
asiatiques n’était soumis à aucune entrave. Le prince de Boungo, qui, une quarantaine
d’années auparavant, avait recueilli les aventuriers portugais jetés par la tempête sur les
côtes de sa province, s’était empressé de leur fournir les moyens de retourner à Goa, en
les invitant à lui expédier chaque année un vaisseau chargé de marchandises appropriées
au marché indigène.
Ainsi se fondèrent et se développèrent en toute liberté les relations du Portugal avec
le Japon.
Dans l’un de ses premiers voyages, le vaisseau portugais, au moment de mettre à la
voile pour Goa, donna secrètement asile à un gentilhomme japonais nommé Hansiro,
qui avait commis un homicide.
L’illustre jésuite François-Xavier, tout nouvellement débarqué à Goa, entreprit l’instruction
religieuse du fugitif japonais et lui administra le baptême.
En 1549, une première mission des jésuites s’installait dans l’île de Kiousiou, sous la
direction de saint François-Xavier lui-même et avec l’aide de Hansiro.
Un mouvement de surprise et de sainte terreur saisit d’abord les missionnaires,
lorsqu’ils rencontrèrent au Japon tant d’institutions, de cérémonies et d’objets de culte
presque tout à fait semblables à ceux qu’ils venaient y apporter. Sans prendre garde à
. 1 antiquité du bouddhisme, ils s’écrièrent que cette religion ne pouvait être qu’une contrefaçon
diabolique de la véritable. Église.
Cependant ils ne tardèrent pas à découvrir qu’il y avait moyen de tirer quelque profit
de la circonstance dans l’intérêt de leur propagande. Rien dans la doctrine du bouddhisme
ne ,s oppose à l’admission de Jésus au nombre des bouddhas qni, ,durant la suite des
siècles, sont apparus sur la terre. Il n’y avait pas non plus de difficulté insurmontable à
donner à la Vierge la prééminence sur les reines du ciel de l’ancien Panthéon. En un
mot, le culte dominant fournissait tout au moins d’utiles points de contact et toutes sortes
de-prétextes ou de bonnes occasions pour entrer en matière.
Quoi qu’il en soit, cette première mission eut un succès prodigieux, et ce qui s’est
passé dès lors autorise même à,croire que, grâce au zèle apostolique et à la puissance
de persuasion de saint François-Xavier, il s’opéra dans toutes les.classès de la société
japonaise de nombreuses et sincères conversions au christianisme.
, Quelques hauts dignitaires du bouddhisme en conçurent des inquiétudes pour leur
religion, et portèrent aux pieds du daïri leurs très-humbles remontrances :
« Combien, leur demanda le Mikado, estimez-vous qu’il existe de sectes dans
mes États ?
— Trente-cinq, lui répondirent-ils.instantanément.
— Eh bien, celle-ci fera la trente-sixième, » répliqua le jovial empereur.
Le Siogoun Fidé-Yosi envisagea la question sous un autre point de vue.
Frappé de la circonstance que les missionnaires étrangers s’appliquaient non-seulement
à répandre leurs doctrines parmi le peuple, mais à gagner la faveur des
grands vassaux de l’empire, et que les tendances anarchiques de ces derniers puisaient
un mystérieux aliment dans leurs relations avec ces prêtres, il découvrit que ceux-ci
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• "< JOE , ' * ■ ■ , MB relevaient d’un souverain pontife portant une triple couronne et pouvant à son gré
déposséder les plus grands princes, distribuer à ses favoris les royaumes de l’Europe,
et disposer même des continents nouvellement découverts.,
Il réfléchit que déjà les émissaires de ce redoutable dominateur de l’Occident
s’étaient créé un parti à la cour du Mikado, et avaient fondé une maison dans sa capitale
; que l’ancien Siogoun Nobounanga s’était ouvertement montré leur protecteur et
leur ami, et que dans son propre palais, à lui, Siogoun en charge, il avait lieu de
croire qu’il se tramait de ténébreuses intrigues parmi l’entourage de son jeune fils, héritier
présomptif de son pouvoir.
Fidé-Yosi communiqua ses observations et ses craintes à un serviteur expérimenté
qu'il avait déjà chargé des missions les plus délicates. Le sombre et profond génie de
ce confident, devenu célèbre dans l’histoire du Japon sous le nom d’Iyéyas,, s’appliqua
sans relâche à sonder la gravité du danger. Une ambassade de chrétiens japonais,
dirigée par le P. Valignani, supérieur de Tordre des jésuites, était en route pour
Rome. lyéyas fournit à son maître la preuve que les princes de Boungo, d’Omoura el
d’Arima avaient écrit, à celle occasion, à l’empereur spirituel des chrétiens, le pape
Grégoire XIII, des lettres dans lesquelles ils déclaraient se jeter à ses pieds et