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progrès, la liberté fussent accueillis sur un point du globe sans conflit, sans effusion de
sang. Et, comme il fallait bien se rendre à l’évidence des faits, c’est-à-dire aux démonstrations
amicales qui avaient accompagné la signature des traités ; comme on ne pouvait
nier les résultats obtenus, savoir: les engagements souscrits sur le papier par les puissances
contractantes, chacun était porté, sans y regarder plus loin, à faire honneur aux
hommes de notre génération de l’exemple inouï qu’ils venaient de donner au monde, en
faisant tomber les barrières de préjugés, de privilèges et de haines séculaires, sans brûler
une amorce, si ce n ’est pour des salves de réjouissances.
L’événement n ’a pas tardé à nous rappeler que nous avions affaire au Japon à la même
humanité qu’en Europe, et à nous convaincre que, dans ce pays comme ailleurs, la marche
du progrès sera marquée par des ruines et s’accomplira au milieu du sang, des
flammes et des larmes-.
Ce n’est pas que tout ait été illusion, tromperie et déception dans les manifestations
qui ont salué le succès des grandes ambassades de 1854 et de 1858.
Que, dans ces occasions, le gouvernement japonais ait cédé, en sauvant les apparences,
à la pression que la diplomatie des principales nations maritimes de l’Occident sut exercer
sur lui à propos de l’issue des deux guerres de la Chine, cela est incontestable,
Néanmoins il est probable qu’il n’a pas obéi.uniquement à la politique de la nécessité.
Je suis tenté de croire que la mission du commodore Perry, tout particulièrement,
appuyée de l’hommage de tant de merveilleux produits des arts mécaniques et industriels,
avait opéré sur le gouvernement japonais l’effet d’uné vision subite, éblouissante, de cette
puissante civilisation occidentale qu’il ne connaissait encore que par information, et au
contact de laquelle l’immense empire chinois menaçait de s’écrouler.
11 semblerait que pendant ce moment d’éblouissement il ait subi cette domination irrésistible
que, dans certaines circonstances favorables, la vérité impose à la raison la plus
prévenue.
N’avons-nous pas, dans l’histoire des révolutions modernes de l'Europe, des témoignages
frappants de cette puissance instantanée qui, pour ne citer que l’exemple le plus
éloigné, a poussé, dans la nuit du 4 août 1789, la noblesse, le clergé et les communes de
la France à faire à l’envi le sacrifice de leurs privilèges spéciaux sur l’autel de la patrie ?
Le lendemain, les passions, les intérêts privés refroidissaient de nouveau les coeurs et
obscurcissaient les intelligences. La réforme sociale, au lieu de s’accomplir par les voies
rationnelles, était livrée aux sombres vicissitudes de la lutte des partis.
Le même phénomène, dans une sphère de faits et d’idées fort différente assurément,
s’est reproduit au Japon.
La période de 1855 à 1863 n’a été qu’une longue et habile réaction contre les traités
de 1854 et de 1858.
Les ports de Nagasaki, d’Hakodate et de Kanagawa devaient s’ouvrir au commerce
étranger le 1" juillet 1859. Ce jour étant venu, le gouvernement japonais fit à ses
nouveaux amis d’Europe et d’Amérique la surprise de leur offrir à la place de Kanagawa
un port expressément créé à leur usage. On l’appelait Yokohama, du nom de
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YOKOHAMA
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