
Au sein d’institutions frappées de décrépitude, elle ne présente nhîlement cet aspect
de décadence et de débilité qui est commun à toutes les classes de la société chinoise.
La Chine éveille, à chaque instant, l’image d’un édifice poudreux et vermoulu, confié à la
garde de vieux invalides. Au Japon, il n’y a littéralement ni ruines ni poussière; .et telle
la fraîche végétation de sgs îles toujours vertes, telle aussi cette apparence d’inaltérable
jeunesse qui se transmet de. génération en génération chez les habitants de det heureux
pays. !
Ils ornent même leur dernière demeure des? attributs d’un printemps étërnel. Leurs
cimetières sont,' en toute saison, parés'de verdure et de fleurs. Leurs tombeaux, simples
tables commémoratives, conservent le souvenir déS trépassés sans y rien ajouter qui rappelle
le spectacle de la destruction. Chaque famille ayant son enclos spécial, et chaque
mort sa pierre dans le champ commun du repos, la tradition de ceux qui ne sont plus se
déroule de colline en colline, parmi les jardins et les bosquets sacrés, jusqu’aux abords des
villes et des bourgades.
, . 4 /Nagasaki, ce tableau est du plus grand effet. La ville s’étendant au pied d’une
enceinte de montagnes dont les péntes' inférieures sont généralement abruptes, celles-ci
ont été taillées en gradins, qui forment, principalement autour des vastes quartiers de
l’Est, un admirable amphithéâtre de terrasses,funéraires..
On dirait deux villes en présence i dans la plaine, la cité des vivants étalant au soleil
ses longues et larges rues bordées de frêles maisons de bois et animées d’une foule éphémère
; et sur la montagn^ l'austère nécropole avec ses.murailles et ses monuments de
granit, ses -arbres centenaires, son calme solennel.
kës habitants de Nagasaki, quand ils lèvent les yeux dans la direction de la'montagne,
doivent songerinvolontairement aux innombrables générations qui se sont écoulées avant
eux sur là terre.-Cette multitude de pierres tumulaires dressées sur les terrasses* où elles
apparaissent à travers là gaze bleuâtre des lointains vaporeux, fait naître l’idée que les
esprits des aïeux reviennent parmi les tombeaux : là, muets mais attentifs, ils contem- *
plent l’agitation de la cité.
^ Une fois par an, vers la fin du mois d’aout,. la population tout entière les convie à
une fête, solennelle, qui se prolonge pendant trois nuits consécutives.
...Lé premier.soir on..éclaire, au moyen de lanternes en papier peint de différentes couleurs,
les tombes des personnes mortes durant l’année qui vient de s’écouler.
La sècoride. .et la; troisième nuit, toutesdes tombes sans exception, les vieilles comme
les nouvellés, participant à là même illumination,^et toutes les familles de Nagasaki vonl
sfinstaller dans les. cimetières, ou elles se livrent, en l’honneur des ancêtres, à d’abondantes,
libations. Les éclats d’une gaieté étourdissante retentissent de terrasse en terrasse,
et des^Eùsëes lancées paç intervalles semblent mêler àu bruit des réjouissances humaines
lé son des échos de la vouto céleste. ;
Les résidents européens se transportent à bord des vaisseaux en rade pour contempler
de; loin le spectacle féérique_ que; présentent lès .collines toutes, resplendissantes de rougeâtres
lueurs.