
places pêle-mêle. A l’exception d’un petit nombre de loges réservées aux autorités, oh
n’admet pas d’autre distinction que celle des deux classes du tarif, d’après lequel le
public dés galeries payé le prix le plus élevé. La multitude envahit le cirque longtemps
avant l’heure de la représentation. Les .chances de la lutte étant l’objet de paris passionnés,
les spectateùrs qui ont l’habitude de s’intéresser à celte loterie, ne manquent
pas d’occuper souverainement les postes d’observation qu’ils trouvent à leur convenance,
ordinairement les derniers rangs de l’amphithéâtre que forme le parterre aiitour de
l’arène et du champ clos des lutteurs. Aucun de ceux-ci né se; montre dans le cirque
pendant que le public achève de s’installer. Tous sont consignés au vestiaire, où ils doivent
déposer leurs vêtements, ceindre leurs reins d’une fine écharpe de soie à longues
franges, et se parer du tablier de velours où ils ont fait broder leurs armes et suspendre
les diplômes de leurs victoires. « Il y a dans toute représentation, dit M. Lindau, différentes
sociétés de lutteurs. Le champion de chaque société en est en même temps le
chef; il possède, comme les héros du ring anglais, une ceinture d’honneur, qui d’ordinaire
lui a été donnée par le seigneur de sa province natale, et dont il se pare au commencement
et à la fin du spectacle. »
Les divers apprêts de la lutte sont d’une longueur interminable. Jamais, malgré l’assistance
de leurs camarades, les nobles athlètes ne trouvent leur ceinture assez serrée,
leur coiffure assez ramassée sur la nuque, leur tablier assez dignement assujetti sur les
hanches. Et puis il leur faut passer en revue toutes les articulations de leurs bras et de
leurs jambes, les faire craquer l’une après l’autre, s’étirer les membres aux bourrelets
de paille qui pendent au bout de grosses cordes attachées au plafond du vestiaire. Enfin
le son d’une caisse retentit au sommet de la tour, ou plutôt de la haute cage en bois,
qui s’élève au-dessus du grand portail du cirque. La tumultueuse impatience de la foule
fait place au recueillement, car on ne s’attend à rien de moins qu’à une apparition prodigieuse.
Les estampes qui ornent les affiches du spectacle ont surexcité toutes les imaginations.
Ce ne sont pas de simples mortels que l’on va voir défiler dans le cirque, mais
plutôt des géants, des colosses, des héros fabuleux, qui dépassent toutes les proportions
de l’espèce humaine !
Cependant un obséquieux personnage, de très-petite taille, costumé avec la dernière
recherche, et saluant tout autour de lui avec les formes de la plus exquise politesse, le
régisseur enfin, s’installe au centre de l’arène, d’où il débite, d’une voix claire et cadencée,
le programme de la représentation, la nomenclature et les titres glorieux des
deux troupes rivales qui vont entrer en lice, ainsi que l’état des paris engagés entre les
spectateurs ail sujet du prochain combat. Le tambour se fait entendre pour la seconde fois,
et c’est le; signal de la parade. Les lutteurs s’avancent à la file, pas à pas, les bras pendants,
la tête haute, dominant de toute leur stature les spectateurs accroupis sur les degrés
du parterre. Un sourd murmure d’admiration accompagne leur marche triomphale. Le
fait est qu’il serait difficile de composer en aucun autre lieu du monde une procession
comparable à celle des athlètes de Yédo. Ils suivent de père en fils je ne sais quel régime
hygiénique, perfectionné, de siècle en siècle, dont les produits rivalisent avec des résultats