
d’effroi, p a r l’effel combiné de tousses instruments : (lûtes, sainsins, gongs, tambourins
ef. cliquettes. Tout à coup le silence s’établit, et le héros de la pièce se tourne vers le
public pour lui exposer pathétiquement ses raisons. Au même instant, le machiniste
ia.it jôuër une trappe sur le devant de la scène, et la tête ensanglantée apparaît à deux pas
dû meurtrier,, comme si elle eût roulé à ses pieds.
Il existe une complainte populaire, cdmposée sur le même sujet; elle n’a pour.la
courtisane que des paroles d’imprécation :
; « La voilà donc étendue sans tête sur le sol, la femme sans coeur qui aimait tout le
monde, et: qui n’aimait personne.
« Elle avait coutume de se jouer de ses invités, à la manière de ces joueurs de dés
qui savent toujours amener les plus forts numéros.
« -Cehr’est pas elle que l’on doit plaindre ; il faut gémir sur le nombre de ses victimes.
Une femme qui a coupé les pieds (c’est-à-dire paralysé l’activité sociale et domestique) de
tant d’hommes dans la force de l’âge, ne méritait pas autre chose que de subir le sort des
coupé-jarrets. »
Il ÿ a. pourtant deux classes de malheureuses qui semblent échapper à la vindicte
populaire et même être l’objet d’une commisération assez générale.
: La première est exposée chaque soir aux regards du public dans de grandes salles
pratiquées au rez-de-chaussée de certaines maisons subalternes de Sin-\osiwara. Chaque
salle-est munie de barreaux de bois devant lesquels s’exerce la curiosité des passants. On
dirait- le spectacle d’une ménagerie. A l’intérieur, six à dix jeunes filles sont accroupies
sur des nattes, à la lueur de quelques bougies. Leur surveillante seule se promène dans
la cage, prête l oreille aux barreaux, et, selon les propositions qui lui parviennent de la
rue, invite la personne qui en est l’objet à s’approcher de la grille pour s’aboucher avec
l’interlocuteur;
La seconde classe comprend les habitantes des ruelles et des couloirs que I on rencontre
dans quelques-uns des cinq quartiers de l’Est. Ces étroits et sombres passages
sont bordés, de chaque côté, par une rangée non interrompue.de chambrettes, ou plutôt
de bouges ; chacun occupé par une pauvre créature débraillée, qui se montre de temps
en temps sur le seuil d esaporte.
Sin-Yosiwara est fermé aux Européens; mais dans les ports ouverts par lès traités
le gouvernement japonais a institué et pourvu de toutes les dépendances imaginables un
gankiro qui est accessible indifféremment à l’indigène et aux étrangers. On y trouve
tout un labyrinthe de ruelles et de couloirs, qui sont presque journellement envahis
par des équipages de bâtiments de guerre ou de navires au long cours.
C’est en ces lieux abjects que la servitude féminine me semble se présenter sous-les
plus dures conditions, si toutefois, dans un pareil domaine, il est possible de découvrir
lés dernières limites-de l’infortune.-
Les misères humaines, au Japon comme ailleurs, se déroulent de degré ert degré,
de cercle en' cercle, dans la profondeur d’insondables abîmes. L’enfer du Dante, mis
en regard de certaines existences, pâlit devant l’horreur de la réalité. 1,E RESTAURANT DU GANKIRO.