
LE JAPON ILLUSTRÉ,
de collines, de bosquets, de vergers, de pièces d’eau, de promenades et de places publiques
; et il est tel de leurs sanctuaires dont les proportions architecturales ne sont pas
très-éloignées de rappeler une nef gothique de moyenne dimension.
La munificence des Taïkouns à l’égard du bouddhisme n ’a d’ailleurs rien ajouté aux
sentiments que l’on professe à Yédo pour les ministres de cette religion. 11 m’a paru que
dans les diverses classes de la société de cette capitale, la position des bonzes est analogue
à celle des popes de l’Eglise grecque, selon que ceux-ci se trouvent en rapport avec les
seigneurs, les marchands, ou les moujiks. . r
Les prêtres du culte des Kamis sont dans une condition encore moins enviable, car
c’est à peine si l’on soupçonne leur existence. Il est vrai que les représentants du Mikado
à la cour du Taïkoun et quelques seigneurs provinciaux les honorent de leur patronage ;
mais la généralité de la noblesse féodale en résidence à Yédo demeure étrangère à ce qui
se fait autour d’elle, en matière de religion comme en toute autre chose. Elle préférera
subventionner un chapelain à domicile que de concourir à l’entretien de n ’importe quel
culte public. Tout ce qu’elle a daigné faire par condescendance pour l’ancienne religion
nationale, c.est d autoriser les prêtres Kamis à envoyer une fois par an des quêteurs dans
les quartiers aristocratiques. Les prêtres, de leur côté, jugeant qu’il ne serait pas superflu
de stimuler la charité des hautes classes par l’attrait de quelque pieuse jonglerie, ont imaginé
de créer deux classes de quêteurs divertissants. La première, qui se rend à demeure
en toute saison, sur commande et à prix fixe, se compose d’une sorte de prêtresses diseuses
de bonne aventure. Vêtues d’un surplis blanc, agitant de la main gauche le goupillon de
papier, et de la droite une trousse de grelots, elles accompagnent leurs prophéties de pas
rhythmés, dont un coskei, coiffé du bonnet de Kioto, marque la mesure au son d’un gros
tambour. L’autre catégorie ne sort qu’au nouvel an pour faire une tournée générale, où
chacun donne à volonté. Les personnages chargés de cet office sont les principaux
coskeis des temples kamis, suivis chacun de son propre coskei. Le valet en chef est
costumé à la mode des anciens prêtres kamis de la cour des Mikados, avec bonnet laqué,
grand sabre, pantalon bouffant, et il tient, de la main droite, le classique éventail de bois
de cèdre. Son valet, à son tour, déguisé en,coskei de Kioto, porte un petit tambourin et
un sac destiné à recevoir les dons en nature. Des danses^des chansons comiques, des
pantomimes burlesques, forment les artifices oratoires des deux solliciteurs. Les bouffonneries
du premier valet sont rehaussées par les charges triviales de son adjoint. C’est
ainsi que là sainte collecte s’opère de palais en palais, au milieu des rires et des applaudissements
des nobles familles féodales, dont l’existence politique repose précisément
sur cette religion qu’elles contribuent à ridiculiser.
PRÊTRESSE DO GÜLTE KAMI.
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