qui dés ion enffance fort à Dieu en eftat de virginité,
fans reproche jufques à (on ancienneté, laquelle me re-
prefente Anthienne de l’Evangile, qui eft, dit elle, le
remede ou la dcffence plus valable contre toute temp-
tacion? Je refpondis que c’eftoit humilité, comme il
feut révélé à fâint Anthoine, quant il vit le monde plain
de las, 6c en foufpirant, s’cfcria à Dieu. O Sire & qui
la confideracion desmaulx qu’amainne pechié, quant
onconfent à la temptacion 6c quels maulxfont certes
innumerables, habominables, 6f deteftables. Pechié
tout de premier ofte la fubjeétion 6c amour que doit
avoir toute créature à fon Créateur , fervant à fon Seigneur,
elpoufe à elpous, fils à pere, efcolier à mai-
lire, refpite de mort à fon rédempteur: pechié fait
les efchapera? Fu refpondu humilité, & raifonnable-* guerre autout puiffont, fi n’eft pas de merveille s’il
--------------_.:à' j .-L2.6„m n _/ii— :i: A vaincus & confundus par dolereufê punition: pechié
eft tant hays de Dieu, qu’il n’a fi bon amy en
paradis, que pour pechié il de le liuraft àj perdurable
dampnacion, comme il a fait Lucifer 6c fes Angels
qui tant eftoient beaulx 6c parfais ; pechié feuft tant
inportable à Dieu, que pour le deftruire, il livra a mort
fon benoit Fils, 6c perfa fa Mere par le cuer du poignant
glaive de la paflîon 6c les aültres mcndres fans..........
ment : car chafcun pechié naill d’orgueil, fi eft humilité
contraire à tous. Lors celle bonne femme dit en
là litige finpleflê, qui ç’eftoit le ligne de la Croix ; ces lüy
accorday alfés to ll, & monftray que fa refponfe s’ac-
cordoit a la mienne , car oncqyes ne feut monftrée
plus profonde, humilité, que en la Croix 6c fon mi-
ilere.
F r e r e : il nous frmble avec celle devote femme,
que le figne de la Croix voirement cil la baniere & le ...........................s’ils pechent que s’attendent à devenir
figne de victoire du louverain R o y , en la bataille contre
les vices, 6cenefpecial contre la puiflânee du prince de
tenebres, qui par ce figne feut confundue: Sin’eftpas
de merveille s’il fuit ce figne & le redoubte. Nous
avons à propos oy pluficurs figures , 6c hiftoires,
comme du ferpentd’arain que M oyfe fit cflever ou de-
fert, parle regartduquel chafcun eftoit aflêuré contre
la mortelle morfure des ferpens du defert * 6c vous
feavés que JhefusCrift fe compara àçeferpent,6cfeut
mis en figure de croix, felond feint Auguftin. Se aucun
doneques fc fent en péril de la morlure des fer-
pens vicieulx, comme d’orguel, d’envie, d’ire, d’avarice
6c aültre * fi regarde ce figne ou la face, lors il
fera feur. Soit tousjours doneques, ce figne Jevé ou
bâton ferme de la loy, tout au plus hault du chaftel
de l’ame, c ’eft la prophétie de l’entendement. L ’autre
figure avons oye du frne de l’Aignel, ...........du qu’el
feurent aroufés les polleaus des hus des Juifs, pour
cfehuer l’exterminacion d’eulx 6c de leurs enffans premiers
nez,.L'autre figure,du bois qui rendit doulce l’eaue
amere du defert ; l’autre du figne de Thau en Ezechiel
JZ & e ch . ix. 4. par lequel chafcun qui l’avoit, efehapoit la
perfecucion, de l’Angel. Hiftoire avons de Conftantin,
au quel feut monftre le figne de la Croix ou Ciel, 6c
luy feut dit, Conftantin en ce figne tu vaincras. L e pareil
ailes avint à Eraclius. L ’autre hiftoire recite faint
ou à fuyr; pechié ofte à celluy qui le fait fon feigneur
6cfon pere, Dieu, ion héritage, paradis^ la fraternité
des bons, les bienfris de l’Eglife, puis le faitferf
à très vile fervitute * 6c à brief parler, pechié le met
en tel eftat, que mieulx vauroit à tel que oncques
neuft efté nez : fi eft très fols quefe rent à pechié &
très crueux, car il fe tue luy mefmes de pire mort que
n’eft celle du corps 6c comme l a ........... femme qui
enffrntte tous fes enffans..............c ’eft adiré les oeu-
« vres, il aveugle fes yeulx , il le rent au dyable fon
ennemy mortel, 6c fort à celluy qui ja bien ne luy
fera, mais qui fans fin le punira. Il fe gette de fon
gré en feu 6c en eave, entre larrons , entre les bras
des quels il fe gift 6c endort, il fe départ de celuydu
quel tout le bien vient, fi n’eft pas de merveille fe bien
le fuit, 6c tout mal l’aflault ; il forge le glaive pour foy
tuer, 6c la chaine pour foy ellrangler, 6c qui luy demanderait
ou il va 6c court, que pourrait il aultre refponfe
frire, fors celle furieufe: Je me voy pendre,
voir à quel gibet, au pire quilloit, c’eft en enfer. Ala
parfin, pour tout dire, pechié eft tant mauvais que riens
n’euft onques grevé ou frit mal à créature, ne ja ne
ferait-, s’il n’eftoit, dit frinte Eglife en uneoroilbn,
que nulle adverfité ne pourrait nuyre, le n’avoit domination
aucune iniquité: 6c quivoudroit delcendre
en particulier par chafcun pechié en verrait d .........
Grégoire, du Juif qui fe ligna de la Croix au quel les ..............quel tourment, quelle angoiffe, quelle triennemis
ne porrent aproucher, 6 c ......... recite faint bulacion, mifere, 6c affliétion amainne pechié à fon
Jerome qu’en lamortlouvantfailbiten fa bouche ce fi- q aéleur, comme orgueil l’abat, envie l’aveugle , ire
le delfire., avarice le detraine , pareflê le loye fins
le pouoir aidier, gloutenie l’enfevelit, luxure l’art
6c frit. f
F r e r e : il nous fouffit pour le prêtent cequ’avés
dit en general des maulx que fait pechié frns aultrement
defeendre icy aus efpeciaulx vices : 6c en bonne foy,
bien eft folement deceu plus de la moitié, qui à l’aflàult
d’une temptacion fe laiflê vaincre 6c livrer à tele déflation
fi dolereufê, 6c tant honteufe. Mais nous voulons
bien oyr pour l’aultre deffenfe huitième en ordre
les biens qu’amainnne vertus, quant on vaint
temptacion, affin que qui ne doubte allés la painne,
apreigne au moins a defirer la joy 6c le lolas.
S u e r s : je vous diray comment aucune fois vertus
s’eft reprefentée devant les yeulx de ma penfée,
tant belle tant clere, tant ferie, tant folacieufe 6c degne
de la Croix. Telles approbacions delà virtusdece
figne viélorieux 6c de celle baniere triumphale avons
oy autresfois reciter , 6c vous paflêrés à tant, s’il
vous plaift, pour procéder oultre aux aultres deffenfes.
M es S u e r s : vous elles à loer quant vous avés
telement retenu ce que friloit à voftre deffenlê par ce
ligne delà Croix, combien que on pourrait encores
trop plus avant dilater celle matière, en parlant de Jhelùs
C r if t , qui la frinttefia, confrcra, 6c honnoura * ou
quel reluit l’exemple 6c le livre de toute virtus pour
exterminer chafcun vice contraire, 6c qui nous eftfait,
ce dit l’Apoftrc, Juftice, fiapiehee., fanâificacion , &
redempeion. 1. Cor. 1. 30. Mais pour ce que celle matière
eft ailleurs traittié habundanment^ je m’en paflê-
ray , 6c felond voftre pétition , parleray <des aultres def-
fen fes. Vray eft que nous poicrons cy ung petit à celle ôlicicufe que riens plus, 6c apres grande admiration je
heure de midy, pour prendre aucune récréation, tant
pour l’elprit que pour le corps, affin aulïï que vous
puilfiés ce qui eft dit ramener a rumgé entre les dens
de meditacion,. pour le mieulx diriger ou ventre de re-
çordacion.
M e,s S u e r s : J’apercoy voftre dçfir vous retour..
......... legierement a efeouter les aultres deffenfes: foit
Dieu en mon ayde felond voftre bonne foy , 6cledefir
d’aprendre pour donner vertueux cffeél à la mienne;mais
la fienne procede.Proffuyons doneques en celle confiance
, 6c difons que Paultre deffenfe feptieme en ordre eft,
m’ofay enhaudir de luy demander , Dame qui elles
vous ? que queres vous en ce lieu de tenebres, en celle
valée de plours ? Je fuis, dit-elle, fille* de Dieu,
Royne, efpoufe, 6c garde 6c amie de tous les bons*
je mis”celle qui par ma prefence dechaflê tout mal,
6c mainne tous biens. Je quiersmoy hebergieraveuc
les fils des hommes, l’ame délité, là les confole, là je
les ofte puiflàmment de toute villainnie fervitute, 6c
de crueufe mort ; je leur donne liberté tele, comme
les faire fils du louverain Empereur dignes de l’he-
ritage paternel, c’eft Paradis, voir tout le monde}
je
îe les rens perfonniers de tous biens fris, foit es cieulx,
loit en terre, 6c les remes ou giron de S. Eglile leur
bonne mere * en oultre celûy qui me reçoit par la
p o r t e de bon contentement, reçoit feurre lumière,
doulceur, leeflê,. fuavité, attent la mort à joye , 6c
en fueffre patiemment celle vie, en efperance ferme
de l’autre. Par moy eft frit le lit de confcience pur 6c
net,fouef flairant, pour y bien repofer fans manuta-^fâifrnt s'il commefaigeprevifiondction
du vers de pechié , remordant 6c aguillonnant
très aigrement. Par .moy eft fendue frinne 6c alegié
l’aine en tous fens, frns lefion ou infiétion d’enferme-
té, pour louef fl urier la fouverainne odeur, pour bien
veoir la louverainne lueur, pour goufterlafouverain-
ne faveur, pour embrafer 6c bailler la fouverainne
doulceur, pour efeouter la fouverainne armonie, 6c
acco'rt mélodieux. Par moy prent là plaifance l’ame
en fes operations , qui font felond Dieu 6c nature,
6c tiennent le moien, car chofe vicieufe ou deraifon-
née comment plairait elle. Par moy eft fait le corps
fubjet à l’ame, par amiable» conjunction , 6c volain-
taire communication , tout eft en ung accort. Par
moy tourne a l’ame qui me reçoit à hofteflê toute
chofe à proflit 6c à bien, loit profperité, foit adverfité
, loit male ou bonne renommée, loit richeflê,
foit povreté, foit vie, foit mort, foit enfer, loit Para-
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le , ou en lot de chevalerie contre les temptacions ,
loigneulèment avifer, 6c mettre devant fes yeulx toute
chofe qui luy peut advenir , pour l’encliner à pechié
, viengne adverfité dure , tele ou tele : viengne
decevable profperité, 6c à quel fin? Alfin que Jalou-
daine venue ne trouble ou efpouvente la perfonnequi
n’y penfoit, 6cquife reputoit feure de tel aflault. En
ce foi font s’il advient ainfi, coi
nunceeftrepoffible; l’ame eft j’à délibérée de ce qu'c
doit frire , ou recevoir pacienment, fe c’eft tribulation*
ou librement 6c humblement, fec'cft confo-
lacion ; 6c le mieulx advient qu’ elle n’cfperoit ou at-
tendoit, c’ eft comme ung gaing ou aventage. Adjou-
tés à ce que par tele previfion , l’ame devient plus
faige, prudent 6c caute, plus forte aulîÿ 6c alîèurée
contre l’ennemy de quelconque temptacion , quant
par avant elle du tout en tout interroge loy meifmes:
6c fe tele chofe avenoit, foit mort d’amis, fils, ou fille
, ou femme, foit honteus diffame, foit maladie longue,
loit laide povreté, que feroies tu ? comment te
porteries tu? Et par le contraire quel ferait ton main-
tieng, fe ton eftat croifloiten honneur, en richefiès,
en renommée, en loenge * ou fe tu es contrainte venir
en compaignie qui attrairoit à volupté orde 6c
diflblucion , à fraude ou déception. Tel feuft Enée,
dis, foit dampnés, foit fauvés, tout tourne a fon gaing, B felond que defrript Virgile : tel Seneque: telle vil-
0 — * ’ " ’ '1l............ 11 ------— '■ lart du quel parle Terence: tels aultres friges qui prevenoient
tout ce qui leur povoit avenir, 6c en contre
6c aide 6c bataillent pour elle , veoir nez tes ennemis
mortels, 6c que dirroye je plus, de elle 6c de Dieu
eft fait comme ung efprit, ung amour 6c une voulen-
té, fi n’eft rien qui luy nuyfe ou desplaife j comme
le pecheur de tout fait fon dommaige 6c tout luy nu^t,
tout le guerrôye 6c vaint.
F r e r e : quelle eft cefte félicité, vivre en l’eftat
que nous oyons : O vrayjhefiîs! quelle maleuretéeft-
ce trebuchier, pour confentir à temptacion, du vertueux
eftat en l’eftat vicieux ! O fils des hommes amerés vous vanité : comment fuivés vous mjuenfqfounegse à & qu caonnt
fient es à iniquité ? Pf.iv. z. mais nous avons ycy biau
frire une doubte, comment vous entendés ce que vous
avés dit des biens de vertus, comme en fr puiflàn*ce;
car ne veons nous mye plufieurs que fe Dieu plaift
font en eftat de grâce de falut 6c vertus , aufquels del
faille ce famble plufieurs des condicions deflbs dittes,
comme avoir le corps du tout lubjet à l’ame* fe ne
font par aventure aucuns parfais 6c bien exercités, 6c C art.
créons bien que de tels entendés vous : quant à une
partie des loenges que fe donne vertus, les aultres conviennent
fe proveoient, apareilloient, 6c armoient : en figure
de ce lifons nous que Abrahan étoit à l’us de fon Ta bernacle
, 6c regardoit de loing , 6c comme lus fr
garde. Si eft cefte deftenfo plus contre les temptacions
qui furviennent foudainnement 6c defpronevement,
comme difcrecion eft plus contre celles qui forviennent
frauduleufcment * 6c circonfpeélion plus contre la multitude
6c variété* fecrete exhortacion plus contre la
violence 6c perverfité d’icelles.
F r e r e : il nous famble que cefte deffenlê eft bonne
: car à parler des armes comme on oy t dire, 6c comme
femmeletes, il n’eft riens qui plus aift deftruit grandes
citez, grans païs, ou fortes batailles, que la fou-
daine venue des adverfrires, quant on n’enqueroit par-
avant l’entreprifo diceulx , 6c ne les fentoit on pas
julques- à tant que ils feraient ou . . . . . . par tel
On dit que Jule Cefrr conquift toute Galle, 6c
ceulx de la Lugroye dan prirent la cité Lachis, qui
eftoit feure 6c point ne fe gardoit : mais vivre huy
comme huy, morir, 6c jour au jour la vie : mais nous
laiflons tels exemples aus plus experts, 6c nous vient
au devant ce qu’aucune fois avons oy 6c veu de plu-
fieurs, qui maintenoient de fait 6c de parole, que on
ne te devoit baillier cure ou foucy du temps avenir,
allèguent l’Evangile Neveuilliésy dit JhefusCrift, pan-
fer du demain > il fbujftt bien au jour prefint fa malice,
Matth.vi. 34.- il famble aulfi que par telement penfer
aus mais qui pourraient advenir, ne ferait fois te donner
triftece 6c melencolie, 6c devenir mefehant avant
le temps* 6c pour incertaine avanture, prendre cer-
tainne 6c nuyfrnt cure. De cefte opinion ce famble eft
le livret qui te nomme Caton, qui plufieurs fois commande
à delaiflier la paourde la mort, pour ce qu’elle
ofte les joyes de vie.
M e s S u e r s : je prens bien voftre oppoficion,
à tous, foient commcnfrns, foient profitans,
ou parfais; comme eft devenir Fils de Dieu, digne de
Paradis, participant de tous bien fris, 6c ainfi d’autres
très excellans perfeélions.
Si ne vous arreftés plus à cecy declairer * mais tournés
le cours de voftre parole aux quatre autre dar-
ricnnes deffenfes, que vous nommés Saige previfion.
Clere difcrecion. Veillant circonfpeélion. Secrete exhortacion.
Dittes l’office propre d’une chacune, 6c de
la diverfité de l’une à l’autre.
M es S t j e r s : entendés que frige previfion eft
comme la guette mite ou plus hault du dongon de la
cite de l’ame, pour advifer 6c fpeculer de long les ad-
verfrns temptacions, avant qu’elles foient approchées,
avife bien tout leur enbuche 6c tapignage, tout leur
effort 6c préparation, lors par fon figne , par fr . . .
p“ a - r fro n e*fe r• i, f-i gniEfiHe t out ..c..e.. .q..u...’.i.l peut aveni' r à' *la* ^Dlaquelle bien entenduëeft vraye, 6c non contraire à ce
cite de l’ame par tele ou tele temptacion, affin que jamais
rame ne foit par fe defpourveuë ou à defeouvert
oc -qu’elle ne die la parole des fos Capitaine qui riens
n avifent, fors ce qu’ils voyent.' Je ne le cuydoyepas,
aient ceulx, quant ils te treiivent deceus : c’eft à dire
a noftre propos, je ne me gardoye mye d’une tele ou
tele temptacion , dit l’ame *' je fuis foudainne-
nient fouprite : êc vous frvés que trop1* legiere-
ment déçoit 6c vaint l’ennemy duquel on ne te gar-
de. Si doit un chateun qui eft mis ou chant de batail- Tomi III. Pars I I,
qui eft dit * car je n’enttens point que la perfonne panfe
telement aus chofes à venir, par frige previfion, qu’elle
s’en defconforte, ou qu’elle delaiflë riens à frire de
ce qui fc doit faire pour ce jour, voir pour cefte heure
: mais tout au contraire je veuil que cefte previfion
rende, comme dit eft, avifée, ferme 6c aflëu-
rée la perfonne contre tout ce qui luy peut avenir,
polir y proveoir frigement, frns demeurer pour peu de
temps en vainne feureté ou leeflê , pour incontinent
trebuchier ou eft dolereufe impatience, ou, qui pis vault
F f f à la