re a fon ame , car aultrement ne les porroit accomplir,
Aultre exemple a ce d'un cheval qui feroitmené
par ung Seigneur qui le chevauferoit pour bien jout
e r , le le cheval Te lailîè mener 8c obéir a Ion maiftre,
il n’eft pas moins prifié, ques’il aloita la joufte
fans ion maiftre > or eft la grâce de Dieu comme nomortel
, l’une des plus valables a iffyr de pechié par
charité, eft d’avoir charité ou mifericorde envers fon ....
foit v if foit mort par les oeuvres de mifericorde corporelles,
foit par les efpirituelles, car ne mentoit point,
qui dit, Fais mifericorde & tu la trouveras. Avient que
la temptacion procédé feulement de l’enncmy, 8c confire
meneur & conduilèur, 8c noftre ame comme ch e-^ cre celuy n’cft prelque autre remede fors recourir a
val, ce dit le Prophète, 8c St. Auguftin : combien
qu’aucùnes dilpoficions de complexion 8c armonie
Ibient ou corps, avant que lame ne le joindroit mye
au corps pour luy donner ,virtus de vie ; pareillement
la vie de l’ame eft la grâce de charité, qui ne vient point
en ame indifpofée par pechié mortel, fe non qu’elle face
par avant ce qu’en foy eft, moyennant la dilpoficion des
aultres grâces.
Voftredarrienne oppoficion fe met au cler par une
aultre diftinétion : ceft que aucunes operacions font
que de foy mainnent créature humaine a là fin, qui eft
fus fa nature, comme eft la vifion clere de Dieu, & là
dileélion, 8c a celle n’eft pas de merveille, fe grâce y eft
requilè plus que eft aultres belles qui n’ont point de telc
fin lus leur nature, les aultres operacions dilpofent a télé
fin, comme fi les virtus morales} 8c encores n’eft
pas de merveille s’aucune grâce y eft requifeplusquees
belles} les tierces font naturelles 8c celles peuent faire
les hommes comme belles les leurs, combien que les
oraifori , Car q’ueft ce de puiflànce ou prudence hu-
mainne encontre la tirannie 8c mal engin del’ennemy :
& le la temptacion vient de la char, julnes y proufi-
tent} fe du monde, aumofnes font valables: vray eft auf-
fy que Dieu a voulu diverfes grâces a divers Sains, contre
diverfes maladies, tant corporelles, comme efpirituelles,
aux quels ceft bon de recourir , comme a
Marie Magdelaine contre durté de cuer qui ne peut
plourer} a làint Anthoine contre feu materiel 8c efpiri-
tucl} aux làintes vierges contre charnalité} aüxfaints
Martirs contre inconftance & pufillanimité, 8c ainfi des
autres : & le aucun ne fe fent tantoft dàuciécnfes prières
ou bonnes oeuvres, ne doit mie pourtant delailîier
tout par delperacion, carDieulclueffre ou pour ellre
plus humble, ou pour plus ardenment 8c pefeveran-
ment defirer 8c demander , ou pour rçeôngnoillrc
mieulx en apres 8c garder le don de Dieu , 8c pour
len regracier de meillieur cuer, ou pour aucune tele
caufe} Concluons à la parfin, que jamais on ne doit
hommes cncores font navrés es vertus naturelles pour le® confeillier elchener ung vice par ung aultre vice, compechié
originel
F r e r e : celle matière a ce que nous veons eft trop
haulte 8c fubtille felond noftre fimpleiîè, combien
qu’aucunnement nous entendions mieulx que devant la
maniéré comment grâce eft requilè, 8c que ncantmoins
elle le doit acquérir par autre oeuvre de grâce, 8c nous
lambic que le livret De mendicitéefpirituele, lequel nous
filtes jadis pour nous , vous eftant ou lit d’enfermeté
vault a cecy congnoiftre & exercer , pour demander
grâce quant on fefent tempté, & c ’eft grâce decefa-
voir, 8c que apres la viéloire on rende humblement
grâces a Dieu, comme a celuy duquel viéloire nous
vient, & celle grâce on aperçoit a la fois moult clerc-
ment, quant foudainement une perfonne le fentira délivré
d’un vice, lequel par très longtemps avant ne l'avait
pu lurmonter} fi doit aulfi la perfonpe toufiours
faire le bien que elle peut, & elchener le mal, tant foit
elle en aucuns pechiez mife, affin que Dieu Ten ofte
pluftoft, felond le confeil faint Ambroife. Aucuns font
le contraire qui gettent le manche apres la coingnye,
me fomicacion, pour elchener delnaturelle pollucion,
ou vainne gloire, pour elchener pareftè} ca ria grâce
de Dieu ne s’aquerroit jamais par pechié, 8c làns la grâce
de Dieu pechié deftruire ne fe pourroit : appart
aufly, que la correélion des vices par ung praicheur ou
confeflèur, fe doit plus empetrer par requérir dévotement
Tayde de Dieu , que par induftrie humainne &
dottrine ou éloquence que bien ne foit mie a delaiffier
celle induftrie, affin que Dieu ne foit tempté.
F r e r e : bien nous plaift ce que vous aves dit de
la deffenlè de grâce, 8c à vray dire ceulx principau-
ment 8c comme lèulement congnoiflènt fa ncceffité, qui
s’efforcent de bien vivreSc bien refifter aux temptacions,
car n’eft que paille au vent la force de créature humaine,
ou choie morte, le la grâce de Dieu ne s’y enbat, &
congnoiftre cecy,comme dit le Saige,^ tresgram don,Sap.
viii.p .car on fcet de qui on doit demander ayde & reconfort
8c combien que chafcun prefque juge bien felond
raifon,qu’ainlÿ va, neantmoins on en treuve peu qui bien
le lèntent au vif, par humble & entière affeélion, ce
quant ils fe fentent en aucun pechié, du quel ils ne veul- C n’eft apres grande exercitacion, ou par dpeciale infpilent
mie bien a certes ou fi toft efohapper > ils attendent
à bien foire de demain à demain, 8c cuident que ils fe convertiront
bien quant-ils vouront, 8c plus toft que de
prefent, ce qui eft très folement panfé, car plus peche
la perfonne & plus courouce Dieu, 8c lè rend indigne
de là grâce, 8c puis que fans celle grâce là perfonne ne
peut vaincre pechié, elle eft de prefent moins indilpo-
fée a bien faire qu’elle ne fera, plus attendra de jour en
jour en mal foifant, 8c encores fi joint bien un mefchief
de mauvaife'couftume qui lye 8c enlalîê la perfonne trop
puifiànment. Mais vecy que nous leur oyons dire, que
vauroit ce que je feroie de bien, quant il ne proufiteroit
riensamafolvacion, fi vouldriens feavoir de vous que
nous refponderons. M es Süers : fe telesgens entendent que pour
les bonnes oeuvres làns charité, comme donner aumoacion,
touljours famble a prdumption de cuer humain,
qu’elle peut quelque chofe foire , Gomme pour
prévenir & attraire Dieu a foy ayde, ce qui ne fe peut
foire: car Dieu prévient tousjours, & par celle prévention
laperfonnc peut proufiter déplus en plus abien
ouvrer, 8cfouffifeatant de celte tierce confideracion:
convertiffés vous a la quarte.
M e s S ü e r s : je mes la quarte generalle, la méditation
des Jugemens de Dieu en feverité. Qui eft cc-
luy pecheur , que s’il panfe en profond la feverite in-
portable des Jugemens de Dieu contre des obeilîàncea
lès commandemens, qui ne tranble tout plus que la
feuille lus l’abre, 8c qui ne refraigne 8c refroidilfe fa
male inclinacion a quelconque pechié, Se Dieu n'épargna
point, comme dit faint Pierre, z.Epift. 11. 4 ^eS
Engels, tant parfois, 8c dignes, que foudainnernent
fnes ou jeûner, ou dire fes heures en pechié mortel ne pfucent trébuchiez là pis en perdurable dampnacion de
fouffifent mie a làlvacion , cell vérité } mais je dis fi haultfibas, 8c fans remede, s’il punit Adam&tou-
qu’ellesyproufitent 8c dilpofent par la maniéré deffus te là lignée tresangoilfeufement, pour ung morcelle
dite, 8c en acquiert la perfonne pluftoft Teftat de grace pomme, s’il plunga tout ung humain lignage fors huit
caritative, en foy relevant de pechié, foit par prolperité perfonnés es eaux du diluge , s’il foudroya du feu des
que Dieu envoyé, foit par adverfité, foit par bonne infpi- cieulx les cinq citez pecherelîès 8c toute la region latp"
ration, ou preaecation, apparut de Cornelius Centurio, blable a paradis terreftre , s’il empefeha fon fingulier 8c aultres > eft aulfi' certain que fon offenfe, & là pain- amy Moylè d’entrer en la terre de promiffion pour un
ne en eft & fera mendre, que plus pech-on 8c pis vault} doubte de la virtus divine, s’il dampna Judas fon Apo
difons oultres que entre teles oeuvres faites en pechié ftre , 8c familier de luy, de fa Mere, &desau^tre^
adjuga qui plus eft fon _
centrée fans coulpeàtres a mere 8c très honteufe mort
pour effocier inobedience, fe à la parfin petit nombre
fera làuvé 8c à painne, & les plufieurs feront dampnés,
voire en tourmens ineftimables dolereux, làns jamais
en avoir conpalfion ou mercy, làs, helàs ! plus de cent
mil fois, queparife miférable creature qu’elle doye devenir
fe elle trébuché 8c coule tant fouvent en l’offencial
du Sacrement de Penitence, 8c puis du Saint Sacrement*
de TAutel. Entendés je vous prie quelle bénignité
nous eft monftrée en penitence , En quelconque
heure, dit Dieu , par la bouche Ezechiel, lë pecheur
gémira il ne me fouvenra dé fes iniquités : ÔC a làint Pierre
, premier Pape, 8c confequemment à chafcun Prélat
ou Preftre, il commanda quæ fans terme ils pardon-
naflènt aux pécheurs,Vuiu, a x x tou1 tes fois q^uantes fois ils ferefe
de ce très rigoureux Juge par fes pechies continuer ^pentiroient, fouvent pechez, fouvent repentez vous j
ou aerôiftre : qui eft cqjuy qui ne s’eferie a haulte voix, que peut on plus benignement dire?
comme par adriîiration efpoventable , ce que dit le
prophete, vènés & veés les oeuvres de Dieu qui eft terrible
es cottfeils fur les fils des hommes ! P f lxv.6.
F r e r e : 8c que pouôns nous devenir, ou fera noftre
fuyte, quant nous oyons remembrer.tels Jugemens
F r e r e : helas ! comment oferons nous incontinent
que nous aurons pechié tant honteufement, nous
prefenter à noftre Dieu, 8c par elpecial apres ce •que
n’agueres tant de fois nous a efté pardonné , 8c tant
de fois fournies rencheutes pis que devant, ce ne fende
fouverain R o y? comment oferons nous apres ces bleroit que une moquerie, ou comme ung gieu d’enchofes
prelûmer, voir, elperer de noftre làlvacion
quant fi petit nombre de gens fera fauvé, 8c le plus con-
dampné , 8c ne fommes nous mie à compter ou plus
grand nombre, quant à vie 8c à merite} mais démérité,
8c ne feavons que nous doyons foire ou fuyr, mé-
fmement quant nous remanbrdns ung aultre mot de
font cecy foire envers Dieu 8c plus le pourrons tourné
à ire, ce famble, que à pardon, non pour quant
aultrefois nous avés allégué le Prophète Jeremie, par la
bouche du quel Dieu dit ainly, Jèrem. m. 1. Ceft le
proverbe que Je une femme a efte répudiée , c'eft adiré déboutée
hors par Jon mari j & elle fe joint a aultre , elle
grant trementque ditleSaige: Regarde les oeuvres de fera or de, & ne retournera plus a luy-, tucertes, dit il
Dieu très merveilleufes, car nul ne peut corrigier celui qu'il a la perfonne qui ha pechié, as commysfornicacion avant
dejpite ou relenqùit. Eccle.vn. 14. plufieurs de tels amateurs, 'neantmoins retourné a moy&
M es J u é r s , vecy que vous ferés, vous ofterésB Je te recevrais. O parole de très certainne elperance !
toute efperance ou confiance de vous, 8cd’aultreayde ô promeffe de très bonne confiance! 8c à vray jugier,
mortelle, 8c vous toumerés 8c commettrés en la mifericorde
de ceftui Juge, pour la quinte deftènfe: nfoftés
vous mie tant que vous elles en vie ou régné milèricor-
’de, vouspouésappeller delà Court dejullice à celle
de mifericorde. Jufticc vouscondampne,.condampnés
Vous aulfi, 8c mifericorde vous abfouldra : enconfide-
iaiit Juftice, ayès paour de foire offence contre elle, 8c oliez tous Jugemens ou mefprifemcns de voftre perfonne}
car hefÇavés qu’il vous pent a lo y e l, ce dit le
proverbe, vous ne fçavés qu’ il vous eft a venir, boutés
hors dé voftre cuer toute foie prefumpeion ou arrogance
, toüte cOnvoitife , * ou mondainne , ou charnelle
plaifànce , quant vous vivés deffoubs ung fi rigoreux
Juge, en tel peril continuel de trebuchier en perdu
encores mieulx vault tantoft retourner par repentence
à celuy qui feul peut donner garifon nette, 8c pardon,
que plus attendre en là langueur, en fon ordure , en
fon obligation de pechié, plustart fe foit 8c plus empire.
M es Suer s: vous prenés bien, mais foit foit ce
retour à Dieu par humilité vergoigneufe , non mye
par une effrontée prelùmption. Aucuns attendent
par une feulle maniéré d’indignacion defpiteufc contre
leur inpuifiàncè, malice, ou ignorance, à lexemple
de Tenffant felon , qui fiert fa telle encontre terre
quant il eft cheu, 8c ne daigne foy relever ou tendre
là main a là mere, qui luy tent la fienne pour lefou-
blever : celle demeure vient d’orgueil, comme lè la
rable mort. Créés neantmoins certainement 8c hum- C perfonne vouluft par foy 8c de foy refifter contre temblement
que Dieu eft Julie en tous fes fois, 8c n’eft: aucun
qui lüypuiflè dire, pourquoy fois tu ainly , il eft
Maiftre 8c Seigneur, 8c vous fçavès que s’ il vous liiefire
dampner, vous l’avés defërvi, quoy que fuft des aultres : 8c tels proffis foit 8c telle deffenlè contre temptacion
celle confideracion de la Divine feverité : mais affin que
vous ne demourés fans elperance, jettés vous tandis
que vous poués es mains de l’infinie 8c incomparable
mifericorde de Dieu , remenbrés les Jugemens de là
mifericorde, 8c ferés conlblées, 8c qui plus eft, honte 8c
vergoigne vous fera de riens meffàire, contre tele doul-
ceur 8c tele bénignité pour obéir a mauvaife temptâ-
cion. Celle bénignité ne feuft elle mie bien demonftréc
es Angels qui font làuviés perdurablement, pourleferptacion,
làns trebuchier} trop mieulx vault inconti-
nant recongnoiftre humblement là très grande fragilité,
8c retourner fiablement a la fouveraine benignî-
t ë , 8c cecy foire eft puiflànte deffenfe contre les temptacions:
car Dieu noftre bon pere ne fuelfrera point
a la parfin, qu’il ne donne force, 8c puiffance a tel,
qui tant fouvant 8c débonnairement le requiert, 8c
fe foublieve} 8c appart véritable la parole ou il dit, que
fa fèrvitute eft doulce & Jon fais legier 9 Matth.xi. 30.
car en ung feul moment on peut devenir bon 8c vertueux
, fans qu’il faille enlùir Tcftroitte doétrine des
Philofophes, qui ne reputoient homme vertueux lè-
non par très longue exercitacion.
O r tournons noftre parole a la fixieme deffenfe, qui
vice d’un peu de temps : en Adam, qui feuft reGeu à eft le ligne de la C ro ix , en remembrance de la digne
penitence: enN o ë , qui efeheva le diluge : enLoth,j)paffion de Jelu-Crift , car en y celle furent monftrées
qui feuft làuvé en la montaigne: en faint Pierre , en enlàmble'fouverainne feureté, 8c fouveramnebenignilàint
Po l, en la Magdelaine, en la Chananée, en la
femme adultéré, en David, enManaflès, enjouven-
cel fils luxurieux, le quel le pere fi toft receut8chon-
nora, fans reprochier le temps palfé , 8c par ainly d’autres
làns nombre. Apparut aulfi benigfîité par defius
toutes chofes en la Palfion noftre làuveurJhelùCrifl:,
qui pour nous racheter 8c fauver nous a efté donné ,
& comment doneques, ce dit T Apoftre, Rom.vm. 31.
ne nous attrait il donné foutes chofes avec luy ? Et fe VOUS
oyes petit nombre fera fauvé, n’eft pas fi petit nombre
que vous n’y puïffiès ellre comprifes: adjouftésàcefte
deffenfe de mifericorde, l’aydë des benois Angels 8c
de tous Sains 8c Sainéles, le confort des virtus, des dons,
des béatitudes, desfointsSacremens, 8c des Indulgences,
ne fenraqu’a Vous, fe vous n’enules, 8c enelpeté
, comme aucunement avons dit.
Je parloye i f agueres a une devote femme nommée
Agnes, demouranta Aufloire, à l’occafionde laquelle
je fis jadis le Livre De mendicité ejpirituelle , pour
ce que on m’avoit recité qu’elle queroit fes aumolnes
de grâces, 8c foifoit fa procelfion de Saint en Saint très
diligenment 8c ardenment, pour foy, 8c pour les aultres,
8c en elpecial quant elle fedoubtoit ellre elongée
de Dieu, 8c fe mettoit devant Dieu commecondem-
pnée devant fon ju g e , comme povre mendienté devant
ung riche feigneur, comme malade devant fon
myre, ou efcolier qui ha meffoit devant fon maiftre
on fon pere, 8c comme elpoufe desloyale devant fon
elpous, ou comme une queftereflè d’olpital pour les
aultres povres, 8c me demanda celle devote femme,
qui