
Décima serait látete. Alors, en entrant‘dans la râde, on verrait la ville européenne étaler,,
en un vaste demi-cercle, ses élégantes habitations et ses grands magasins en pierre de
taille, à la droite et en avant de la vieille cité japonaise, dont les constructions en bois s’élèvent
en amphithéâtre sur les pentes des collines. Mais il se pourrait que, tôt ou tard,
Nagasaki trouvât une rivale dans quelque autre place de commerce de l’île de Kiousiou, ce
qui serait le cas, par exemple, si le prince de Satsouma ouvrait aux étrangers, comme
il y semble disposé, la capitale de ses provinces, Kagosima, sur la baie de ce nom, à
proximité du passage de Van Diémen.
Cependant le vaisseau de guerre de la marine royale néerlandaise, sur lequel je devais
me rendre à Yokohama étant arrivé, je m’y installai le 19 avril, à onze heures du’soir.
C’était le Vice-Amiral Koopman, corvette à vapeur et à hélice, de 14 canons, commandée
par M. J.-E. Ruys, kapiteih luitenani ter Zee. Celui-ci, pour se diriger sur la baie de
Yédo, avait choisi la voie de la mer intérieure-
Le 20, le Koopman, ayant levé l’ancre à cinq heures du matin, sortit de la baie de
Nagasaki et, dès qu’il fut en pleine mer, mit le cap au nord, pour longer les côtes occidentales
de l’île de Kiousiou.
La traversée de Nagasaki à Yokohama est un voyage de 712 milles nautiques d’Angleterre,
ou 178 lieues géographiques, par la ligne la plus courte, c’est-à-dire par l’Océan,
en naviguant d’abord au sud, puis au nord-est, après avoir passé le détroit de Van Diémen.
La même traversée est un voyage de 740 milles nautiques d’Angleterre , ou 185 lieues
géographiques, par la mer intérieure, où l’on entre en doublant la pointe septentrionale
de Kiousiou et s’engageant à l’est dans le détroit de Van der Capellen.
Il y a donc entre les deux trajets une différence de 28 milles nautiques en faveur de ce
que j’appellerai la ligne extérieure, et il faut ajouter que, sur cette route, on peut naviguer
sans interruption, de nuit comme de jour, tandis que, pour le moment, l’on ne marche
jamais de nuit dans la mer intérieure. Aussi les voiliers donnent-ils la préférence au passage
sud-est, par le détroit de Van Diémen. Ils y sont d’ailleurs moins exposés à rencontrer
des calmes que dans les bassins, souvent profondément encaissés, de la Méditerranée
japonaise. Celle-ci ne saurait donc convenir qu’aux bâtiments à vapeur. Ils y trouvent plus
de sécurité que_dans les mers extérieures, qui sont sujettes, le long des côtes, aux bourrasques
subites^-aux coups de vent de terre et à l’influence parfois considérable des4
courants.
Dans la première journée de notre traversée, l’action du vent du nord se combinant
avec la force du courant d’eau froide qui vient des Kouriles par le détroit de Sangar,
coule de la mer du Japon dans le canal de Corée èt baigne les rives occidentales de
Kiousiou, notre commandant dut faire constamment chauffer à toute vapeur, et souvent
uniquement pour ne pas reculer. Un voilier aurait dû prendre le large et louvoyer jusqu’à
ce qu’il s’élevât un vent favorable.
Les obstacles que présente la navigation sur les côtes occidentales du Japon, contribuèrent,
au treizième siècle, aussi bien que la bravoure des habitants de cet empire, à
le préserver de l’invasion des Mongols.