
frappe nos regards n’est pas moins digne d’admiration : malgré les anciennes lois, les
sourdes oppositions et les résistances traditionnelles, la civilisation moderne pénètre dans
tous les rangs de la société japonaise ; l’importance du grand Empire insulaire est d’un
poids toujours plus considérable dans les intérêts commerciaux du monde occidental ;
et pour obtenir, en une dizaine d’années, de pareils résultats, il a suffi de quelques
bâtiments de guerre et de l’activité mercantile de 2 à 300 Européens et Américains
pour ainsi dire noyés parmi les 30 millions d’âmes qui composent la population
indigène.
Quatre personnes seulement habitent la maison que je viens de décrire : le consul
général des Pays-Bas et son chancelier, mon secrétaire-interprète hollandais et moi.
¡Mais nous sommes entourés d’une nombreuse colonie d’employés et de gens de service,
répartis dans plusieurs maisonnettes disséminées parmi les bosquets et les charmilles du
jardin.
Voici, à proximité du péristyle occidental de notre résidence, la demeure du constable
du Consulat. C’est dans ce pavillon que nous avons établi notre petit atelier de
photographie et un corps de garde à l’usage des soldats de marine de la station néerlandaise.
A quelque distance en arrière de ce bâtiment est un go-down ou entrepôt à l’épreuve
du feu, hermétiquement fermé par une porte et des volets en fer.
La loge des portiers est à côté du portail de la forte palissade qui enclôt le jardin
dans toutes les directions, excepté vers la baie, où elle est remplacée par une barrière en
cannes de bambou, posée horizontalement au-dessus de l’eau et au niveau de la terrasse
qui longe le bord de la mer.
Le portail, peint en noir comme toute la palissade et revêtu de cuivre au sommet des
principaux pilastres, se compose de trois portes : une grande à deux battants au centre,
ne s’ouvrant qu’au maître et aux hôtes de la maison, ainsi qu’aux visites 5 et deux petites
de chaque côté, pour les pourvoyeurs, les marchands indigènes et les gens de service :
elles sont ouvertes toute la journée, mais fermées dès le coucher du soleil. Le portier
en chef est un brave père de famille qui exerce une sorte d’autorité patriarcale sur les
autres domestiques et même dans le voisinage. Sa logé, où il y a toujours une théière,
un brasero, des pipes et du tabac tout préparés, est le rendez-vous d’une société choisie
de flâneurs et de commères du quartier de Benten. Le service n’en marche pas moins
avec une exactitude dont on peut se. contenter dans l’extrême Orient. Les fonctions des
portiers ou monbans, comme on les appelle au Japon, ne se bornent pas à surveiller, à
ouvrir et à fermer les passages contrés à leur garde; ils doivent sonner les heures, de
jour et de nuit, en frappant du maillet sur un gong, bouclier de bronze suspendu aux
linteaux-de la loge; ils annoncent,^®! outre, par le même procédé, quelles sont les personnes
qui viennent à la résidence : un coup signale un marchand, un bourgeois du
quartier franc; deux coups, un officier ou un interprète; trois coups, un consul, un commandant
de vaisseau, un gouverneur japonais; quatre coups, un ministre ou un amiral.
Le chemin du portail à -l’entrée de la maison est assez long pour que l’on ait le temps
de se préparera la réception des visites. Enfin le monban est chargé de pourvoir par
lui-même, ou, sous sa responsabilité, par ses aides, aux rondes de nuit qui se font
deux fois par heure autour des maisons et parmi toutes les allées et les terrasses comprises
dans l’enceinte du jardin. L’homme de ronde signale son passage par une batterie d'e
trois coups, un long et deux brefs, en frappant l’un contre l’autre deux morceaux de
BÈTOS (PALEFRENIERS) .
bois équarris. En cas de danger, il doit donner l’alarme en frappant le gong à coups
précipités.
Il y a, le long de la palissade qui est du côté du Midi, toute une sérié d’habitations, de
cours et de réduits soigneusement dissimulés derrière d’épaisses charmilles. L on y rencontre
d’abord la buanderie, dirigée par un blanchisseur chinois; ensuite les écuries,