
est remplacé par une somptueuse robe de chambre, fixée sur sa poitrine au moyen de
cordons de soie entrelacés avec grâce. Enfin une paire de chaussettes blanches faisant l’office
de pantoufles complète son costume, et, après s’être lavé la figure et les mains dans
une aiguière parfumée, il prend majestueusement le chemin du salon où la. collation est
dressée. C’est ordinairement dans un corps de bâtiment reculé, mais communiquant
avec le premier par de longues galeries qui traversent ou dominent une partie du
jardin.
11 est de règle que des maisons de ce rang entretiennent un personnel assez nombreux
SUR LE TROTTOIR DE LA ROUTES DU «ORD.
pour subvenir par leurs propres ressources à tous les divertissements que les fils de lamille
aiment à y rencontrer. Elles jugeraient, par exemple, au-dessous de leur dignité de recourir
aux services des chanteuses, des joueuses de guitare et des danseuses de profession.
C’est aux restaurants inférieurs et à d’autres lieux publics que l’on abandonne la
faculté de les engager, soit pour la nuit, soit simplement à l’heure.
Ces femmes, de leur côté., ne mettent jamais le pied d an s de pareils établissements
sans qu’on les y appelle •d’une manière expresse, A cet égard, aussi bien que par 1 honnêteté
de leurs moeurs, elles se distinguent des musiciennes de rue et des danseuses de
foire. La loi ne leur permet pas de se rendre chez des particuliers. .On ne peut les inviler
à se produire ailleurs que dans les endroits soumis à la surveillance de la police. Les
théâtres sont compris dans cette catégorie. Elles y paraissent, à la demande des troupes
de comédiens, pour figurer dans les ballets ou pour égayer le foyer.
Les autres maisons de thé, que j ’ai signalées avec celles de l’aristocratie, comptent
aussi parmi les plus notables. Elles se font une clientèle choisie de fonctionnaires
émérites, d’officiers sans ambition ou de négociants satisfaits, gens paisibles, très-
exclusifs mais fort appréciés, auxquels il ne faut, pendant le jour, que 1 ombre, la
fraîcheur, la retraite et le silence, et, dans les heures de la veillée, les tranquilles
DANS LE VOISINAGB DBS THÉÂTRES.
causeries de la véranda, en face des bosquets et de l’étang du jardin. Il n ’est pas rare
que l’hôtesse ou quelqu’une de ses jeunes sommelières soit invitée à se mêler à la
conversation. Les femmes de cette classe sont réputées pour leur esprit de repartie. Gracieuses
et modestes envers les hommes de bonne société, elles bravent avec la même aisance
les propos de caserne des yakounines. Ce n’est nullement de leur part un acte d’effronterie
: il ne faut y voir qu’un effet de l’éducation nationale, qui permet aux deux sexes,
indifféremment, de parler de tout, sans la moindre périphrase et sans se gêner de personne,
pas même des enfants. Cette excessive liberté de langage est commune aux Japonaises
de toute condition ; aussi ne doit-on point la confondre avec la licence des moeurs,