
Plus tard, quand la politique de son gouvernement défendit l’accès du Japon aux Européens,
il ne fallut rien moins que l’invention de la navigation à vapeur pour rétablir des relations
d’amitié et de commerce entre ce pays et l’Occident. C’est, à la présence de l’escadre
à vapeur du commodore Perry dans les eaux de la baie de Yédo,. en 1853 et en 1854, que
se rattachent, en effet, les traités conclus avec le Taïkoun par les États-Unis; la Hollande, la
Kussie, l’Angleterre, la France, le Portugal* la Prusse, la Suisse, et tout récemment
l’Italie, la Belgique et le Danemark.
L’aspect des côtes du Japon, vues de loin, est, en quelque sorte, celui d’une mer pétrifiée
; c’est-à-dire, que les sommités des chitines de montagnes, sauf de rares exceptions,
ne dépassent pas un niveau assez général de 6 à 700 mètres au maximum, et qu elles
offrent l’image d’ondulations semblables à des vagues.
Si l’on approche du rivage, quelques figures distinctes se dessinent peu à peu sur
ce fond uniforme. Tantôt c’est un îlot parfaitement pyramidal, tantôt un cône massif,
en forme de pain de sucre ; ailleurs, des îles rocheuses qui sont comme taillées en lignes
rectangulaires. Il est très-rare de découvrir à l’horizon des courbes sinueuses,. Un petit
nombre d’îles seulement ont des croupes arrondies.
La couleur générale du paysage est dominée par les teintes sombres : on ne voit que
des roches brunes s’élevant à pic au-dessus d’une mer profonde, et supportant des groupes
de pins, de cèdres et d’autres arbres au feuillage toujours vert, ou des îles touffues,
boisées jusqu’à la base, ou d’autres complètement nues et polies comme du marbre, et,
tout à fait exceptionnellement, une plage sablonneuse ou quelques cultures. Ce n’est qu’en
pénétrant dans les baies vastes et profondes, cachées derrière les promontoires et les
îlots déserts, que l’on s^e trouve tout à coup au sein d’une nature cultivée et d’une civilisation
attrayante.
A l’extérieur, le Japon est austère et inhospitalier : semblable à une forteresse de roc,
défendue par une ligne de brisants, le pays lui-même semble vouloir repousser quiconque
tenterait d’y aborder.
Nous avons eu constamment la vue des côtes montagneuses de Kiousiou. Elles sont
bordées d’îlots boisés et de roches basaltiques, dont deux, entre autres, se réunissent en
voûte de manière à former une belle porte marine.
A notre gauche, nous longeons le groupe des îles de Goto. A quatre heures de l’après-
midi nous sommes entre l’île d’ikoutski et celle de Firado, siège dçs premiers établissements
des Hollandais et des Portugais au Japon. Le vent redoublant dè violence, nous
avons hâte d’atteindré'le mouillage de Taské, sur la côte nord-est de Firado. Les deux
pilotes indigènes que le gouverneur de Nagasaki nous a procurés, estiment que Taské
est l’un des plus beaux ports de ces parages. Ils y ont relâché plus d’une fols avec dès
jonques de caboteurs. Ces braves gens sont dignes de toute confiance, car ils répondent
sur leur tête du bon accomplissement de leur mandat. Mais il nous paraît bientôt évident
qu’ils ne sé rendent compte ni du tirant d’eau ni de l’espace dont un gros steamer a besoin
pour ses manoeuvres. L’entrée de ce havre est obstruée par un îlot et par des' écueils ; là
sdnde indique que l’on ne trouvera qu’ayéc peine un endroit propre à y jeter l’ancre.
Enfin, à force de précaution, l’on s’abrite convenablement pour la nuit, en compagnie
d’une trentaine de jonques et en vue du village même, où nous entendons pendant long-
lemps les aboiements des chiens et. le son lointain de voix humaines^ qui appellent et-se
répondent.
C’est à une,heure de marche au sud dè Taské qu’est située la bourgade de-Firado.
L’on y compte une dizaine de mille habitants, qui vivent principalement du commerce de
cabotage et de la pêche de la baleine.
Le canal de Specx, qui tire son nom d’un ancien surintendant de la factorerie hollandaise
de Décima, baigne la côte orientale de l’île de Firado et la côte occidentale
de la terre de Kiousiou, en y comprenant un petit archipel intermédiaire que l’on
appelle le Groupe des quatre-vingt-dix-neuf îles. C’est une route semée d’écueils et
exposée à un courant d’une grande violence dans la direction du nord au midi.
11 n’existe pas au monde de pays plus découpé, plus morcelé, que l’empire insulaire
du Japon. Son développement longitudinal n’est pas moindre de 800 lieues. Aussi un
grand nombre d’îles, le long des terres principales, ne sont-elles indiquées que trèsapproximativement
sur nos cartes marines. D’autres ont été reconnues, mais 011 n’esl
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