
vont repèlent aux générations qui grandissent : Il n’v a rien de permanent dans ce
monde ; le présent passe comme un songe, et sa fuite ne cause pas le plus léger troublé.
Que cette philosophie populaire du néant ne laisse pas une pleine satisfaction aux besoins
de làme, à est. ce. qui parait évident lorsque l’on considère le développement qunnt pris
en ce pays les manifestations du sentiment religieux ; néanmoins il est bien prohablè
qu’elle agit sans relâche, :comme une force latente dont l’influence se fait sentir dans
une foule de détails de la vie.'
N’est-ce. pas elle, par exemple, qui supprime le confort domestique, résultat des
calculs de la prévoyance, et la chambre commune, le salon de famille, sanctuaire des
souvenirs de l’enfance et des traditions de l’aïeul?
La demeure du Japonais s’approprie à l’heure présente, et ne garde pas de trace des
heures écou lées
Tout ce qu elle a de poétique réside dans ses harmonies immédiates avec le monde
extérieur. Ainsi, dès que la nuit vient, on ferme les châssis, on dispose les chambres
en dortoirs, et l’on allume au fond d’une haute cage de bois, tendue de papier huilé,
une lampe dont l’éclat voilé luira dans les ténèbres, à l’image de la douce clarté dés
luminaires célestes. Mais avec le jour tout ce qui constitue un appareil de dortoir est
enlevé e t serré dans un. réduit. On ouvre de tous côtés les. châssis et l’on balaye d’un
bout à 1 autre I intérieur de la maison. L’air matinal y circule de part en part,, et les
rayons du soleil glissent par larges bandes sur les nattes aussi librement que sur les
guérets. Enfin, pendant les; fortes chaleurs de l’après-midi, on ferme si hermétiquement
la maison, on se barricade, si bien à l’intérieur au moyen de tentures et de paravents,
que Ion se croirait:plongé dans quelque caverne obscure; et il ne sera pas besoin
d ajouter que l’on en fait, pour quelques heures, l’asile du far-niente le plus absolu.
Cette manière de concevoir l’existence, de ne l’envisager qu’au point de vue des apparences
sensibles, de la prendre comme une série d’heures, de journées et d’années
juxtaposées, en un mot, de vivre tout entier sous l’influence du moment, donne à la
jouissance une vivacité naïve, à la souffrance, à la privation, un caractère de fatalité qui
exclut le murmure, et à la mort enfin le cachet de la trivialité.
Ceux qui tirent le profit le plus net de ce mode de vivre, ce sont les enfants. D’abord
il va de soi, pour tout le monde, que l’enfance doit faire son temps. Ensuite, pères et
mères trouvent leur propre agrément à l’observation de cette loi naturelle. Ils l’exploitent
pour leur satisfaction personnelle comme une occasion dè jouissance, un sujet d’amusement
auquel ils s’adonnent de tout leur coeur, ce qui fait admirablement le compte
des enfants. Les voyageurs qui ont écrit que les enfants japonais ne pleurent jamais
ont constaté avec une certaine exagération d’expression un phénomène très-réel. Il
s explique par les circonstances que je viens d’exposer, ainsi que par diverses conditions
extérieures qui en favorisent l’effet.
Le Japonais est mari d’une seule femme. Celle-ci entre très-jeune en ménage, ce
qui peut être un mal à toutes sortes d’égards, sauf au point de vue pédagogique qui nous
occupe. Elle passe, presque sans transition, de la poupée à l’enfant, et conserve longtemps