
pour traverser un cours d’eau. Hoteï paraît mener une existence quelque peu vagabonde.
On le rencontre assez souvent monté sur le buffle d’un cultivateur de rizières. Tous les
campagnards sont ses amis. Ils le conduisent sur les collines où l’on trouve les plus beaux
ombrages. Qu’il fait bon y rêver en paix et se laisser aller doucement aux charmes du
sommeil ! Parfois une troupe d’enfants s’approche en tapinois pour contempler, puis
taquiner le bienheureux dormeur. Hoteï s’éveille en souriant, prend dans ses bras les
petits lutins, leur conte des histoires, ou leur parle du ciel, de la lune, des étoiles, de toutes
les magnificences de la nature, trésors incomparables dont nul plus que lui n’a le secret
de jouir.
Le dieu des talents, le noble vieillard Tossi-Tokou, ne se montre pas moins accessible
aux petits enfants, et c’est même dès la jeunesse qu’il faut s’approcher de lui. Il inspire
leurs jeux et se plaît, entre autres, à leur enseigner toutes sortes de merveilleux ouvrages
en papier. Rien n’altère la dignité du grave personnage. 11 a pour attributs l’étole, le
manteau, le bonnet et les pantoufles de docteur, ainsi qu’une crosse à laquelle il suspend
quelquefois un rouleau de parchemin manuscrit et son éventail de palmier. Un jeune
daim l’accompagne dans toutes ses pérégrinations.
Risjàmon, le dieu de la gloire, se pare d’un casque et d’une cuirasse d’or et tient de la
main droite une lance ornée de banderoles ; mais il ne figure, en quelque sorte, que pour
mémoire au nombre des sept béatitudes japonaises. Jamais il ne prend place à l’humble
autel domestique, et comment, en effet, serait-il populaire, dans un pays où la gloire ne
peut presque jamais être l’apanage que de gens appartenant à la caste privilégiée !
Les bonzes toutefois l’honorent de leur prédilection. Ils^ e représentent portant sur
la paume de sa main gauche un élégant modèle de pagode. On ne saurait être plus
insinuant envers les nobles personnages qui ont le droit de passer deux sabres à leur
ceinture : construire des pagodes, doter des bonzeries, protéger l’autel aussi bien que le
trône et constamment appuyer l’un par l’autre, tel est évidemment, de l’avis de Bisjamon,.
le meilleur usage qu’ils puissent faire de leurs armes glorieuses.
Enfin la plus remarquable peut-être des sept divinités, et, parmi ces créations populaires,
celle qu’il serait le plus intéressant de dégager de tout alliage clérical, c est une
divinité féminine surchargée d’un double symbolisme, terrestre et astronomique, tel
qu’on le voit se reproduire dans d’autres religions, autour de la sainte image consacrée à
la glorification de la femme. -
Ben-Zaïten-njo, ou tout simplement Benten, est la personnification de la femme, de
la famille, de l’harmonie, et aussi de la mer, cette féconde nourrice du Japon. Elle porte
l’étole sacrée, un manteau d’azur et une coiffure en cheveux rehaussée d’un diadème où
resplendit l’image du Foô, le phénix de l’extrême Orient.
TOSSI-TOKOU.
Je l’ai vue dans un temple de ce quartier japonais de Yokohama auquel elle a donné
son nom, la tète ornée d’une couronne royale et entourée d’une auréole aux couleurs de
l’arc-en-ciel : une clef à la main droite, une perle à la main gauche composaient ses
attributs.
La vaillante femme des Proverbes fait ce qu’elle veut de ses mains : dans certains
temples bouddhistes, Benten n’a pas moins de huit bras, chargés d attributs différents.
Au-dessus de sa tête, à sa droite et à sa gauche, on voit briller trois flammes, dont chacune
encadre trois *perles, emblème de la mystique triade. Benten, sous cette forme, c est le
génie protecteur de la terre nourricière ; c’est la dispensatrice de la féconde rosée du
soir et du matin ; c’est la^reine de tous les biens qui soutiennent et charment 1 existence.
Benten a inventé le luth. Par les belles soirées d’été, un chant céleste, accompagné de
mélodieux accords, descend des roches de basalte au pied desquelles les vagues de la mer