
avoir'fait une heureuse spéculation en exposant à la vénération des indigènes ce rocher
qui rappelle le linga brahmanique. Les ex-voto seuls témoignent qu’il reçoit les hommages
d’une foule de pèlerins.
Ainsi les Japonais-, sans tomber dans tous les égarements du paganisme, n’ont pas
échappé à la conséquence la plus ridicule d’un système qui tend à diviniser toutes les
forces de la nature. Le peuple le plus spirituel et le plus moqueur de l’extrême Orient
n’en est pas moins un peuple très-superstitieux. Tel bon bourgeois de Yédo, telle dame
élégante de la cour riront sans doute- de l’idole de Kamakoura ; mais, dans certaines circonstances
de famille, ils ne manqueront pas d’aller la visiter, les mains pleines d’offrandes.
Un dernier coup d’oeil jeté du haut de la terrasse, sur l’ensemble des bâtiments sacrés
nous a laissé comme'unregret des temps où tout un peuple pouvait encore se réunir, avec
ses magistrats et les ministres de son culte, dans un acte< commun d’adoration religieuse
et d’enthousiasme patriotique.
Ainsi que les tribus d’Israël à la dédicace du Temple, les peuplades du Nippon et des
îles voisines ont dû remplir autrefois ces parvis, ces avenues, sous les yeux des chefs de
la nation groupés sur l’esplanade du sanctuaire. D’ici le regard plonge jusqu’à la mer,
par-dessus les toitureâ, les ponts, les trois portails espacés dans la grande allée. Que Ton
se représente la foule entourant ces constructions, ces piliers, ces colonnes naturelles formées
par les plantations de cèdres, et tout l’espace de la grande terrasse à la mer
n e' fera q u ’un temple immense, éclatant de couleur et de lumière sous la voûte
du ciel.
Une illusion du même genre se produit lorsque, depuis la mer, on élève la vue sur le
temple principal, au sommet de la haute terrasse. Les effets de perspective de l’avenue,
des trois , toris, des bâtiments lointains, se combinent de telle sorte, qu’en mettant le pied
sur la plage, on croit toucher au seuil d’un prodigieux édifice.
Rien ne pouvait faire une plus brusque diversion au grand caractère de ce tableau,
que le temple vers lequel nous nous dirigeâmes en sortant de l’avenue d’Hatchiman. On
Ta construit, il.est vrai, dans une admirable situation, au sommet d’un promontoire d’où
la vue s’étend sur toute la baie de Kamakoura; mais il est d’autant plus triste de rencontrer,
au sein d’une si belle nature, un prétendu lieu sacré qui ne vous laisse que
l’impression du dégoût. Le sanctuaire principal semble d’abord ne rien offrir de particulièrement
remarquable : d’insignifiantes idoles dorées sont dréssées sur le maître-
autel. Dans une chapelle latérale on distingue l’image du dieu des ricbesses, armé d’un
marteau de mineur. Cependant les bonzes qui nous ont reçus nous font passer derrière
le maître-autel, et là, dans une cage obscure comme une prison et haute comme une
tour, ils allument deux lanternes et les hissent, lentement le long d’une sorte de inàt.
Alors, à la lueur vacillante de ces deux étoiles, perdues dans les ténèbres de la toiture
nous nous apercevons que nous sommes en face d’une énorme idole en bois doré, haute
de 10 à 12 mètres, portant à la main droite un sceptre, à la gauche un lotus, et sur
le front “une tiare composée de trois rangées de têtes figurant des divinités inférieures.
Quant à l’idqle gigantesque, elle appartient à la religion des dieux auxiliaires de la
mythologie bouddhiste, les Amidas, les Quannons, les intercesseurs, qui recueillent les
prières des hommes et les transmettent au ciel.
C’est au moyen de pareilles conceptions religieuses et de telles scènes que les
bonzes frappent d’une terreur, superstitieuse l’imagination de leurs ouailles, et parviennent
à les maintenir sous leur domination, dans un état de perpétuelle imbécillité.
Il paraît que nos hôtes né se bornent pas à-cette seule branche d’exploitation humaine.
Au moment où nous rentrons dans la première salle du temple, l’un d’eux
BATIMENTS EN A II It 1 É It E l)R 1. A PAGODE.
pouésant de côté un châssis, une jeune fille se présente, parée de ses plus beaux atours,
s’incline en nous adressant un sourire forcé, et, tombant à genoux, se prosterne à nos
pieds. En même temps l’ignoble bonze allait d’un ;fir engageant frapper sur l’épaule du
constable, lorsque celui-ci, sur un signe que nous échangeâmes, élevant sa canne à la
hauteur de l’oeil droit et clignant, le gauche d’une façon très-expressive, fit instantanément
reculer son vis-à-vis, avec toute la confrérie.
Nous primes le chemin de la grande statue du Da'iboudhs, qui est, par excellence, la
merveille de Kamakoura.
Le monument dédié au Daïboudhs, c’est-à-dire au grand Bouddha, peut être envisagé