
PR EM IÈ R E S LEÇONS DE COMMERCE. 365
rieuses monnaies japonaises tomba dans la grande poche du monsieur aux 20 millions.
Cette plaisanterie, qui parut non moins excellente que profitable, rencontra de
nombreux imitateurs.
H i Allemand pria très-humblement la douane japonaise de lui changer une somme
de 250 millions de dollars.'Au bout d’une semaine, les caissiers japonais passaient leur
temps, à faire des calculs sur des chiffres qu’on ne rencontre que dans lés traités d’astronomie.
Voici, selon le témoignage du consul anglais Pemberton Hodgson1, le relevé
officiel de la somme portée au registre de la douane pour la seule journée du 2 novembre
: 1,200,666,778,244,601,066,953 dollars!
C’est à la suite de pareils excès que M. Alcock, dans un moment de juste indignation,
publia sa notification du 21 novembre, dans laquelle il conjure les honnêtes gens
de se liguer pour mettre un terme aux outrages qui se commettent à Yokohama contre
la société et contre l’intérêt commun de toutes les nations civilisées. ;
■* Sur ces entrefaites, ‘ le gouvernement japonais, voulant arrêter l’émigration des ko-
bangs, décréta que dorénavant la valeur de cette monnaie d'or serait tarifée au cours de
12 itzibous ou 4 dollars par kobang. Comme bette mesure imprévue offrait un nouvel
appât à la spéculation, les kobangs ne tardèrent pas à refluer aux bureaux de change
japonais jusqu’à leur créer de sérieux embarras. Les importateurs, en particulier, lorsqu’ils
avaient affaire à la douane pour l’acquit de leurs marchandises, ne manquaient
pas d’effectuer leurs payements en kobangs au taux du jour, ce qui équivalait à une
énorme réduction de droits au détriment du trésor.
Ainsi, de quelque manière qu’il s’y prît, le gouvernement se voyait à -la merci
des calculateurs étrangers. Un incendie qui ravagea le palais du Taïkoun, lui fpurnit
enfin un prétexte pour couper court à toutes les opérations de change. Après avoir déclaré
qu’il ne pouvait plus s’occuper que des réparations et des dépenses occasionnées
par ce sinistre, il ferma définitivement ses bureaux.
La haute école commerciale inaugurée au Japon par les résidents de Yokohama ne
tarda pas à porter ses fruits.
Le gouvernement du Taïkoun se mil à spéculer sur ses propres sujets.™! avait été
convenu qu’au bout d’une année à dater de l’ouverture des nouveaux ports, le dollar
serait reçu dans tout le Japon au taux de 3 itzibous. Le gouvernement maintint à l’égard
de ses ressortissants le cours de 2 à 2 1/2 itzibous pour le change de leurs dollars, qu’il
faisait ensuite frapper de manière à obtenir 3 itzibous de chaque dollar et à réaliser ainsi
un lucre de 60 à 100 itzibous par centaine de piastres. Les Japonais de leur côté trouvèrent
tout simple de se récupérer de cette perle au change en-élevant dans la même
proportion le prix des marchandises qu’ils devaient fournir aux Européens.
Les légations, à leur tour, oublièrent la prudence dont elles avaient, fait preuve en
s’abstenant de tremper dans les spéculations de kobangs. Elles ne surent pas résister à
l’appât d’ un privilège qui leur fut réservé par le gouvernement du Taïkoun, et qui leur
1 A residence ai Nagasaki and Hakodate in 1859-1860.