
étrange monument, dans lequel il était impossible d allier plus de hardiesse à une plus jush
entente des proportions.
Le problème de la pagode d’Hatchiman devait aboutir à une monstruosité architecturale
ou à ce tour de force, parfaitement exécuté, que nous avons sous les yeux. En contemplant
un pareil édifice, l’Européen ne peut se défendre d’un premier mouvement d<
défiance, et je dirai presque de protestation; mais enfin il faut se rendre, et convenir que
1 on est sous 1 empire non-seulement de Tâtonnement, mais de l’impression à la fois imposante
et harmonieuse que produit toute véritable oeuvre d’art.
L ornementation des bâtiments que je viens d’énumérer ne manque pas non plus
de goût et de mesure. Elle s’applique principalement aux frontons des portes et aux
corniches sur lesquelles reposent les toitures. La belle teinte brune des bois de charpente,
qui sont presque les seuls matériaux employés dans ces constructions* est animée
par quelques détails de sculpture peints en rouge ou en vért-dragon. Au reste, il n ’est
pas superflu d’ajouter au tableau son encadrement d’arbres séculaires et l’éclat incom^
parable de son ciel, car le Japon est peut-être le pays du monde où l’atmosphère est de
la plus grande transparence.
Nous visitâmes encore, au delà de la pagode, un campanile abritant une grosse cloche
habilement ciselée et un oratoire dont l’autel portait trois images dorées, une grande
au milieu flanquée de deux petites, toutes trois entourées d’une auréole. Ainsi, bien que
le temple d’Hatchiman soit consacré à un Kami, il est partout visible que des usages religieux
venus de l’Inde y ont supplanté l’ancien culte national.
Nous en eûmes une nouvelle preuve lorsque, sur le point de rebrousser chemin, nous
lûmes sollicités par le frère servant d’aller encore un peu plus loin. Il nous arrêta sous
un arbre chargé d’ex-voto, au pied duquel était un bloc de rocher entouré d’une barrière.
Il nous y fit remarquer une fissure vaginiforme qu’il prétendit être l’oeuvre de la
nature, tandis que je soupçonne le ciseau des bonzes d’avoir pour le moins achevé l’image
confusément ébauchée p a rle hasard. Quoi qu’il en soit, les bons pères paraissent