
quelques-unes des résidences seigneuriales du Japon méritent de figurer parmi les
monuments remarquables de l’architecture des peuples de l’Asie orientale.
Après le ^boucher du soleil, la brise étant tombée, nous avons eu la plus charmante
soirée de notre voyage : clair de lune, ciel pur, mer unie, parfois légèrement ridée
par les courants ou troublée par les sauts de quelque gros poisson.
Nous mouillons dans une anse de l’île de Souzousima, à la pointe méridionale de
la province de Bitsiou et à l’entrée du bassin d’Arima. Nous sommes dans une enceinte
de montagnes, au pied desquelles on voit briller çà et là les lumières des habitations.
Le calme général n’eét interrompu que par les aboiements lointains des chiensv, de
garde. L’air est d’une grande sérénité, et la soirée se passe en longues causeries sur
la dunette.
Le lendemain, 24 avril, de grand matin, nous sillonnons les eaux paisibles de l’Ari-
manada. Ce bassin est presque complètement fermé, à l’est, par une seule île, qui
le sépare de l’Idsouminada sur 30 milles de longueur. Elle a la d’un triangle,
dont le sommet, tourné vers le nord, fait face à la province d’Arima, sur Nippon.
C’est la belle île d’Awadsi, qui fut la demeure des dieux et le berceau de la mythologie
nationale des Japonais. Les terres basses que l’on remarque à son extrémité
septentrionale sont recouvertes d’une luxuriante végétation, et, dans la direction du
midi, le sol s’élève insensiblement en collines cultivées ou boisées, jusqu’aux larges
contre-forts d’un massif ou plutôt d’une véritable chaîne de montagnes, hautes de 3 à
700 mètres.
Awadsi appartient au prince ¿l’Awa, qui a un revenu annuel de 4 millions de francs.
Elle présente, dans sa partie méridionale, une large base qui s’étend entre la province
d’Awa, sur Sikoff, et celle de Ksiou, sur Nippon. Elle est séparée de l’île de Sikoff,
à l’ouest, par le passage de Naruto, et de l’île de Nippon, à l’est, par le détlnoit dé
Linschoten.
La plupart des navires à vapeur qui font, de l’ouest à l’est, la traversée de là Méditerranée
japonaise, passent du bassin d’Arima dans celui d’Idsoumi, où ils touchent
ordinairement à l’importante ville de commerce de Hiogo; et c’est de là qu’ils entrent
dans le Grand Océan, par le détroit de Linschoten.
Le passage de Naruto, qui conduit directement du bassin d’Arima dans le Grand
Océan, est plus court que le premier; cependant il est beaucoup moins fréquenté, parce
qu’on le considère comme un chenal dangereux pour les bâtiments de haut bord.
M. Buys avait pris la détermination de le reconnaître et de le franchir. Longeant
l’île d’Awadsi à bâbord, nous en vîmes les côtes se rapprocher de plus en plus de nous,
à mesure que nous descendions vers l’angle sud-ouest de èette terre triangulaire. En
même temps surgissait à l’horizon, sur notre droite, un promontoire de l’île de Sikoff qui
semblait s’allonger toujours davantage dans la direction d’Awadsi. Bientôt nous nous
engageâmes dans une passe d’où nous pouvions voir aussi distinctement la belle végétation
de la côte de Sikoff que celle non moins luxuriante de la côte d’Awadsi. Enfin nous
eûmes sous les yeux les portes du détroit : à notre gauche, des rochers surmontés de pins,
en avant de l’île d’Awadsi; à notre droite, un rocher ou îlot isolé, supportant aussi quelques
pins, en avant de Sikoff. Entre deux, la mer présentait l’aspect d’une barre de brisants';
cependant le temps était calme; au loin, l’Océan onduleux n’avait pas un *flot d’écume:
l’agitation de ses vagues dans la passe provenait donc uniquement de la violence du courant.
Quoique l’on eût suspendu l’action de la vapeur, nous fûmes en un instant au delà
de la barre. Tout autour de nous, sur les vagues et au pied des rochers, des milliers d’oiseaux
de mer, poussant des cris, volaient et plongeaient pour saisir la proie que leur
jetait sans cesse l’eau remuée jusqu’au fond par le choc et le remou du courant. Plusieurs
bateaux de pêcheurs se tenaient aussi à l’affût, non pas toutefois! sur le canal, c’eût été
chose impossible, mais derrière les rochers, dans les criques, et jusque sur les graviers de
la petite île isolée et de la terre de Sikoff.
OISEAUX DO JAPON.
On évalue à 800 mètres,. d’u n e '‘côte à l’autre, la largeur du passage de Naruto,
sur une étendue en longueur de 2 ou 3 kilomètres.
Au-dessous d’Awadsi, les eaux réunies des deux détroits de Naruto et de Linschoten
forment le canal de Kino, qui baigne les rives de la province d’Awa, sur Sikoff, et de
la province de Ksiou, sur Nippon. Nous voguâmes quelque temps encore en vue de
cette dernière; puis la terre disparut à nos yeux, et bientôt, à l’ampleur du mouvement
des ondes, nous pûmes nous apercevoir que nous étions sur la mer extérieure,
dans l’immense domaine du Grand Océan.
Pendant toute la soirée, je ne fus occupé que des souvenirs de ma traversée. .1 aimais
à me rappeler les pittoresques environs de Nagasaki, ces vallées ombragées, animées
du bruit des torrents, ces échappées de vue sur des bras de mer semblables à. des
lacs, cette infinie douceur du caractère des campagnes .de Kiousiou; et je ne trouvais