Jo-^-
feph fu plus parfàit, qui gouverna le SÆuveui^e tout le
monde environ trente ans. Nous avons d’umutre Jofeph
de Arimathie qui efloit Difeipleoccult de Jhefus,
qui Tenfeveli hardiement 6c precieufement, comme dit
YYLmi\g\\t.Matth. xxvii. f 7.5-8. &c. mais noflre Jofeph
fu plus que Difciple dejhefus 6c lui fit trop plus de
fervice en fon vivant : on parle d’un autre Jofeph es
fais des Apoftres.
Confiderons en oultre, felond miftique entendement,
que Jofeph lignifie Tomtne contemplatif, qui
s’eslieve fus foy , 6c va de clarté en clarté, jufques à
la vifiori des chofes divines , de plus en plus : combien
que ce foit icy comme en miroir 6c en umbrage.
Ce contemplatif efl; fils de Jacob qui fîgnifiç felond
fon interpretacion fupplantateurouluitteur, par quoy
nous entendons Tomme aélif qui fupplante, 6c met
deflbubs fes piés de l’affeétion les vices , 6c lüiéle
contre eulx vigoreufement. Ce Jacob engendre Jofeph
; car la vie aétive précédé la contemplative : 6c
pour néant, comme dit faint Grégoire , un homme
s efforce de monter le mont de paifible contempla-
cion, qui pàr avant ne s’a exercité ou champ de la- T
borieufe aétion : 6c c’eft contre ceulx, 6c celles de*
noflre temps, qui du premier fault veullent êftre mis
en vie fblitaire, ou en vie de hermitage, ou demou-
rer ou monde, 6c ilec tantoft eftre rav is jufques au tiers
ciel, fons avoir vefqu en difeipline de la fupplanta-
cion des vices, & martificacion de leur charnalité :
mais c efl en vain, 6c fouvent tourne en leur irrifion
eicande 6c perdicion.
Confiderons encores, que Jofeph ot fon Pere legal
qui fe nommoit H e ly , fefond TEuangelifte S.-Luc.
chap. u i.zy. Hely vault autant comme donation mon
Tom I I I , Pars II.
Jofeph par contemplacion, fe non par Dieu qui là
donne, combien que humaine diligence en oroiions,
en jufnes, en aumofnes, en bonnçsLpperacions , dif-
pofe à cette grâce recevoir de congraité, non mie de
neceflîté. Si feroit icy prouftable ôc large matière de
Continuer nos confideracions, a congnoiftre la nature de
devoté 6c ellevée contemplacion,en la quelle c’eft bien à
croire que Jofeph proffita moult, en la très familière
fooieté de fon amée efpoufe, 6c du doulx enfant Jhefus:
mais à tant nous fouffife de ce pour le prefent.
Confiderons encores , jouxte ce que dit eft , que
aétion precede]contemplacion ; comment feint Jofeph
vint à aage vigoureux 6c de diferetion, ne voulu point
eftre oy feus , mais fe donna à labour 6c à rr.efticr,
tant pour foy bien occuper ; comme pour gaignier
honneftement 6c juftèment fe vie , 6c pour acquérir
la benediélion de la quele parle le Prophète,quant il dit,
Pfal. CXXVII. Z. Pour ce que tu mengeras les labeurs de
tes mains, c ’cft a dire que tes mains gaigneront, 7#
es benois & te fera bien. Si fe donna faint Jofeph en
fon jofne aage à eftre fevre en boys , comme à faire
charretesou huches, ou feneftres, ou nefs, oumai-
fons, jafoice fuft il de très honefte 6c noble lignée
en la cité de Nazareth : 6c c’eft contre ceulx ou celles
qui ne veulent ouvrer, 6c reputent à honte ou à
fervage, fi font fouvent povres 6c mefehans quant au
1 monde, 6c trop plus quant à Dieu*: car tèlesperfon-
nes font communément ferves 6c fubgeftes à tous vices,
6c à très viles abhominables 6cordesmaleuretés,
plus que nous ne voulons icy dire 6c declairer. Saint
Pol difoit Z Thejf.m.io. Qui ne labeurepoint, nemen-
gue point, il meifmes labouroit, tant fuft il Apoftre,
6c noble, 6c occupé en continuele predioacion , au
quel fouffifoit très petite fuftentacion corporele. Ainfi
firent S. Crefpin 6c Crifpinien, 6c autres; 6c ce eft
contre plufîeurs gens d’Eglife de noflre-temps Religieux
6c autres, qui au moins fe porroient occupera
honnefte 6c paifible labeur , comme à eferire ou à
_ corriger Livres , ou à aucun meflier qui ne requiert
' mie grande force , ou diftraétion.
Confiderons en oultre , félon la benediélion que
donne le Prophète par Tauélorité de Dieu à ceulx
qui menguent pain de labeur 6c bien gaignié, que dé
S. Jofeph on peut dire ce qui s’enfuit ou Pfeau*ie devant
allégué. Ta femme dit le Prophète P/û/.®xxvii.
3.4. fera comme vigne habondant es cofleti. de ta mai-
fon, &tes enfans feront comme nouveletes plantes d'olives
en {'environ de ta tablé. Vecy comment fera benêts
qui doubte noflre Seigneur. La femme que S. Jofeph
ou fu N oflre Dame de la quelle chante S. Eglife en
fe perfonne, jay dit elle fruélifié comme vigne odeur
foef flairant, cefte vigne porta le précieux 6c doulx fruit
de vie Jhefus, qui difoit a fes Apoftres Joan. xv. 1. J e
fuis vigne & mon pere efl le vigneron. Lequel Jhefus eft
auflî comme la belle olive plantureufe 6c fruélueufe, 6c
fu jadis environ la table S. Jofeph par maintes fois , fi
fu bien la diélebenediélion accomplie, car cell enfent
povoit eftre dit à Jofeph, felond l’entendement deflus
expofé, 6c il feul en valoit cent, voir plus fens nombre.
Confiderons, fens nous arrefter de prefent au fens
miftique du precedent dit du Prophète , 6c penfons
) quel aage povoit avoir Jofeph,quant il prit NoftreDame
à efpoufe, 6c femble que auétorité 6c raifonprobable
donnent que il efloit en l’aage de jouvent, le quel
aage felond ce que dit Yfidore en fes ethimologies
commence depuis vingt huit ans,jufques à cinquante;car
le premier aage eft enfance, qui dure jufques fept ans 3
puis eft Taage de pucelage , qui dure jufques à qua-
torfe ans ; puis eft adolefcence , qui dure jufques à
vingt huit ans ; puis eft jouvence que nous difons Taage
d’omme parfait jufques à cinquante ans ; puis eft vicl-
lefce. Or difons que Yfàïe en prophetifant de Tad-
-venement Jhefu Crift, met.que ou temps d’iceluy le
H h h jou-4