
LE BOUDDHISME AU JAPON. 257
première épouse, qu’il a empoisonnée pour faire place à la jeune femme qui était alors sa
maîtresse.
Ailleurs, sur le sentier qui longe la rivière, au centre du grand marais, le voyageur
attardé voit surgir deux pâles fantômes : c’est une jeune mère serrant son enfant dans ses
bras; l’abandon et la misère ont poussé la malheureuse à commettre un double crime.
Passant, va dire que chaque soir les deux victimes sortent des eaux profondes et se dressent
en accusatrices contre le véritable auteur de leur mort !
Il existe même certaines solitudes, jonchées de décombres ensevelis sous les ronces
et les plantes vénéneuses, où viennent errer non-seulement des âmes en peine, mais de
hideux démons. Une légende uniforme s’attache à ces lieux sinistres. C’est là que s’élevait
le castel d un dynaste féodal dont la vie fut un tissu de violences et de cruautés. Enfin il a
été surpris dans son repaire, et la vengeance des familles outragées s’est assouvie dans
le sang et les flammes. La nuit il revient; il se rappelle comment il fut frappé, au
moment de mettre la main à la garde de son épée; et, sur la plaqe même où il tomba, il
reste, glacé d horreur, exposé sans défense aux imprécations de ses victimes et aux ricanements
infernaux.
Les histoires de revenants, les contes effrayants, les livres illustrés d’estampes représentant
1 enfer ou des apparitions de démons, se sont multipliés au Japon avec une telle
profusion, que 1 imagination populaire en ë's$ véritablement obsédée. Le patron de» cette
littérature, selon la mythologie nationale, c’est Tengou, le dieu des songes, génie ailé,
burlesque, coiffé d’un éteignoir, armé d’une crosse d’or. Il conduit la sarabande nocturne
de tous les objets, profanes ou sacrés, qui peuvent occuper les rêveries de l’homme. Même
1 asile de la mort obéit à son appel brutal. Les candélabres inclinent en cadence leur tête
percée de trous lumineux. Les tortues de pierre qui supportent les épitaphes emboîtent
le pas lourdement; et les squelettes grimaçants, drapés dans leur linceul, se joignent à
la ronde fantastique, en agitant autour d’eux, par mesure de prudence, le goupillon de
papier qui chasse les mauvais esprits.
DU BOUDDHISME.