
erreur, est demeuré désert. Je ne suis pas même bien sûr qu’il existe encore : le feu a
dévoré quelques centaines de maisons dans cette partie de Yédo ; j ’y distinguai un.petit
nombre .de vieilles toitures confondues parmi des échafaudages fraîchement dressés ; 011
s’empressait de tracer de nouvelles rues sur les cendres des anciennes, et, selon l’usage
du pays, une enceinte de planches dissimulait aux regards les travaux des ouvriers et le
spectacle du désastre qu’ils réparaient.
La légation américaine occupait à proximité, dans l’arrondissement d’Asabou, la
bonzerie de Djemfkousi. Quand je la visitai, il n’en restait debout que le temple, le cam-
panilè .et quelques dépendances. Tout le reste avait été rasé au niveau du sol par un
autre incendie, accompagné de travaux de démolition et de sauvetage dont je pus apprécier
l’ëfficacité, en remarquant, par exemple, que les livres arrachés aux flammes avaient été
mis en sûreté dans l’étang du jardin.
La légation française du Sâikaïdji, située à dix minutes au Nord du Tjoôdji, dans une
admirable position, d’où l’on découvre une grande partie de la ville et de la rade, fut
aussi atteinte par le fléau de l’incendie, en 1860, pendant que M. Du Chesne de Belle-
court y résidait avec l’abbé Girard; mais des secours bien dirigés l’ont préservée d’une
destruction totale.
Le Tosendji, siège de la légation britannique, est la plus belle et la plus vaste des
résidences étrangères. Cette antique bonzerie, propriété du prince Shendaï, fut mise à
la disposition de lord Elgin par le gouvernement du Taïkoun, en 1858. Elle est à un
kilomètre environ au Sud du Tjoôdji, adossée à des collines plantées d’avenues et de bosquets,
où le bambou, le palmier, l’azalée, le saule pleureur, le châtaignier, se marient à
des pins de 50 à 100 pieds de haut (16 à 32 mètres). Mais il n’est, pour ainsi dire, pas un recoin
de cette charmante habitation qui ne rappelle quelque souvenir funèbre. Le pied du
mât de pavillon a été rougi du sang de l’interprète japonais Denkouschki; les abords du
portail, la cour, le .temple, le premier étage de la légation, sont devenus, dans l’attaque
nocturne du 8 juillet 1861, le théâtre d’une affreuse mêlée, qui a laissé cinq morts sur
le carreau et dix-huit blessés; enfin, c’est sur la véranda, du côté du jardin, que tombèrent,
un an plus tard, deux soldats de la marine anglaise, après avoir mortellement
blessé l’un de leurs assassins.
Les agents diplomatiques des puissances qui ont conclu des traités avec le Japon ne
sont point , restés inactifs, on peut le croire, en présence de la situation qui leur ôtait
faite à Yédo. Après mûre délibération sur le parti qu’ils avaient à prendre, ils exigèrent
et obtinrent du Taïkoun qu’il leur garantît la concession d’un emplacement où l’on pût à
la fois réunir toutes les légations, les mettre en état de défense, et assurer leurs communications
avec l’àncragë des vaisseaux de guerre.
Il existait, à l’extrémité méridionale du quartier de Takanawa, sur un groupe de collines
dominant le Tokaïdo, la rade, la batterie d’Odaïwa, un jardin public très-spacieux,
appëlé Goten-yama. On jugea qu’il offrait tous les avantages désirables, ët l’on s’empressa
de. mëttre là hache dans les vergers de pêchèrs en fleur et dans les bosquets de cèdrës,
où; les; bourgeois de la cité: et les petits samouraïs aimaient à venir en famille contem