
et joue du luth, et Daïkokou raccompagne en frappant à coups de baguettes sur son gros
marteau de bois. Les rats qui lui servent d’attribut ont été dressés à faire des tours de
saltimbanques. Revêtus d’un joli costume de fantaisie, ils grimpent au sommet de la longue
boulette de Shiou-Rô, et sa vieille tortue la porte en équilibre. Le dieu donne les explications
au public et commande les exercices en jouant de l ’éventail. Sur une autre planche,
le dieu du contentement sè fait masser par Yébis, et le dieu des talents s’applique avec
dextérité des moxas sur les jambes.
Parmi les demi-dieux ou les héros populaires de l’ancienne mythologie, plusieurs ont
le privilège de partager avec les divinités domestiques les honneurs de la caricature.
Soïkoïmeï, le prototype et le patron de la vieille chevalerie, réduit à la besace, imagine de
monter un théâtre de foire pour sa troupe de petits démons, dont il a fait des bateleurs.
Raïden, le dieu du tonnerre, détrôné par les lois de la physique, se relève tout meurtri
d’être tombé lui-même sur la terre en y lançant sa foudre.
Mais il est superflu de multiplier les exemples de ce genre. S’il y a quelque part un
peuple qui n’ait plus d’illusions à perdre, même au sujet de ses idoles de prédilection, c’est
à coup sûr celui qui habite les îles du soleil levant. Peuple enfantin, si l’on en juge d’après
les apparences extérieures, mais, au fond, peuple génial jusque dans ses divertissements
publics, et plus encore dans ses caricatures religieuses : car elles ne sont autre chose
qu’une implicite protestation contre les anciens objets de son culte et un tacite hommage
offert au Dieu inconnu.
LIVRE IX
YOKOHAMA