8o 7 figne de bien. Pareillement: eft de la char malade par
infection originele. L ’cfprit en f ur-plus ne lent point
les las, 6c la prifon, juiques à tant qu'il y panfe pour
efehaper, .& ce.queon y lent ne dcult exemple dclbyèl
englue ou enlallèou mauvaife acouftumance de vilains
plaillrs: La quarte caufr vient par la julte dilpoficion
de Dieu, qui par telles temptacions veult ou rabatre
nollre orgueil, ou nous punir pour les meffais pafléï,
ou nous efproüver , 6c fermer plus en ion amour par pa-
cience „ 6c mieulx rémunérer en gloire ; ou fi nous
"Dialogue Spirituel
habandonne. Soit parlé des eftas 6e honneurs de ce
monde ; 6c qu’elt tout, dirar.il, fors ung'gieu de per-
fonnage, ou uneRoyaulté des fols, ou ÜPg gieu des
efehas, qui tantoft commence 6c foudainnement fan le ?
Et pour q u o t ie n t , Sc d’ou ung tel mefprifement, en
nom Dieu ? Pour la mort que ung tel voit & congnoit
vivement 6c elerement, 6c le par avant il cuit formé
en foy tele panfée, il cuit pris tel Jugement. Pourtant
nous avons que les Philozophes meilmement que-
roient avoir mémoire de la mort , pour acquérir bon-
veult rendre plus caus 6c litiges contre toutes tètnpta- nés meurs 6c frpience: cnefpècial les Platoniciens qui
dons, foient les noftres, foient les autres, 6cc’ellauffiA habitoient en Achademie , lieu pcflilent ou fe faifoit
a la gloire de Dieu 6c à la confulîon de l’ennemy, quant fouvent movement' de terre. Et ne dit pas le grant
Dieu vaint en fes fervans, 6c il remaint vaincus: On
pourroit alîlgner autres raifons, jeflefcay bien; mais
foit ailes de celles à prcfent pour ofter. toute impacien-
c e , ou murmuracion, ou merveille, fe les bons ont ou
Tentent temptacions en fervant Dieu : mais foit oy 6c
creu, feint Jaques, Mes freres, dit-il, panfes que ce
put tonte joye quant vousfere's chéus en diverfès temptacions.
Jacob. i.2 .
F r e r e : par vos raifons vous kués làtiffeit à nollre
première demande; mais puisqu’ainly va, de tant nous
ellgregnieur beloing de lavoir l'art de nous deffendre,
qu'on pourra nommer la deffenfe de l’ame : 6c vous fea-
ves que autre foisavés dit que ce feroit artoudottrine
de grand proufit, 6c que le devroit plus fréquenter es
predicacions, que feulement reprendre les vices fans
Baille, que/<z defiripcion de Pbilofophie eftoit la méditation
de la mort. Mais quant vous demandés oultre, d’ou
viennent tant de pechies, le contre eulx valoit celle per.«
fée de la mort ; je refpons que c’ell pour ce que chafeun
n’y panfe mye fouvent bien au vif 6c au eler :
F r e r e : celt bien une merveillcufe merveille, que
homme mortel puifléoublier la mort, laquelle ilfcet
6ccongnoitli de certain qu’elle doit venir, foit tort,
foittart, 6c c’ell vray que ce fera toll-, car en lî briefre
efpacedcvie humain^e n’a point de tait. Chafeun peut
remembrer la mort de les parens 6c amys ou autres de
là congnoilîànce, qui n’a gueres elloient, 6c maintenant
pourriflënt les corps en terre: il ne faut que palier par
les Moulliers 6c Cymetieres, 6c par les citez ruineu-
fes 6c dellruites ; là peut un chafeun veoir, qu’il doit
m Dnftrer la garifon ; ou que monllrer les périls des-tem- ® attendre de foy, non pour quant. Congnoilîôns nous
ptacions diverfes : comme ung vollre petit traitié le fait,
& nous monllrer la maniéré de s’en deffendre, ou garantir.
Si procédés oultre frlond nollre pcticion, 6c
pour ce premier jour, -aftïgnés nous aucunne rcugles ou
confideracions generales a cccy profitant.
M es S*u e r s : voulentiers y en ten d ra yd e tant
que le choie, comme vous dittes, efb plus proufitable 6c
neeelfaire, 6c trop plus que n’ell l’art que donnent Ve-
gere 6c autres pour les batailles corporelles : de tant que
l’elprit oulàvievault trop mieulx que le corps. Si ra-
manray premièrement fclond vollre defir cette matière
a fept reugles ou conlideracions, à l’exemple de fept fortes
tours: La première. De nollre fin mortelle: L a féconde
, De nollre fin immortelle.
F r e r e : nous demandons la declaracion de ces
fept poins ; tellement que trop grande briefté ne nous
façe obfrurté a l’entendre, ne trop grande longueur
bien, helas! par nous, 6c par les autres, que celle mémoire
de la mort n’ell point enracinée en nollre cuer ;
mais friions tout 6c vivons comme fe jamais ne deulîions
mourir, 6c vaurions bien congnoillre du vient tel aveuglement
a cuer humain.
M es S u e r s ; cecy vient pour lesaultres occu-
pacions plus fortes 6c plus movens, tant du monde,
comme delà char, en divers defirs 6c plaillrs, en parler
, en oyr, en regarder ; 6c frmble à plufrurs aulîl
que jamais n’auroit bien qui panfrroit tous jours a la
mort, li n’en veullent oyr parler, ou y panfrr ; mais
tels faillent 6c font deçeus : car la forte panfée de la mort
olleroit, rellinderoit la trille 6cangoillèuléconvoitilé
du monde, 6c y planteroitla plaifrnce doulce 6c reli-
gieulé des biens de l’autre llecle, 6c de l’amour divine,
en faifant premièrement hayr6c fuyr chafeun pechié;
car qui eft celuy tant enflammé de malfrire, que fe de
cnnuy a 1 efrripre ou retenir, engin humain cft toll laf- C prefent ilcongnoill que on le menait à mort par Tuf
le , bnefte luy plaill : 6c tout de premier voudrions fça ~~~ 0 1 * • ~
voir pourquoy vous commençes par la conlideracion
de la mort ; car qui cil celuy qui ne fâche bien qu’il doit
morir, foit bon, foit mauvais : d’ou viennent doneques
tant de pechiés, fe contre eulx valoit cette panfée de
la mort.
M es S u e r *s : pour ce que la mort elt très certaine,
6c commune a tous ; je la met devant, comme
la deffenfe generalle que nul ne peur nyer: mais
qu’elle foit proufitable 6c valable, ce appert elerement.
Premièrement qui regardé que la naiflànce 6c racine de
tous pechiés elt concupifcence, ou convoitife qui tent a
proufit terrien, ou charnel plaifir : or cil ainli que quant
on panfe bien a la mort on mefprifé 6c tourn-on tout
a nonchaloir telle concupifcence legierement, dit foint
Jerome, Celuy mefprifé toutes chofes qui toufîours panfe
qu'il doit morir : Et nous veons
Soit
ce , ou aultrement, 6c on luy demandoit lé il vauroit
accomplir tels ou tels pechiés a celle heure, devant fa
mort; qui elt celuy demandera qui refpondill oy. Pourtant
baille un doéleur bonne domine qui enhorte la
perfonne fouvant panfer 6c demander à foy meifmes,
que tu devoies incontinent mourir, feroyes - tu telles
ou telles chofes, demouroyes-tu en tel ellat, y ofe-
roies-tu bien mourir; 6c c’ell la deffenlé generalle contre
touttes temptacions, que tellement frire ung ellu,
ou une tour delà mort, par y panfrr vivement 6c lou-
vent.
F r e r e : nous aperçevons bien élire vérité ce que
vous dittes, 6c ique pour ce frult-onremembrer la mort
6c la briefveté de cette vie, tant aux Papes comme aux
Empereurs a leur coronacion ou triumphe : pour celle
caufr aulîl trouvons de plufrurs qui faifoient ou ordon-
01 morir. ii,t nous veons ceçy par experience, noient leur frpulcre en leur vie, les aultres ont fait ymai-
yng homme au lit de mort, de laquelle il juge deu gbs des mors, les aultres ont habitées fepulcrcs, au-
certain :ln 1 ue 11 n efehapera point ; foit faite a ung tel cunes foys foysles les aultres ont fuy 1
en folitude & defert en
parole ou mencion des richeffes de ce monde, d’o r , d’ar
gent, de pierres precieufes, de grandes polîélfions 6c
héritages pour les conquellcr : il ne m’en chaille dira-il,
que me vauroit cecy pourmoy: foit parlé des delices
charnels 6c voluptés, pour en ufer ; il n’y prendra nulle
plaifrnce : ainfois mefprifera tout en foufpirant 6c dilànt,
que ce n’ell que vanité 6c vent des chofes tranlîtoires,
fol ellqui s'y fie, dira-il, 6c mefehant quifon cuer y
grande auflerité de vie, pour acquérir cette mémoire de
la mort en jufnes 6c abftincnccs, 6c en filence, les aultres
ont vifité hofpitals ou Chartres, 6c convoyé ceulx
que on menoit mourir ou enfevelir, les aultres en ont
fouvent lu de celle matière, ou parlé, ou efcouté, en
fuyant les lieus diflblus des grans difners ou foupers, pour
converfrr es lieus de pleur 6cde triflece,comme confeilfr
le Saigc, mieulx ife-'ilJ aler en la maifon de pleur-AM
KM de
De Jean Gerjon avec fes Soeurs. 810
efl anmoneftée la fin des hommes, à: M es S u e r s celle deffenfe bien prife 6c enten-
809;
de joie-, car en yelie efl anmoneflée la fin dt
ce que le vivantpanfe quelle'tchofe efl à venir. Eccle. vu.
fi -nous fouffit a;tant"de celle première confidera-
cion : foit parlé de là fécondé:
M es S u e r s : "fêla mémoire de noflrè. fin mor-
celle vénoit femée, elle .ne fo.uffirqit mie fans panfer a
la fin immortelle; pourquoy? Pour ce; que la perfonne
en pourroit trebuchicr en defefpoir de foi 6c de fr
vie-, ou par triflece, ou.par delices y • ou par vaine
gloire:; exemples font à cé'de ceulx qui fe tuent par
melencolie, 6c qui s’abandonnent à toute ordure, com- 1
me fb ils fucent belles , 6c qui fe livrent à mort foubz
umbre de frire fait vertueux ; comme Gurcius 6c De?
cius: mais apres ce que par là remambrance de no-
llre fin mortelle nous aurons mefprifié toute riens de
ce monde, il fault tourner les yculx de fa . panfée à la
fin immortelle. Cefl paradis, 6c perdurable joye, fe
nous vivons bien en nous deffendant contre les vices
: ou ell horrible dampnacion, fr nous faifohs le contraire
, 6c nous laiflbns fufmonter : 6c ce nous ell mon-
fifé principallement par la lumière de vérité , de la foy
avec hiitoires 6c revelacions-' très certaines,'. 6c raifon
s’y accorde ; car puilque l’omme a raiforifor toutes aultres
créatures, pour congnoillre Dieu, pour l’aymer
6c fervir ; 6c Dieu ell inlle:il s’enfuit que Dieu rémunéré
ceulx qui accompliflcnt ce pour quoy ils font fris,
bien.-prife entendue
proufite à merveille, 6c aultrement ellepeutnuy-
re , comme vous aves touchié. Je,dy doneques, que
piiis que nollreimpuiflànce, ignorance, 6cmalice ell
tele j que par nous ne pouons relifter a mal, ou a la
mendre temptacion qui foit, que nous ne trébuchions,
ou ohanccllions comme la feuiile au vent,- nous; de-,
vons mettre toute nollre eiludie à celte grâce acqu'e-.-
rir y qui frule nous peut,aydier & bailiier force ^ fi nous
convient garder que nous n’encoui'QnsJ’indignacion de
celuy Seigneur qui la donne, c’ellDieu, 6c que nous
mettons painnë à luy com plaire par quelque bonne opération^
foitjufne, foit oroifon, foit aumofne, foit re-
graciacion.
F r e r e : que dittes vous ? Se fins la grâce de Dieu.
nous ne pouons riens de bien faire:, comment pour
bien frire la pourrons nous acquérir, quant nous ne
l’avons mie, il fauroitdire que nous euflions grâce 6c
non euflions enfrmble : • en fur plus, ne veons nous mie,
plufieurs grans pécheurs en aucuns vices, que pour,
riens ne fe laiflëroient vaincre par les aultres, tant n’a- -
yent mye la grâce de Dieu : mais auflÿ fr la grâce de
Dieu elt tant neceflàire , qu’elle face tout le bien qui
ell en nous, quelle grâce ou louenge endoyventrapporter
ceulx qui bien font; car ils ne font mie le bien,
mais Dieu par eulx, ou en eulx feulement; a la par-,
fin, c’ell grant merveille fe ung hommenepeufeautant.'
faire frlond fr nature, comme une belle felond
6c punit les deffaillans, 6c car celtejuftice ne s’accom
plit mie en ce monde, ceft legier a veoir,qu’elle s’accomplira
en lautre, fi faut que l’ame unie apres le corps: g la fienne, la quelle toutefois n’a meftier d’autre
mais comme nous avons dit de la mort que on,n’y panfe
mie fi vivement*6c entièrement comme on devroit,
encores le peut-on plus veoir en celle matière, qui eli
plus eltrange 6c plus obfcureà croire, combien que
loit vraye 6c certainne.
F r e r e : nous congnoiflons bien que plufieurs laif-
frnt, 6c ont laifié à pechier , les aucuns pour avoir
Paradis, les aultres pour efehuer enfer, comme S. Jerome
dit de luy meifmes , quil ala ou defert pour la
paour d'enfer, & ung fr convertit a bien vivre, quant
il penlà en fon lit, quel lit auraient ceulx d’enfer, 6c
l’autre quant ileonfidera, que fr en fon lit mol, il ne
pourroit durer longuement fans cnnuy, comment dit-
il dureroie-je en perdurable painne, lautre parce que
on luy dit que ce ferait grant dommaige , fe fi belles
mains comme il avoit, 6c II beau vifaige ardoient ou
feu d’enfer, l’autre qui eftoit queulx panfoitenregar-
M e s S u e r s : fortes font je le confeflë ces quatre
objeélions, 6c par elles plufieurs du temps pafie
ont frmé mauvaifrs herefies, en ëfpecial lesPelagiens
non por quant elle ne concluent riens contre ce que dit
e ll, .6c comment faire une diftinétion de ce mot grâce:
car grace fe prent a la fois moult ellroittement
pourlavirtus de charité, qui ell la frule virtus qui fait
eftre gracieulx 6c plailànt a Dieu, pour eftre digne de
Paradis. Autrement fe prent grâce plus largement,
pour chafeun don oultre nature, que Dieu baille à créature
humaine pour la conforter 6c aydier es moyens-
requis a venir à frlvacion : jalbit ce qu’elle ne rende mie -
telle perfonne digne oii acceptéé. de Dieu pour la vie
perdurable, comme eft la grâce de prophecie, defoien-
ce , de foy , d’efperance, de bonneinftruéfcion; 6c à
brief dire, n’eft vertus aultre que charité qui de foy foufdantfonfeu,
quel rage ferait de fentir l’autre : tels font^ filé à là fin acquenr. Grâce à la fois fe prent très large-
6c ont efté frns nombre. Mais ceft a frvoirfr telle ab-
ftinence de pechié pour crainte de la painne, ou pour
l’clpcrance du louyer fouffifent a Dieu.
M es S u e r s : je refpons que oiiy, conbien que
ce n’eft mie le plus parfait, car la racine vient, qui bien
avife, de bonne creance, 6c de ce que h perfonne croit
aux comminacions ou promeflés de Dieu, 6c ne veult
mie delaifiér Dieu ou cheoir en fa haine, 6c affinque
finablcment ne fr perte de luy : mais autrement ferait
a. dire fe la frule painne temporelle éftoitdoubtée, ou,
le bien tempoïel déliré, frns tenir compte de l’autre
vie, comme aucuns laiflèntà pechier pour la feule honte
du monde, ou pour loenge des aultres, qui aultrement
feraient,, s’ils cuidoient que nul ne le deuilfea-
voir ,fors Dieu.
F r e r e : venes à la tierce deffenfe que vous appelles
la confideracion de la necefllté de la grâce de Dieu:
ce que voulés vous par cecy dire de nouvel? Car n’eft
celui qui ne fâche bien 6c confeflë, que lànsDieu on
ment pour tout don de Dieu foit naturel, ou aultre,
comme engin, richeflè, force, 6c autres, 6crelpon-
dons que les deux premières opoficions procédait fe on
parloit de la grâce de charité feulement; maison prent
grâce en la feconde ou tierce maniéré, quant on dit que
on ne peut riens de bien frire frns la grâce de Dieu, 6c
que on la doit empetrer 6c quérir par les oeuvres,
aulquelles frire Dieu ha desja donné aultre grace:exera-
ple à ce ; Dieu aura donné à Jehan grâce de voulentiers
donner aux povres, 6c de veiller ou de orer, lequel
n’aura mye encores grâce defobrelîè , oudechafteté,
ou de bénignité, 6c doit par ce qu’il ha bien ouvré pour
acquérir ce qu’il luy faut, juiques à tant aüfll qu’il ayt la
grâce de charité plus enracincement, frns la perdre par
tels pechiés aufquels il cft enclin; ceft doneques bon
confeil pour foy deffendre contre fes temptacions, que
la perfonne par foy 6c par aultres labeure envers Dieu
d acquérir grâce pour les furvaincre; ôce’eftceque les
Deéléurs;.appellent .frire ce que en.foy eft: l’igno-
ne peut riens de bien frire, car o n ne pourroit ne eftre J) rance. de celle diftinétion feut caufr des diètes here-
ou vivre ; mais aulîl celle deffenfe confraiflë aucuns, fies.. - ■ •
quant ils dient, pour quoy mefforceroye-je de tele ou
t^ e chofe accomplir, a Dieu en eft du tout, s’il veult
elle fe fera; s’il ne veult, pour néant on fr traveille-
roit, il n en efl pas au voulent eu au courrant , dit
Apoftre, mais a la mifèricorde de Dieu. Rom. ix. 15.
Quanfla la tierce objeélion; jerelpons, que lapër-
fonne n?a point moins de loenge s’elle frit bien par l’ayde
6c confott ou operacion de la grâce de Dieu, 6c les hérités
failloient en ymaginent le contraire, comme lé
corpé.humain neft pas moins à louer s’il exerce les ope-
racions dé vie , quant il eft conjontafrvie, ceft à di-
E e e 3 ré