
trois noms entre les mains du bonze de service. Celui-ci les copie sur trois feuilles
détachées, qu i! mêle et secoue au hasard en prononçant à haute voix une invocation
sacramentelle, jusqu’à ce qu’enfin il les fasse voler en fan et la première feuille qui,
en retombant, touche le sol du saint lieu, désigne, parmi les trois noms, celui qui est
le plus agréable à la divinité. Le bonze l’inscrit aussitôt sur une feuille de papier bénit,
qu’il détache de son goupillon et confie comme un talisman à la sollicitude du père do
famille. Alors, l’acte religieux étant consommé, il ne reste plus qu’à le célébrer par des
visites et des banquets appropriés à la condition sociale du héros de la fête. Celui-ci
reçoit à cette occasion divers présents, parmi lesquels deux éventails s’il appartient au
sexe masculin, et un pot de pommade s’il s’agit d’une fille. Les éventails sont les précurseurs
des sabres, et la pommade est le présage des charmes féminins. On ajoute à
ces dons, dans l’un et l'autre cas, un paquet de fil de chanvre, ce qui doit être l’équivalent
d’un souhait de longévité.
Le baptême d’un enfant est toujours un sujet de munificence de la part de la famille
envers les prêtres de sa religion. Il s’entend de soi-même que les prêtres ne manquent
pas d’-inscrire l’enfant au nombre de leurs ouailles et de le suivre avec sollicitude
dans toutes les phases de sa vie. Les registres des bonzeries ont la réputation d'être
très-bien tenus; ils doivent être constamment à la disposition des officiers de police.
A l’âge de trois ans, le jeune garçon commence à porter la ceinture, et à l’âge de
sept ans, s’il est samouraï, les deux sabres insignes de sa caste. Il va sans dire que ces
armes, en rapport avec sa taille, ne sont que provisoires. C’est à quinze ans qu’il les
échange contre les sabres éprouvés dont sa famille lui confère, pour la vie le glorieux
dépôt.
Dans la classe bourgeoise, à défaut de cérémonies chevaleresques, les trois dates que
je viens de signaler, et principalement la dernière, sont l’objet de réjouissances qui ne
le cèdent qu’aux fêtes du mariage. Le jour même où le jeune homme a quinze ans révolus,
il atteint sa majorité, il adopte la coiffure des hommes faits, il entre en part dans les
affaires de la. maison paternelle. La veille encore on lui parlait comme à un enfant :
tout à coup le ton de son entourage change à son égard ; les formes cérémonieuses de
CÉRÉMONIES FUNÈBRES : ON RECUEILLE LES RESTES.
la civilité nationale rehaussent à ses propres yeux la valeur de son émancipation, et il
s’empresse, de son côté, de répondre aux félicitations dont il est l’objet, de manière à
prouver que, s’il est fier de sa nouvelle position, il en comprend aussi la responsabilité.
Ce noble témoignage, en effet, ne se borne nullement à de vaines déclarations, et je
n ’hésite pas à relever, parmi les traits de moeurs les plus intéressants de la société
japonaise, le zèle, la persévérance, le vrai sérieux, avec lesquels les jeunes gens de quinze
ans savent abandonner les plaisirs de l’enfance pour commencer la rude école de la vie
pratique et se mettre en état de faire honorablement leur chemin dans le monde.
L’apprentissage d’une profession manuelle équivaut à un servage de dix années. Le
patron, pendant ce temps, donne le logement, les vêlements et la nourriture, mais jamais
le moindre salaire, si ce n’est pourtant vers la fin, quand l’apprenti est devenu ouvrier,
l’argent de poche dont il a besoin pour se procurer du tabac. Néanmoins l’instruction