
français, a été relevé, tout mutilé, à l’entrée du village d’Odongaïa. Un négociant anglais,
M. Lenox Richardson, a rendu le dernier soupir sur le seuil de la maison de thé de
Màhéïa, près de Kanagawa. Deux officiers russes et, plus tard, deux capitaines de la marine
marehánde hollandaise, M. Vos et M. Decker, ont été hachés en piècës dans la
grande, rue de la ville japonaise, à Yokohama. Un interprète japonais du ministre
d’Angleterre et l’interprète hollandais de la légation américaine, M. lleusken, ont péri
dans les rues de Yédo. Tout le personnel de la légation britannique a failli être victime
d’une attaque nocturne qui fut repoussée à la suite d’une sanglante mêlée. Deux
soldats anglais ont été tués à leur poste, dans une seconde attaque de la même légation.
Ce sont là des événements dont il est difficile de faire complètement abstraction
lorsqu’on réside dans la contrée où ils se sont passés, et surtout lorsqu’on est à la
veille de s’installer à Yédo.
Le gouvernement du Taikoun se montre toujours disposé à renchérir sur les dangers
que présente le séjour de sa capitale. Cela ne l’empêche point d’ajouter qu’il est
profondément humilié pour son pays d’un si triste état de choses. D’un autre côté,
quand il se trouve à bout d’expédients pour surseoir à la réception d’une ambassade,
ou à court d’éloquence pour la persuader de plier bagage, rien ne lui tient plus à coeur
que de prouver à ses hôtes étrangers combien étaient fondées les craintes ' qu’il
avait cru devoir leur exprimer.
Le résultat de cette tactique est facile à prévoir : on se garde bien d’attendre la fin
de la démonstration, et l’on fait en sorte de partir juste au moment où celle-ci ne pouvait
plus manquer de s’appuyer de quelque petit malheur, à titre d’exemple ; témoin ce
feu de cheminée qui détruisit la légation américaine, en laissant intacts, bien entendu,
tous les droits que le ministre se plaisait à invoquer pour justifier la prolongation indéfinie
de sa résidence au siège de l’administration taïkounale. Nous savions donc à l’avancé
que notre installation à Yédo ne serait pas de longue durée. Nous prîmes le parti,
avant de l’opérer, de mettre à profit la période des préliminaires pour pousser des reconnaissances
dans divers quartiers de la capitale, chaque fois que l’occasion nous était
offerte d’y aller échanger quelque communication avec les gouverneurs des affaires
étrangères ; et comme notre mission, une fois installée, devait se composer de six personnes,
nous convînmes de nous diviser, jour par jour, en deux ou trois escouades, afin
de poursuivre, en autant de directions différentes, les explorations que nous avions
projetées.
Lorsqu’on se rend à Yédo par la voie de terre, il faut accepter pour la route l’escorte
d’une troupe de yakounines à cheval. Nous leur donnâmes rendez-vous au bac de la
rivière Lokgo, limite assignée aux résidents de Yokohama pour leurs promenades vers
le Nord de la haie. Nous traversâmes dans notre sampan le bras de mer qui sépare
Renten de Kanagawa. Nos chevaux nous attendaient dans ce dernier village, et nous
jouîmes d’une dernière heure de liberté en suivant à notre aise le Tokaïdo, sillonné de
deux files interminables de voyageurs à pied, achevai, en norimon, en cango ; ceux qui
allaient à la capitale longeant comme nous le. côté droit de la chaussée, et ceux qui en