i f8y J o am is
fon Apoftre, & Docteur fouverain de fainéle Eglile.
Item du bon larron, qui pour Tes horribiles mesfàis,
eftoit condampné [a une mort~\ ignominieufe : ÔC
neantmoins il pendant en la croys, qui par adven-
ture n’avoit mie deux ou trois heures de vie , ne le
defelpera mie , ains veant no lire Sauveur J. G. mo-
rant en la Crois, l’aoura, lecreut, le confeflà eftre
R o y des cieulx , dilant Aiemento mei dam veneris
inRegnotuo. Luc. xxm.42. Sire, dift-il, aies mémoire
de moy, quant tu feras venu en ton Roiau-
me. Pour laquelle confeflîon, certes de grande 6c
merveilleufe F o y , Dieu luy pardonna tous fespechiés,
6c luy dift que huy avecques luy il feroit en Paradis.
uimen Dico tibi, quia hodie mecum eris in Paradijo.
f . 43.
Nul doneques ces choies ici oyant le defelpere,
pour quelconque mal qu’il ait fait, nul ne preingne ex-
cufàtion, ne nul n’allegue ici povreté, ou non poyf-
lance, ou ignorance j feulement retourne le pecheur
à la mifericorde de Dieu, feulement ait une petite def-
plailànce de fon pechié, 6c de ce qu’il a Dieu Ion Souverain
ainlî offenfé, ait aulîî avecques cecy bon propos
de le confeflèr en temps 6c en lieu -, 6c vrayement Dieu
lui remetra 6c pardonnera l’offenfe, 6c conyertira la
paine perdurable qu’il avoit defini, en temporelle.
Et par adventure la contrition de la defplailànce
porroit eftre li grande , que Dieu ne lui pardonroit
mie feulement le pechié, ou lacoulpe, ains aulîî toute
la paine deüe pour le pechié lui remetroit 6c pardonroit,
fi comme. il apparu du bon larron. Il appert
doneques comme grande vertu a bonne contrition
j car elle efiàce les pechiés 6c à Dieu les pécheurs
reconcilie, elle fait revivre les oeuvres mortes , elle
cloft les portes d’enfer 6c oeuvre celles du Roiaume
des cieulx. Cecy certes bonne portière que l’en
doit aimer 6c defirer fouverainement 6c qui eft en la
puiflànce d’un chacun vivant en celle mortelle vie,
6c à la quelle avoir Dieu nous exhorte par le St.
Prophète Joël dilant Convertimini ad me 6ce.
La tierce 6c finale confideration, pour rendre à la
folle queftion de ceulx qui dient, qui peuent bien attendre
à eulx convertir julques en leur viellefle , 6c
foy esbatre en leur jeunefle, fera telle que entre les
choies qui moult plaifent à Dieu & font aulîî de très
grant prouffit, eft que la perfonne en la jeuneflè fe
çonvertiflè à Dieu par bonnes oeuvres } ôc fe par humaine
fragillité , elle enchiet en la foflè de pechié,
que tantoft retorne à la mifericorde de D ieu , par
bonne contrition de fon mesfàit. Pour ce difoit noftre
Sauveur J. C . Bonum eft viro cùm gortaverit 6cc.
Thren. ni. 27. 6c le Sage Salmon , Eccli.v. 8. Ne
tardes, dit, converti ad Dominum , & ne différas de die
in diem^ Jubito enim veniet ira ejm, & in tempore vin-
dida perdet te. Mon f ils , dit le Sage, ne veille
mie attendre de demain à demain à toy convertir à
Dieu, ne fi ne différé point de jour en jour 5 carfou-
dainement venra l’ire 6c le couroux de Dieu , 6c 'en
tamps de vengance , c’eft affavoir apres celle vie,
qui eft le tamps de vengance 6c de punition quant aus
mauvais, ou quel Dieu te punira làns nul remede.
L a vérité de celle confideration je puis monftrer
par aucunes raifons, des quelles-les aucunes je tou-
cheray: 6c premièrement, je la peux fonder en l’augmentation
& accroiflèment de îa Divine grâce, qui]
eft donnée à ceux qui fe excitent en bonnes oeuvres,
6c de tant plus abondamment, de tant pluftoft ils
commencent, 6c plus longuement ils les continuent.
Or eft ainfi que où eft la grâce de Dieu plus grande
, icelle perfonne eft plus agreâble à Dieu, 6c plus
yigoureufe 6c mieulx dilpofée à refifter aux tempta-
tions de l’anemy du monde, 6c de la char. Ceci eft
notoire à tous feables , 6c par le contraire il avient
fouvent que celui ou celle qui en là jeuneflè ara defpi-
té la grâce de Dieu, en abüfànt des dons de grâce, dé
Gerfonii 1788
fortune, ou de nature que Dieu lui a donné, jamais à
icelle grâce ne retournera, fcilicet, abfque D e i gratin
quis falvabitur^ quisfubjîftet, quis non potins in damna-
tionis laqueum praceps ruetï Mais helas qui eft cil qui
fans la grâce de Dieu peult eftre làuvé, puift vivre 6c
demourerJ, qui ne chieflè es las de temptation : oultre
plus il n’eft nul doubte que Dieu n’ait plus agréable
le fervice que la perfonne lui fait en la belle fleur de
\ fa jeuneflè, que ce làmblablement fe fàifoiten là trille 6c rechinée vielleflè : ubi tune non ipfa vitia defereret,
fed à vitiis relinqueretur : laquelle vielleflè eft comme
la ly e, 6c eft l’ordure de la vie de l’omme, 6c de quoi
le monde n’a cure : pour ce dient les Doéleurs, que
une caufe entre les autres , pourquoi noftre Sauveur
J.C. qui aima tant familièrement St Jehan l’Evangelifte,
car il vint jeune en fon fervice................ qui apres telle
dilation de foi toft convertir à Dieu , apres ce que
l’en a pechié, eft fouverainement dommagable. Car premièrement
elle rend la perfonne trille 6c paoureufe en
làconfoience, 6c en la vie 6c en la mort qui eft très
grant mifere, 6c ja un commencement d’enfer j fi comme
avoir paix 6c feurté de confidence, eft un commencement
de Paradis, Juxta illud S. Gregorii Judicium,
inquit, rétributions ^ eft in obitu fecuritas mentis. Elle
aulîî induit 6c engendre , ou fait avoir très grande
difficulté à la povre créature mifërable, à foi deuement
5 convertir à Dieu, tant pour la mauvaife couftumeôc
induration que l’en a aquis , que poureeque par telle
dilation la perfonne s’adurcit en mal : comme aulîî,
car de quant plus longuement aucun demeure 6c continue
en fon pechié , de tant eft plus chargié. Car
comme dit làint Grégoire : jPeccatum quod goenitentia
non diluit ipjb Juo pondéré mox ad aliud trahit. De
tant aulîî il eft plus floibe , 6c ainfi de tant mains fe
peut relever, 6c convertir à bien: car qui ne peut lever
un petit fardel, comment porroit il lever un très grant
fez ? Et à ce propos on lift en la vie des Peres, comment
un faint hermite,nommé Arfenius vit une telle vifion.
Vint à lui ùne voix du ciel 6c lui dift : va hors de ta
celle ou de ta maifon, 6c je te monftreray les oeuvres
des hommes : 6c comme il fuft hors, il vit ung noir
Ethiopien qu’il coupoit du bois pour faire là charge
à porter, puis vit comment il eflàioit s’il porroit lever
là charge, 6c jafoitee qu’il ne la peuft lever, car
-y elle pefoit trop ; neantmoins toudis il coupoit, 6c
mettoit, 6c adjouftoit fur fon fàrdel. Et quant le
làint hermite eut veu la follie de cet Ethiopien , lui
fut après expofé celle vifion. Vois-tu, dift la voix à
ce làint preud-homme : vois-tu ceft homme qui
couppe ce bois 6c toujours met bûche for bûche, 6c
toutes voyes il ne peut porter ce qu’il en a couppé ?
Vrayement à lui refamblent tous ceux qui font chargiez
de pechiés, 6c neantmoins chacun jour ajouftent
mal fur mal, pechié fur pechié : comme certes font
les plufieurs qui attendent de demain à deman , à fe
convertir à Dieu, 6c toute la charge de leur vie laife
font en leur vieilleflè, qui eft la plus petite partie de
la vie de l’homme, dilànt qu’ils fe peuent bien esbatre
en leur jeuneflè , 6c làtisfaire aux voluptés de la
char , ou à acquérir, par toutes maniérés honneurs 6c richeflès mondaines , mais en leur vielleflè fe convertiront
à Dieu, 6c laiflèront les oeuvres de jeuneflè, 6c Dieu volentiers lesrecevera.
) O folle repromiflîon de longue vie, 6c qui tant de
gens as miferablement perdu 6c deceu, 6c déçois chacun
jour , 6c pers ! O deteftable prelùmption , qui
ainfi folementprelùmedifpofer du tamps advenir , ainfi
que s’il fuft en ta difpofition 6c puiflànce, 6c non feulement
en la làge providence de Dieu. Aét. 1. 7.
Non eft veftrum nofee tempora qtu Pater gofuit in fuapo-
teftate. O prefumptueufe dilacion de demain à demain!
D y moy je te prie fe tu viveras demain ? Dieu t’a bien
promis de donner pardon 6c remiffion , quant tu te
convertiras à lui deuement} mais il ne t ’a point pro789
Sermo in initio temporis Qpuidragefmalis 15-90
mis de demain. Se Dieu abrega le tamps de peni-
tance qu’il avoit donné 6c promis aux hommes qui
eftoientpour le tamps du jufte N o e l, abrega, di-je,
pour leur abhominable vie j car de cent ans il en ofta
vint, qüe fera-ilde ceulx à qui nul tamps n’eft promis?
I l m’eft vrayfemblable que Dieu fouvent abrégé la
vie de plufieurs, pour ce qu’ils ne fe veulent convertir
à Dieu 6c laifler leur vie mauvaife 6c abhominable
à Dieu 6c aux faints Anges de Paradis. Pour ce dift
le Sage : Pâmes & mors ad vindittam creata funt
E cd i.x xx 1x.3 f. Et Saint Àuguftin dift, que fouvent
fçeroye affés plaindre , ne auflî lès affés redarguer$
reprendre 6c detefter: 6c briefvement, c’eft un moult
horrible temptation 6c merveilleufe déception de l’en-
nemy, qui ainfi captive, ainfi avugle la povre créature,
qu’elle ne veult confiderer raifon , 6c la mort
qui de fi près la fu it, qui ja eft à fes piés : 6c fait
moult à doubter que ce ne foit figne de réprobation
divinè. Et de telles gens peut eftre vérifié le dit de
Job. Palpabunt in ilia die & non videbunt.
Pour tant,. bonnes gens, en faifant fin 6c cônclufioh*
nous tous en commun 6c en .... mettons en ce faint tamps
Dieu envoyé en ce monde plufieurs tempeftes, per- A de Carefme toute noftre entente, noftre eftude, 6c
fecutions, guerres, famines, ou mortalités pour caufe
des horribles pechiés des hommes, qui ne fe veul-
lent convertir à Dieu, mais veulent demourer 6c continuer
en leurs mausfais, pour ce qu'ils veulent, fatif-
fairé aux voluptés & délits de la char en leur jeuneflè:
dilànt que bien ils fe convertiront en leur vielleflè.
Mais helas, adonc fe convertiront-ils au moins làns
très grand difficulté, quant ils font tant plains de pechiés,
quant ils feront plains-de mauvais jours, quant
ils feront tant elognéz de Dieu, quans ils aront tant
d’empefehemens, 6c de maladies, 6cde follicitudes an-
goiflèufes , 6c briefment, de toutes miferes 6c défi-
plaifirs qui leur fûrviennent. En oultre, quant l’endiligemment
de nous convertir à Dieu de tout noftre
cueur, par bonne contrition , recourons tantoft au
trofhe de la grâce 6c mifericorde de Dieu : car certes,
fe nous lui demandons grâce , nous ne ferons point
mis en Jugement-, toute peine, toute interrogation
ceflèra : fe nous lui demandons mifericorde ; vrayement
nous l’obtiendrons.
Obeiflons donc aux Gommandemens de noftre fou-
verain Prince & Seigneur qui tant inftamentnous commande
que nous nous veillons convertir à lui, de cueur
très humble 6c dé vo t, en làintes abftinences, premièrement
de pechié, en apres de exceffive affluence
de viandes oultre neceflîté, ou bonne congruité} en
nëmy d’enfer qui les a tenus longuement en fes las, g efpecial en ce làint tamps deCarelme, ou quell’Eglife
très griefvement les impugnera, veant qu’ils appro
Chent à la mort : car iis fcet bien que fe adoneques il
les pert, jamais il n’y porra recouvrer : pour laquelle
chofe il met tout fon effort, fon eftude, fon labeur, de
perdre 6c vaincre l’homme à Ja fin , 6c aucunes fois
pour vingt, trente, ou quarante ans devant la mort
il fe porvoit dont il puiflè en la fin avoir viétoire de
la perfonne. Car fouvent il procure 6c fait que l’homme
acquiert injuftement aucune chofe, ou par mauvaife
rapine, ou par fàulfe marchandife, ou par ulùre,
ou faulfe lÿmonie, ou par moult d’aultres maniérés}
laquelle chofe ycelle perfonne ne vouldra reftituer en
la mort.
O Dieu que plufieurs gens, & d’Eglife 6c autres,
font par celle maniéré deceus 6c perdus ! Et nous
povres 6c miferables créatures, n’y volons croyre,
julques à ce que foudainement viengne l’ire de Dieu
lùr nous. Dont il apert clerement par les chofes deficommande
à jeûner à ceulx 6c celles qui ont fens,
force, 6c aage, lâchant que par la vertu de bonne 6c
làinte jeune 6c abftinence corporelle, les vices 6c pechiés
font matthiez, vaincus 6c comprimez, l’ame fe
peut de legier ellever à aimer 6c confiderer les chofes
celeftiennesôclàlutaires } 6c les vertus font par ce fortifiées
, données 6c augmentées. Ces trois fins de
jeunes corporelles font contenuës en la Préfacé que
l’en chante en ce faint tamps de Garefme } ubi habe-
tur : Qni corporalijejunio 6Cc.
Et fe aucun me demande fe tous convenablement
font tenus de jeûner tout ce Carefme , ad ce je ref-
pons briefment que nennil, ou que non, car ne les
enfans, ne les bien anciens, ne les femmes groflès,
ne les nourices, ne les malades, ne les povres qui ne
puent avoir à une foys dont ils puiflènt eftre fuffilàm-
ment repeus, ne les laboureurs qui aucunement ne
puent avoir leur vie 6c eftat competent, ne ceulx
fus dittes, la grande 6c extrême folie , non pas folie C auflî qui font voyages,ou pèlerinages , par lautorité
feulement, mais forfennerie de ceulx qui atendent de
demain à demain foy convertir à Dieu, par vraie contrition
de leur mauvaife vie} de ceulx qui tant prefu-
mentdc foi, qui aufent dire que en la mort ils fe convertiront
6c vaincront les ennemis d’enfer , les quels
adoneques font fi forts 6c atant fort armez: ôc la povre
miferableame fera tant foible adoneques, & petitement
dilpofée a refifter.
Mais ô beau Sire Dieu, fe telle dilacion eft tant à
reprendre, tant à detefter, comme dit eft, par jeunes
gens qui font en la fleur de leur jeuneflè, 6c félon le
cours de nature ont à vivre bon efpace de tamps} que
porray je dire de ceulx tant d’Eglife comme aultres,
qui font viés 6c anciens, plains d’ans 6c de jours mauvais,
qui font ja fur leur fofle, qui n’ont comme on
feult dire que ung pain au four, ôc neantmoins ils
de leur Prélat : toutes ces maniérés de gens ne font
mie tenus regulierement de junertout le Carefme. Je
ne veil mie pourtant dire qu’ils ne puiflènt, ains par
aventure en doivent juner partie, au moins les aucuns
d’iceulx. Mais tous autres font obligiez à le jeûner. En
apres finablement, Chrétiennes gens, convcrtiflbns
nous à Dieu en pleurs, en gemiflèmens , Ji non cor.-
porali, tamen cordiali : car vrayement nous avons bien
meftier de plorer 6c de gémir en celle miferable vie 5
c ’eft aflàvoir pour les miferes qui de toute part nous
environnent, tant en l’ame comme au corps. Item ôc
pour les maulx 6c pechiés que fouvent avons faits 6c
perpétrez. O lèlepechieur confideroit bien les maulx
qu’il encourt par pechié, vrayement il ploreroit amèrement
avec Moniteur làint Pierre, qui apres <ce qu’il
eut renyé’^fon bon Meftre 6c Seigneur, il plora moult
vcullent penfer, ne confiderer à leur fin qui tant ap- D amerement : car par pechié mortel l’omme cource
proche, à la mort qui les tient 6cluit de ly près, qui Dieu fon fouverain Seigneur } par pechié il pert la
compagnie des Saints A nges, quoad plures ejfeSlus^
il pert auflî les liiffrages de l’Eglife , quoad principa-
lem ejfeüum^ qui eft eterna gloritt conjecutio. 11 pert ôC
oecit fon ame elpirituelment. Il fe foumet aux mauvais
ennemis, Ôc fe trébuché ou profont puis d’enfer,
fe penitancc ôc contrition ne s’enfuit. Et qui eft la.
perfonne qui ait le cuer tant dur } qui fe puiflè contenir
de plorer, s’elle avertit & confidere bien iceulx
maulx 6c dommages qu’elle encourt par pechié. Vrayement
elle aroit le cuer plus dur que n’eft pierre d’ay-
mant: 6c fe ainfi faifons, c’eft à dire fe nous nous con-
H h h h h 2 verne
veulent penfer à bien difpofer 6c gouverner , au
moins une fois en leur vie, la maifon de leur confcien-
ce. Ils penfent bien comment ils auront de l’or 6c de
l’argent affés, 6c comment, 6c aront leurs aifes corporelles
en ce monde : mais ils ne penfent mie comment
ils fe convertiront : ainçoys ne fe veulent convertir
à Dieu , confeflèr , ne repentir de leurs mef-
fàis} ains attendent de jour en jou r ,' de demain à demain
, comme fi feuflènt perpétuels en ce monde.
Donc certes, c’eft grant merveille, grant pitié , 6c
“grant esbaifièment. Vrayement je ne fes porroye ne
Tomi I I I . Pars ƒ/ƒ.