
quelques intérêts mercantiles le poste qui lui assignait un rôle si exceptionnel dans les
affaires de l’extrême Orient. La prudente patience qui la caractérise lui traça son devoir ;
elle résolut d’attendre paisiblement de meilleurs jours et de ne pas abandonner la place
aussi longtemps qu’elle pourrait y exercer une honorable influence.
L’îlot de Décima rappelle sans doute plus d’un humiliant souvenir; mais il fait l’éloge
d’une vertu qui n’est pas très-commune, la persévérance. C’est pourquoi il a justement
mérité l’honneur singulier qui lui est échu au commencement de notre siècle. La maison
d’Orange avait été détrônée, les membres de la dynastie nationale néerlandaise étaient en
fuite, les Pays-Bas englobés dans l’empire napoléonien, leurs colonies au pouvoir de
l’Angleterre. Il ne resta plus qu’un refuge au pavillon néerlandais, un seul point du globe
où, en effet, il ne cessa de flotter ; et ce fut, à l’extrémité de notre hémisphère, au fond
d ’une paisible baie japonaise, cette petite jetée de terre co n stru ite en forme d’éventail
ouvert, et qui porte le nom de Décima.
C’est de là que le Japon a été révélé à l’Europe. Les navigateurs hollandais, ainsi que
les surintendants de la factorerie de Décima, nous ont laissé de précieuses relations de leurs
voyages de découvertes ou de leurs ambassades à la cour du Mikado et au Castel des
Siogouns. Specx, de Vries, van der Capellen, Linschoten, van Diémen, ont donné leurs
noms aux détroits qu’ils ont explorés sur les côtes de Iiiousiou, dans la mer intérieure et
dans le groupe des Kouriles. C’est à Décima que Kæmpfer, Thunberg, Titsingh, Levys-
sohn, de Lijnden, de Coningh, de Siebold, et tout récemment M. Pompe de Meerdervoort,
ont rassemblé les matériaux de leurs mémoires sur le Japon. Le livre de Kæmpfer est un
chef-d’oeuvre de candeur, d’érudition et de sagacité. Les archives de Siebold sont un
recueil d’une richesse inépuisable, l’oeuvre monumentale de toute une longue vie d’études
et de recherches, pendant laquelle l’auteur n ’a pas fait moins de trois fois le voyage du
Japon, en séjournant à chaque reprise pendant plusieurs années dans diverses parties de
l’Empire, surtout à Décima et à Nagasaki. Quelques-uns des travaux que je viens de citer
se sont accomplis à l’aide de. subsides considérables fournis par le gouvernement des
Pays-Bas. Il a rendu, de la sorte,, à la science et à l’humanité des services qui méritent
la reconnaissance de tous les peuples.
J’ai déjà signalé le fait que l’initiative des modernes relations de l’Empire japonais
avec l’Occident a été prise^par le roi des Pays-Bas, Guillaume II, dix ans avant la mission
américaine, et qu’elle a contribué à faciliter la conclusion des traités de 1854 et de 1858.
Le*Commissaire royal hollandais, M. Donker-Curtius, qui précéda d'une année au Japon
le commodore Perry, exerça sur les autorités indigènes la plus heureuse influence. C’est
à lui que les Portugais doivent le retrait de la proscription spéciale qui les avait frappés
au dix-huitième siècle. Enfin, c’est à l’aide des bons offices du gouvernement hollandais
et particulièrement de son agent actuel, M. de Graeff van Polsbroek, que la Confédération
suisse en 1864, la Belgique en 1866, et le Danemark en 1867, ont conclu leurs traités
de commerce et d’amitié avec le Japon.
Les bienfaits intellectuels dont le Japon est redevable à la Hollande ne sauraient
tomber sous notre appréciation. Cependant ils ont laissé deux monuments qui leur rendent
témoignage dans l’enceinte même du Castel. L’un est la bibliothèque^taïkounale, l’autre
une sorte de Conservatoire gouvernemental des arts et métiers. MalheureusementTaccès
en est interdit aux Européeris, et il n’est pas facile de connaître ce que renferment ces
vastes collections, ni de savoir jusqu’à quel point le gouvernement les utilise.
DN ÉLÈVE DD COLLÈGE DES INTERPRÈTES DE L’üNIVBRSITÉ DE YÉDO.
Voici, sur ce sujet, quelques renseignements que j ’ai recueillis d’après des observations
nécessairement fort incomplètes.
L’une des sections les plus remarquables de TUniversité de Yédo est le collège des
interpretes. Les nombreux étudiants qui le fréquentent ont le rang d’officiers et portent
les deux sabres. Tous doivent apprendre le hollandais, qui est la langue des relations
diplomatiques, celle dans laquelle se traitent les affaires du gouvernement japonais avec