
la cuisine, et des chambres à coucher. Grâce à la hauteur des plafonds et aux belles
dimensions du corridor et de la cuisine, l’air circule librement dans l’intérieur de la
maison. Quant à la lumière, elle serait fort interceptée par la véranda, si le nombre
des portes vitrées ne remédiait jusqu’à un certain point à cet inconvénient.
Tel est le rez-de-chaussée de notre demeure de Benten, et celle-ci ne renferme
rien de plus, car tout le reste de cette vaste construction consiste en charpentes et en
toitures dont l’ingénieux échafaudage est complètement vide à l’intérieur, sans étage,
ni galetas, ni chambres hautes, ni mansardes, ni lucarnes. Ce genre^d’architecture,
propre au Japon, doit avoir pour but de permettre aux plus grantls édifices, tels que les
temples et les palais, de résister aux tremblements de terre ou aux terribles ouragans
connus squs le nom de typhons.
Un escalier extériejjr gravit en, zigzag le pan méridional de la toiture et conduit
au sommet du bâtiment, où Ébn a établi un belvédère. Souvent nous avons épié, du
haut de cet observatoire aérien, l’arrivée du paquebot apportant la malle d’Europe;
souvent nous y avons monté quand les lenteurs traditionnelles du gouvernement japonais
nous forçaient à l’inaction et nous retenaient des mois entiers dans la situation de.
passagers dont le navire serait arrêté dans la région des calmes. Alors un coup d oeil
jeté sur la rade, sur les-escadres alliées, sur la ville européenne en pleine construction,
nous rappelait que .si les choses ne marchaient pas toujours au gré de notre impatience,
l’oeuvre de l’ouverture du Japon ne s’en poursuivait pas moins.
On a quelque peine à se représenter que l’immobilité ait jamais pu devenir, dans un
grand empire, non-seulement une maxime d’État, mais un fait soéiial parfaitement consolidé.
C’est cependant ce qui a eu lieu au Japon. Pas d’événements à l’intérieur, pas de
relations avec le dehors, tel a été le programme immuable du gouvernement japonais de-r
puis plus de deux siècles, et il a pu se flatter de l’avoir presque complètement réalisé. Mais
au plus beau moment, au milieu d’une paix profonde, et lorsque l’unique établissement
étranger toléré dans l’Empire n ’inspirait plus aucun ombrage, une circonstance que
personne ne pouvait prévoir, l’application de la tapeur à la navigation, vint.enlever
aux autorités japonaises le fruit de leurs patients travaux. Lg. soudaine apparition
de quelques steamers de guerre dans le golfe de N??do; fut comme, la protestation die
I humanité contre la plus monstrueuse aberration politique que se soit permise l’esprit de
caste allié à l’orgueil national. Leur seule présence a fait tomber l’échafaudage qui devait
à jamais fermer l’accès du magnifique pays que la Providence a placé comme une station
naturelle sur la route de la Chine au Nouveau-Monde. Aujourd’hui, le spectacle qui
8