puis prenoit pitié , ou conpaffion de foy meifmes
pour efehucr dampnacion, en depriant Dieu, qu’il le
menait à bonne fin , en pardonnant lès pechiés > il
penloit fort à la Pafîion noftre Sauveur J. C . & pour-
toit là Croix emprainte en foy , je ne diray pas comment,
Lex Deiejus in corde. Pfixxxvi. 31. Lors louvent
8c ailes toft, il fentoit une autr<| doleur, ou triftellè de-
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eficere non pot efi. Ifaiæ. lv ii. 20. Et par ainfy, tu cuer
mondain , voix la caufe pour quoy tout par tout ou
tu quiers confolacion, tu treuvesdefolacion, decep-
cion, infeétion ôc interfèélion, trouble & delàc-
cord.
M. Et tu cuer feulet que treuves tu j n’as tu pas
louvent confiifion en ton chant y félon ce que j’ay oy
dens lo y, qui deboutoit hors celle qui y efloit par- ^dire 6c expofèr, 6c tu le dylbyes par avant quechan-
avant, qui le grevoit -, 6c par ainfi male trilteliè le te l’E glife, Confufia fiunt bac omnia, fipes, me tus ^ moe-
~ ror, gaudium. L a char n’eft elle pas louvent mais
tout a defcontraire à l’efprit, fi fault que de cette
contrariété naifce chant delâcort.
lidundus caro damonià
Diver fa movent prelia.
S. Helas! voir je ne puis nyer ce que oppofès icyj
mais moyennant la grace de Dieu 6c là pitié 6c companion
, tout à la parfin revient à bon accort -, car le
difoort de la cher ceflè , 6c le tient comme en filen-
ce , fans ce que paour lors empefche la doulce mélodie
de mon efpirituel Canticordum. Vray eft que c’eft
apres maintes meditations, 6c vertueufes operacions
en la vie aétive, par avant que celle pays 6c accord
loit en la vie contemplative. Tunc omnia confinant ra-
tioni^ tune non contrifiabitjuflum quidquid ei accidenty
muoit en bonne8cdoulce, 8c alegcant doleur : Dolor
efi medicina doloris.
M. c’ell merveille que tu dis que doleur puiflè eftre
doulce 6c plailànt : dy moy comment? Qjùs conjun-
get contrariai 0
S. Saint Pol l’Apoltre parle de deux maniérés de
trillelîè, l’une il nomme triftellè du fiecle ou du mond
e , 6c quelle elle eft, car elle engendre mort, mor-
tem operatur. 2. Cor. v u . io . L ’autre triftellè eft
félon Dieu , la quelle oeuvre 6c amainne falut, 6c
pour tant elle eft joyeulè. Pourquoy ? Pour ce en nom
Dieu que laperlonne qui ainfy fe deult a bonne elpe-
rance que Dieu luy pardonne fes pechiez, ôclafauvera
finalement, 8c celle efperance ainfi mellée eft caufe
de grant lielîè, De dolore gaudeat, comme ung malade,
quant il Icet par lôn médecin, que s’il boit ung bu-j, tune homo moritür mundo, & vivit Chrifto. Il vit d’a-
vraige amer il lèra gairy tantoft, ilprent defir ôçplai- mour.
I - ------ - ’ ' -1' - r '• M. Que doÿs je fàii*c éc par oucommencier, pour
ainfy plaifànment jouer du Canticordum, combien que
je n’ay pas maintenant grant lbÿfit de l’efeouter, car
on me attent des pieça en mon hollel 6c oumarchiéj
finitus terroris efi in corde meo , & habeo tribulationem
hujus modi.
S. Je loue doneque que tu reviengnes ung autre
jour. Non oneranda memoria, omne fupervacuumpleno
de peüore manat, quicquid precipies ejîo brevis. Si te
Ibuffilè à tant pour celle foys, 6c va de par Dieu entendre
à tes belbingnes mondaines. Je demourray
en mon delèrt 8c folitude, vaccant à moy 6c à mon
Dieu de virtute in virtutem, P fiai, lxxxiii. 8. 6c en
confolacion du Canticordum au pelerim, cum illo qui
fïr à boire celle pocion, combien que elle foit amere
au gouft. Sape bibi fiuccos quamvis invitus amaros. Or
eft ainly qu’en la triftefle première que nous difonsdu
monde, n’ell point jointe une telle efperance de pardon
6c de falvacion , ainfoys croift de plus en plus
comme au defelpoir, julques à lè pendre ou occire
aucuncsfois , comme appert en plufieurs exemples,
8c de noftre temps. Mais en la fécondé triftellè croift
toudis bon elpoir 6c leelîè, jufques à non chaloir de
peine quelconque, ou tribulation, félon ce que nous
l ’avons des Apoftres ÔC làins Martirs, qui ibantgaudentes.
■ Aft. v. 4 1 .6c des dévots repentens qui font alegrement
6c liement les affliétions de penitence : De ceulx dit
l ’Evangile, Jbîatth. v. 4. Beati qui lugent, quia conf
i t abuntur : n’eft ce pas ycy belle 6c prouffitable mu-
fique, de pl
Triflitia vefira convertetur in gaudium, ( lèquitur, f &
gaudium veflrum nemo tollet a vobis. foan. xvi. 20.
dicebat : Cantabiles michi erantjufiificacionës
leur en chant, de trillelîè en leelîè ^"peregrinacionis mea. P f i cXvilî. 5*4.
M . E t je me pars, Dieu foit tousjours avec toy,
Ô C prie pour moy, Oracio bumilium celas penetrabit.
S. Je le feray 6c retourne quant te plaira, Paratus
M . Certes oy c’eft une belle muance, Atutacio fiumreddere racionem omni poficenti de ea qua in'me eft
dextera excelfi. P fi. lxxvi. 1 1. Et fi voy maintenant
le caufe 8c la maniéré pour quoy.
S. Entens encores que celle muance fe puet faire,
8c fait fouvent en bonne mufique de noftre doulx
Canticordum, tellement que n’eft voix ou note, que
lcgiercment ne fe mue en chalcune des autres , de
quoy vient merveilleufe mélodie : car de -bonne tri-
fld îèle cuerlàulte en bonne jo y e , comme de U t , en
L a : Ôc de bonne paour en Sonne elpoir, comme de
Re en Sot Et pitié generalment fe joint à l’une voix,
puis à toutes enfemble, en maintes guifes, 6c modulations,
6c toudis en accort : & ita \_cantus\ quajlus■*
magnus efipietas cum fùjficiencia. Dicit Apoftolus 1. Tim,
vi; 6 .
M . Telles muances aulîy fe font ou Canticordum lècu-
lier ou mondain, que tu nomme Dificordum , de trillelîè
en leelîè, 6c de leelîè en plours. Verfia eft citbara mea in lu-
Elum,Job xxxviil.31. noElem verterunt in diem. xvii. 12.
S. Vray eft certes que mutacions ou muances fe
font ou Dificordum : mais las ! elle ne font pas telles
comme en noftre Concordum, mais très diverfes 6c
Pet. 1 1 1 Fide & fpe , . 1 y . in explanacione Deçàcordi.
S’enfuit la tiers collation ou dyaloguc, for la doctrine
du nouvel Canticordum, pour les tiers jour.
E t parle premièrement cuer mondain, qui lè commence
à convertir , Cor rfteum converfium eft in me.
Celle collation contient vingt quatre notes principales
, folon le miftere viginti quatuor fierniorum in jipo-
calipfi Apoc. IV. 10. cithariiumcium in citharis fuis :
Et y a plufieurs minutes 6c grandes notes. Cuer mondain
parle, grâces à Dieu , 6c à toy cuer feulet, de
ce que par ton.
M . J’ay depuis que ne te1 veis commencié lèntir une
ardeur, ôcdoulceur, 6c clarté nefçay quelles dedans
moy. J ’ay plus grant defir 6c voulenté d’enquerir,
8c fçavoir la doétrine de ton nouvel chant, que tu
nommes Canticordum au pelerin, Concaluit cor mettra
intra me, & ceco carpitur igni. Je fens comme unes premières
amours d’autre nature 6c condicion que ne font
les amours foies ou charnelles, il me prent talent de
chanter dévotement, comme fe le printemps fuft venu
perverlès : car toudis font en delàccort, 8c chant dedensmoy, Venittempus amancium. Sivouldrajebien
horrible , entens que de males joyes trebufehent en ô beau pere 6c fircre , cuer feulet, que tu me declaipires
trilielîès , en pires paour ou defelpoir. E t car
il n’y a point de doulce pitié., mais impiété, ou iniquité,
ou cruaulté, félonie 6c dure, tout lè des joint
fàns ordre, 6c fans raifon , comme en une mer flo-
tantôcboullant. Cor impii fient mare fervent quod quiralïès
plus avant tout le miftere, 6c l’art de la doctrine
de ce nouvel Canticordum 8c de là figure, Quia intel-
ligencia opus ejt invifîonei ■
S. Esjois toy , cuer mondain , de celle mutacion
6c fouldainc converfion , dy avec le Prophète en fon
pfaultier, N m c coe p i , j’ay bon commencement, f t t hank., bas, deStré, feneftfe, devant & derrière, &
mMHciodexter«‘ xcelJt. V f . lxxvi. io ;
M. Tu me difoyes bien par avant que cuer mondain
puet bien muer fà nature & fon chant, car le faint
Efprit oeuvreou il veult, & quant il ,veult,-&comment
il veu lt, J oa n . m. 8. S f ir itu s u b i vuU fp ir a t ,
fi ne fault nul avoir en defelpoir ou defdaing, Sj/er-
nerO twllam. .
S. C ’eft.vérité mais tien que lôuldainnement nul
le point du milieu,. Qw fi centrant ubi tria I interfè-
canl fe\Qtlogonaliter ^ fcilicet ad oElo angulos.rcHos , (i
peux veoir en apres que en celle filiabc.. m. qui eft
de trois tires en figure de trois I. nous eft reprefenté 1
comme une trinite en unité.
M. Mon entendement n’eft pasiencorcs li efclarci ne
agu, que je puiflè bien conprendre ce que tu veulx
C . i t t > « conclurre ap ar ces fiOgu resJ, ou Tp ar cew s *I.’ «d^euuax vo/ uu trois'-'
n’eft parfait, Nemo repente fit fiummus , comme on^ dire, ou m. Comme difoit Alixandre à fon Maiftre,
feult dire, on n’eft pas maiftre au premier coup, tu
le voys en toutes befoignes , tant natureles comme
artificielesj il fàult monter de degré en degré, qui
veult venir au derrain bout de l’efchelle, ou de la tour:
voy comment fe font maintes mutacions, avant que
de une herbe ou d’une pierre on face le voirre ; ou
de diverfes terres, de l’une pions, de l’autre eftaing
ou argent ou arrain, azur, ou or: ne convient il
Doce me facilia, aprens moy chofes legieres.
S. Ce n’eft pas de merueille r je te dy bien que
Ie Y Ü fort "cfludiè, pour ramener, celle confi- !
deracion à entendre le miftere des Roes, 8c des cercles
, 6c des croix y des quelles on fait mencion en
la làinte Elèripture, tant en Ezechiel , comme en
l’Evangile , ou nous lifons quatre croix ; ou quatre
maniérés de porter la croix, Quifque fiuampatitur crucem
mie avant que une perfonne foi parfait clerc aprendre forte fied non impare poena. N^ft cuer mortel qui n’ait
r~ A ^ r ^ on,:I ^ — peine Ôc fa croix 5 mais en diverfes^ guifes. L a c r o ix
portoit J. C. par pitié 5 Symon Cirenen par con-:
trainte, voulfift ou non. In Angaria-, le bon larron
en penitence, le mauvais en dclperance : mais je croy
bien que c ’eft le meilleur que je me pafle à tant de
celle matière , qui m’a ellé moult profitable, pour
briefvement ramener 6c fichier en ma mémoire les
fon A , B , C . 6c avant qu’il foit bon chantre par art,
6c parulàige, convient qu’il apreigne fà main ou game.
M. Par foy je le fçay bien, fi veuil de toy maintenant,
plus que par avant, aprendre l’art de ce nouvel
chant, 6c fà game, 6c à moy fera la mettre en
ulàge Ô C exerce Studium. . . . . . . . . . . . . . perceperis artem.
U fus dr ars docuit quod fa f it omnis homo.
- ^ / B fpecülaçions 6c meditations, tant à la F o y , comme
S. Les delfosdites collations je , t’ay dcclairé rude- de bonnes moeurs, 6c pour avoir mieulx congniflàn-
3rient 6c en gros la figure 6c ^eneur du Canticordum ce de moy. Nfous en pourrons autrefois conférer* fi
par cinq lettres vocales , fituées ou ordonnées en la vendray à noftre Canticordum} 6c te diray qu’en ice-
forme de cioix, en hault, en bas, a dextre 6c a fè- luy fon trois maniérés de refonances, l’une en bas Ôc
neftre, 6cou milieu. Je te disque joye en haulteftoit
grave fon, que nous difons la baflè game, l’autre c
lignifiée par A. ou la. Efpoir ou defir oû dextre cofté
moyen, 1 autre au plus hault 6c agu fon , que nous
par E. ou re. Paour àfeneftre par O. ou fiol. Doleur,
difons la haulte game, qui fingulierement fe termine
ou bas pié de la croix , par V . ou ut. Mais pitié fe
en unifon. L e premier chant pu<0 convenir à ung
fichoit ou milieu , qui eft lignifié par I. ou mi. Si
chafcun cuer pitueux , dévot 6c religieux , qui eft
pourrions ainfÿ dire par cinq briefs mos, cuer piteux
comme commençant à l’efcole de ce chant, qui met
foit joyeux, defireux, paoreux, doloreux. Lecueur fon eftude à eftre purifié; le fecont chant appartient
quant envers Dieu 6c J. C. doit eftre piteux 6c à tous à cuer piteux , dévot 6c religieux , qui longuement
fes proefmes pour lamour de luy qui eft noftre Pere aproffité à eftre cla rifiémais le tiers 6c ledarrienr
commun, en luy fommes freres d’un hault parenté 6c
d’un noble lignagne, A quo omnispaternitas in coelo&in
terra nominatur. Epb. 111. i f . L e cuer piteux quant au
regart de Paradis , doit eftre joyeux , 6c pour enfer
douloreux, 6c de bien fàire defireux, 6c de meffaire
fe peut chanter, fors par le cuer .enflamé de l’amour
de Dieu, tout ardent & comme déifié, qui a laL o y
de Dieu en figuré de croix emprainte ou milieu de foy :
Quia finis legis Des Chriflus, Rom.x. 4. Lex Dei ejus in
corda Çhrifius. Tellement qu’il ne peut ou ne veult
paoureux , Déclina à malo fac bomm. Vfal. xxxm. d’aultre chofe pèofer, efeouter, ou chanter, d’aul-
14- ■ : . tre chofe n’eil il piteux , ne pour aultre chofe n’eft
M. Bien me plaift cede briefve réduction, Et lu-
cidus ordo , quia nichil efi quod texitur ordinc lon-
S. Cotnprens en ce que dit eft, non pas feulement
les notes, ou les voix de noftre chant, mais avec ce
la lettre , comme en briefs mots, Dieu, Paradis,
enfer, vertus, pechié: & quant à Dieu c’eft laprinjoyeux
oudefireux, ouencemortel pèlerinage paoureux
ou doloreux -, quant fe fent loingtain de Dieu
& de fa gloire. T e l fut le cuer de Noftre Dame,
Quod yertranjivit gladiuS'& vulneravit cantate , tel de
faint Po l, Chrijlo-fonfixus fient crttci , vivo ego , jnnt
non ego j&c : .Gai.11. zo. T e l des Apoftres à la venue
. . . . - - . du iâintEiprit, en figne de langues enflammées, Ibant
cipale lettre, felon laquelle fe doit former noftre uipojloli gaudemes ,& c . -^ S .v .À i.T e l le cuerdesdeux
chant par MJ en Bémol, la voix d’amoureufe &hon- pèlerins alans en Emaux qui difoient, Nonne cor no-
nourable pitié, qui fe figure par I Omnia ingloriam firum ardent erat, &c. Luc. xxiv. z z . T el le cuer
Dei facile, 1 Gor: x. 51. Confidere comme ce nom de Saint François, à qui le crucifix apparut enguife
ihefus, qui eft nom de falut & de toute p itié , fe de Séraphin tout embrafé, & crucifié de celle amour
commence par I , & comme I , eft la plus petite vo- chantent les vierges Regnum mundi & omnem ornatmt
cales des aultres. Pareillement Ihefus eft leplus humble feculi contcmjfi,&c. E t Ignatius Avicenius erneifixus
de cuer, le plus mol,doulx,& piteux, Mitis fum & humi- efi. Vray eft que Dieu infpire ce hault chant glo-
« cordeMatth.-a.z9 .&mvijfinMsvirorum,Ifai*.z.m.3. rieux, & cefte grace très efpeciale aux cuers felon
'-onlrdere oultre, que non pour^quantfoit I fi petiteDfon bon plaifir & voulenté. Quand« pervenit in benediElionibus
dulcedinis. Se par fàintife, parefee, ou
malice le cuer ainfy attrait n’y met aucun empefehe-
ment, Quia nemo fialvaturinvitus.
M. Plainement je voy bien que je fois bien loingtain
de cette haulte game. Longe à peccatoribus fialus,
fi me fouffit pour le prefent que tu me donne la do-
élrine plus efpeciale de ce nouvel Canticordum, felon
la baflè game ou la moyenne y Dimidium qui ccepitba-
bet.
S. Dit noftre Sauveur J. C. que Dè habundantia
note , car elle fe fait à ung brief fens 8t droit tirer y
neantmoins I peut eftre commencement de toutes
aultres figures, ôc en efpecial pour noftre propos.
Qui veult faire une croix il ne fault que meftre ung
1 droit, 6c l’autre de travers par le milieu ainfy >J<,
oc qui vouldroit plus procéder en une figure parfàite
lelon la confideration des Philofophes , en la forme
du monde Pro una Jpbera fiolida, babente très dimenfio-
On adjoufleroit le tiers I. par le moien point de
a croix: nous aurions par ainfy toutes les dimencions.