
de figures et de flammes symboliques qui se rapportent probablement au culte du Soleil.
On attribue à ces cinq instruments un caractère sacré. Il fut ùn temps où la grande
divinité qui éclaire le monde, ne pouvant plus supporter le spectacle de la barbarie des
hommes, se retira dans les cavernes de la mer. On parvint à la rappeler aux sons d’un
concert de flûtes, de conques, de timbales et de gongs : avec l'invention de la musique
les ténèbres disparurent de la face de la terre. *
C’est dans les fêtes de la religion nationale que le goût musical et dramatique du
peuple japonais a trouvé son aliment lé plus sain, le plus substantiel.
Le culte'Kami est extraordinairement sobre de dogmes. Il se résume dans la croyance
que les dieux qui ont créé le Japon continuent de prendre intérêt à leur oeuvre, et que les
héros, auxquels l’empire a dû sa puissance, habitent le séjour des dieux et y remplissenl
auprès de ceux-ci un rôle d’intercession en faveur de leur patrie. Il importe donc d’ho-
norer les Kamis ; mais, pour leur être agréable, il faut s’approcher d’eux dans un étal de
pureté, célébrer dignement les fêtes consacrées à leur mémoire, et visiter les lieux qu’ils
ont illustrés par leur naissance ou leurs exploits.
L’accomplissement de ces courtes prescriptions ne rencontrait aucune difficulté sérieuse.
Quelques règles de conduite, en deux ou trois articles, fournissaient à tout fidèle
le moyen de s’assurer par lui-même s’il se trouvait dans les conditions de pureté requise,
ou d’aviser à la purification dont il pouvait avoir besoin.
11 n’était astreint à d’autres devoirs religieux qu’à entretenir soigneusement chez lui
les deux éléments purificateurs, l’eau et le feu ; à témoigner sur sa personne, par des ablutions
journalières, des bonnes dispositions de son àme, et à ne présenter au temple ou au
Kami domestique que des offrandes d’unë fraîcheur incontestable.
On devenait impur par des relations coupables, par la mort de parents consanguins,
par l’attouchement d’un cadavre ; ou en répandant dû sang, en se souillant de sang, et en
mangeant de la chair d’animaux domestiques.
Pour sortir de cet état, il fallait se soumettre aux formalités de l’expiation pendant un
temps plus ou moins prolongé, selon la gravité dii cas. Elles consistaient, pour les
hommes, à se laisser croître la barbe et les cheveux, et à se couvrir la tête d’un vulgaire
chapeau de paille ; pour %s femmes, à se coiffer d’un mouchoir d’étoffe blanche ; pour les
uns et les autres, à s’enfermer dans leurs appartements oju à entrepréndre un pèlerinage, et
à s’abstenir de certains mets et de toute distraction bruyante.
La réintégration du pénitent dans le cerple de sa famille et de ses amis était l’occasion
de grandes réjouissances, accompagnées d’une purification générale de sa demeure par le»
sel et par l’eau, sans préjudice d’un grand feu allumé dans la cour.
Les fêtes anniversaires instituées en l’honneur des principaux Kamis du Japon ne
comportent pas d’autres rites sacrés que des cérémonies de purification, et encore celles-
ci n ’y furent-elles introduites que vers la fin du huitième siècle.
La veille de la grande solennité, les prêtres se rendent en procession, à la lueur des
flambeaux, au temple où l’on garde dans une châsse précieuse, appelée Mikosi, les
armes êt divers autres objets qui ont appartenu au héros divinisé. Le Mikosi représente,
selon la fiction cléricale, l’habitation terrestre du Kami, le trône qu’on lui conserve dans
sa patrie. Mais, chaque année, on doit le soumettre à une purification radicale. On
dépouille donc la châsse de ses reliques et on la porte à la rivière. Tandis qu’un certain
nombre de prêtres la lavent avçc soin, d’autres allument de grands feux pour écarter les
génies malfaisants, et la Kagoura, le choeur sacré, apaise par ses instruments et ses
chants l’esprit du Kami, qui est momentanément privé de sa résidence terrestre. Cependant
on ne tarde pas à la lui rendre, ce qui s’exprime en réintégrant solennellement
dans la châsse les reliques jusqu’alors exposées dans le cortège. Seulement, comme le
temple lui-même doit être aussi purifié, le Mikosi n’y rentre qu’après cette opération, et
pendant toute la fête, qui dure plusieurs jours, il reste abrité sous un reposoir spécialement
construit à cette intention et dûment protégé contre les malins esprits : s’ils
essayaient, en effet, de franchir les cordes de paille de riz qui entourent l’enceinte sacrée
ils s’exposeraient à recevoir des ondées d’eau bénite bouillante, dont on asperge de temps
en temps la demeure du Kami, et malheur à ceux qui voltigeraient dans les airs à portée
de sa garde d’honneur, car les prêtres qui la composent sont d’agiles cavaliers et d’habiles
archers ; le peuple applaudit à leurs évolutions et suit des yeux avec admiration les flèches
qu’ils lancent dans les nues et qui toutes retombent dans l’intérieur de l’enceinte.