
haute paroi de rochers. Elle est placée sous l’invocation d’une idole de pierre, à laquelle
les hôtes d’Odji adressent leurs voeux lorsque, échauffés par les fumées du saki, ils viennent
se placer sous la chute pour goûter les bienfaisants effets de cette douche naturelle.
Dans les bourgades de la plaine, une quantité de boutiques ou de bancs de foire exposent
en vente, au choix des visiteurs et de leurs enfants, toutes sortes de curiosités et de bimbeloteries
de l’industrie locale; car il est bien connu que chez les familles bourgeoises
le plaisir d’une excursion de campagne ne serait pas complet, si l’on ne rapportait à la
maison quelque souvenir des marchés villageois.
Cependant tout cela n ’est encore que d’un intérêt secondaire.
Le secret de la vogue dont jouissent les jardins d’Odji, c’est qu’ils ont été placés de
toute ancienneté sous le patronage d’inari, le dieu tutélaire des rizières, et conjointçinent
sous la protection ded’animal sacré qu’on lui donne comme attribut, savoir : me'ssire
Kitsné, le renard, qui daigne en effet, honorer la contréè de sa faveur toute particulière.
On l’adore sur la colline qui porte le nom d’Odji-Inari. Le dix-septième jour du premier
mois, son temple y attire pêle-mêle une foule innombrable de campagnards et de
citadins. Ils viennent y suspendre des ex-voto, et déposer dans le tronc aux offrandes
leur tribut de nouvelle année. Alors, se dispersant sous les bosquets de la colline, ils contemplent
au loin, dans le marais, le grand arbre autour duquel a du se célébrer, la veille,
le sabbat annuel des renards. On interroge avidement les personnes qui prétendent les
avoir vus accourir, chacun précédé de l’un des innombrables feux follets que les esprits
des rizières ont toujours l’obligeance de mettre à la disposition de la société. Selon les rapports
des témoins touchant le caractère de la fête, l’affluence des conviés, le plus ou
moins de gaieté de leurs manifestations, on tire des conjectures sur l’année qui commence
; on fait des pronostics sur l’abondance et la qualité des récoltes qu’elle promet.
Puis on s’assied autour du brasero dans les chambres d’hôtes des maisons de thé et l’on
devise, à voix basse, de la mystérieuse influence de Kitsné dans les affaires de ce monde.
Qu’est-ce, en effet, que la chance ? qu’est-ce que le hasard ? qu’est-ee que la bonne ou
la mauvaise fortune? Des mots vides de sens! Et pourtant il y a quelque chose derrière
ces paroles, car enfin toutes lès fois que l’on est dans le cas de les appliquer, c’est que des
circonstances tout à fait majeures y obligent, et que, pour tout dire, le renard a passé
par là.
« J ’ai eu,, dit l’un des convives, le malheur de perdre un enfant. Le médecin n’a
pu même indiquér.le siège de son mal; tandis qne la mère se désolait, la lampe déposée
auprès du cadavre projetait au loin l’ombre de la pauvre femme. Tout le monde qui
était dans la chambre de deuil a pu s’apercevoir que cette ombre dessinait sur le châssis
la silhouette d’un renard.
Et les voyageurs ? poursuit un voisin. Quand ils voient s’allonger indéfiniment
devant eux une route dont ils avaient pourtant très-bien calculé les distances, n ’èst-ce
pas pour avoir omis de compter avec la queue du renard ? Combien de fois aussi n’ont-ils
pas- erré dans les rizières, sur les indices fallacieux des feux folléis, que Kitsné a le
pouvoir de faire cheminer à sa guise !
les chasseurs ? Que de tours ne leur a-t-il pas joués ! S’il arrivait même qu’un
habile tireur osât tenter de se venger, il ne lui restait que la mortification de voir le
renard gambader et s’enfuir en tenant à sa gueule la flèche qui avait été décochée contre
lui.
Les annales du Japon constatent que Kitsné a le don de se métamorphoser. Lorsque
le Mikado qui régnait en 1150 se trouva dans la pénible nécessité de congédier sa favorite
pour sauver d’une ruine complète les finances, de l’Empire, la belle, dame s’échappa
de ses appartements sous la forme d’un renard blanc orné de six queues en éventail.
Du cite, d’autre part, des cas non moins extraordinaires d’enlèvements de jeunes li Iles,