
CHAPITRE XIX
L E S B O N Z E S
L’imagination se représente difficilement que plus d’un tiers de l’espèce humaine
n’ait pas d’autre croyance religieuse que le bouddhisme, ce culte sans Dieu, cette religion
du néant inventée par le désespoir.
On voudrait se persuader que les multitudes rangées sous sa domination ne comprennent
pas la doctrine qu’elles professent, ou se refusent à en admettre les consé--
quences. Les pratiques idolâtres qui se sont implantées sur le tronc du livre de la Bonne Loi
sembleraient en effet témoigner que celui-ci n’a pu ni satisfaire ni étouffer le sentiment
religieux inné dans l’homme et constamment vivace au sein des peuples.
D’un autre côté, l’on ne saurait méconnaître l’influence de la philosophie de l’anéantissement
final, dans un grand nombre de traits de moeurs de la vie japonaise.
L’Irova, comme on l’a vu, enseigne aux enfants des écoles que la vie n’a pas plus de
consistance qu’un songe, et qu’il n ’en reste pas de trace. C’est avec la plus dédaigneuse
indifférence que, parvenu à l’âge mûr, le Japonais sacrifiera sa vie ou celle de son