
Dans les quatre dernières, celles des couples de dieux et de déesses, il y a coexistence
des deux principes, mâle et femelle, mais ils n’arrkeronl à la conscience d’eux-
mcmes que chez Izanaghi et Izanami, à la septième et dernière génération.
L ère des dieux célestes, qui commence à Kouni-toko-tatsi et qui expire à Izanaghi
et Izanami, comprend une durée incommensurable de millions et de millions d’années.
Le mythe d’Izanaghi et d’Izanami se rapporte à la création de la terre habitable, à
commencer par la création de l’empire du Japon.
Un jour que le dieu et la déesse conversaient ensemble, penchés sur le pont du ciel,
us en vinrent à parler de la possibilité de l’existence d’un monde inférieur.
Pour s’en assurer : « Cherchons, » dit Izanaghi à sa compagne, « s’il ne se trouverait
point quelque monde submergé dans les eaux qui sont au-dessous de nous ; » et il y
plongea la pointe de diamant de son céleste javelot, agita le javelot dans toutes les
directions; puis, l’ayant retiré, il tomba de la pointe de diamant des gouttes d’eau salée
qui, s étant condensées dans leur chute, formèrent l’île que l’on appelle Onokoro-sima.
1 ous deux étant descendus sur cette; île, résolurent d’en faire la colonne centrale
d un grand archipel, qu’ils créeraient de commun accord.
C’est ici la manière en laquelle ils procédèrent à cette première union de leur puissance
créatrice :
L un se dirigeant à gauche, et l’autre à droite, ils firent le tour de l’île. Lorsqu’ils se
rencontrèrent, la déesse transportée de joie s’écria : « Oh ! que je suis heureuse de vous
revoir, mon cher et aimable époux ! » Mais le dieu, choqué d’avoir été prévenu, répondit
: « Ma qualité de mari me donne le droit de parler le premier; pourquoi l’usurpez-,
vous? Une pareille précipitation est de mauvais augure. Pour en conjurer les-fâcheuses
conséquences, il faut recofnmencer. »
Cette seconde fois, le dieu parla le premier, et s’écria dès qu’il eut de nouveau rencontré
la déesse : « Oh ! que je suis heureux de vous revoir, ma chère et aimable épouse L»
A partir de ce moment, plus rien n’interrompit leur oeuvre créatrice, qui s’accomplit
comme suit :
Izanaghi fit sortir du sein des eaux, en premier lieu, l’île d’écume terrestre, Awadsi ;
puis la montagneuse Oho-Yamato, riche en fruits d’automne et en beaux ports ; puis
lyo, avec ses charmants paysages de Sanouki, Awa et Tosa ; puis Tsikousi, l’île pentagonale:
Iki, lu n e des colonnes du ciel ; Tsousima, aux ports excellents; Oki, avec ses
trois îlots; et la célèbre Sado, pleine d’or et de cuivre : lesquelles, toutes ensemble,
constituent l’empire des huit grandes îles. Ensuite surgirent les îles inférieures de Kibi,
Adsouki, Oho-sima, Himé-sima, Tsikano-sima. et Foutagono-sima, qui furent pareillement
des créations d’Izanaghi.
Quant aux autres petites îles qui, :en dehors de celles-ci, sont répandues çà et là sur
1 Océan, elles ont été formées plus tard de l’écume de la mer et du limon des rivières.
Or, comme le pays créé était encore désert et inhabitable, Izanaghi évoqua à la vie
huit millions de génies, qui s’abattirent tous à la fois sur l’archipel et y produisirent
incontinent une abondante végétation.
En outre, Izanaghi créa les dix mille choses desquelles est sortie l’innombrable
quantité d’objets qui existent, jjjg
De son côté, la déesse Izanami créa les génies des mines, de l’eau, des plantes
aquatiques, de la terre végétale, et du feu.
Jusqu’alors les êtres divins s’étaient produits dans l’univers par création spontanée,
et non par voie de génération. Izanaghi et Izanami, rendus attentifs aux amours dfe
l’oiseau Isi-Tataki (motacilla lugubris), furent les premiers qui engendrèrent des enfants.
Ils en eurent un grand nombre ; l’aîné et le plus excellent fût le fondateur des cinq
dynasties des dieux terrestres.
. C’est donc d’Izanaghi et d’Izanami que descendent en ligne directe les habitants de
la terre.
On possède diverses biographies des enfants de ce premier couple. L’un d’eux,
Hirooko, fut exposé sur la mer dans une corbeille de joncs, à cause de sa laideur; un
autre, Sosano, • banni pour sa cruauté. Izanami disparut en donnant naissance au génie
du feu. Izanaghi, inconsolable, descendit dans les régions infernales, à la recherche de
sa chère compagne. Il y fut très-mal accueilli, et n’échappa qu’à force de prodiges au
danger d’y être retenu captif.
Izanaghi lui-même quitta ce monde, eÇjjon départ met fin au règne des dieux célestes.
Le premier des enfants d’Izanaghi et d’Izanami devint le chef suprême de toutes
leurs oeuvres créatrices. C’était leur fille aînée, le grand et divin soleil, Oho-Hirou-Mé-
Moutsi, appelé aussi le grand génie qui brille au ciel, Ama-térasou-oho-kami. Cette
divinité est adorée dans tout l’empire du Japon et respectée même par les sectes rationalistes,
sous le nom populaire de Ten-sjoo-daï-zin, la grande déesse impériale, héritière
de la génération céleste. Comme c’est le seul des enfants d’Izanaghi et d’Izanami qui
ait laissé de la postérité, tous les Japonais, et spécialement leurs empereurs héréditaires,
les Mikados, ne manquent pas de faire remonter leur origine en ligne directe à la déesse
du soleil.
Après quelque cent mille ans de règne, Ten-sjoo-daï-zin eut pour strçcesseur son tils
aîné, et avec l’arrière-petit-fils de ce dernier s’éteint la génération des dieux de la terre.
Le cinquième et dernier des dieux terrestres avait laissé quatre fils. Ce fut le cadet
qui monta sur le trône. Il portait dans sa jeunesse le nom de Sanno-no-Mikoto, seigneur
d’un étroit territoire. A l’âge de quarante-rcinq ans, il partit pour aller à la conquête des
pays situés à l’est de ses domaines. Les ayant en effet soumis à sa domination, il réunit
en un seul empire toutes les îles du Japon connues à cette époque, et fonda la dynastie
des Mikados.
On lui a donné après sa mort le nom de Zinmou-ten-woo, le dominateur glorifié au
ciel ; et c’est sous cette qualification qu’on lui rend les honneurs divins.
Zinmou, le premier dominateur des hommes, Ouvre l’ère historique du Japon, qui
commence à son avènement au trône, l’an 660 avant Jésus-Christ.
Telle est la cosmogonie japonaise, réduite à sa plus simple expression, dépouillée
d’une foule de rameaux exotiques importés de l’Inde ou de la Chine ; et encore est-elle
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