
maritimes plus ou moins graves, ne laisse plus à la navigation qu’un chenal de 6 milles
de large. Mais bientôt on entre dans la baie de \é d o proprement dite, et celle-ci se
développe du Sud-Ouest au Nord-Est en s’élargissant graduellement sur une étendue
d’environ 30 milles, jusqu’à l’endroit où ses eaux baignent les murs de l’immense cité.
C’est là qu’elle se termine en décrivant un arc de cercle de 22 milles de diamètre, de
l’Ouest à l’Est.
Vers les onze heures du matin, le Koopman ralentit sa marche, et,- comme ce jour
était un dimanche, la cloche appela l’équipage au service divin. Chacun descendit dans
l’entre-pont de l’avant et prit place sur des bancs disposés à quelque distance d’une table
recouverte du pavillon hollandais. L’officier de quart y déposa une grosse Bible, s’assit
sur un pliant et fit lecture de l’évangile du jour, au chapitre xm des Actes des . Apôtres.
11 y joignit quelques exhortations tirées des Méditations bibliques dç M. Napoléon Roussel ;
puis, se levant, ainsi que toute»- l’assistance, il prononça l’Oraison dominicale, et le
commandant de la corvette congédia l’assemblée.
J ’avoue que le culte divin célébré à bord ne m’a jamais laissé-indifférent. En mer,
comme sur les montagnes, l’imperfection des formes d’un service religieux devient une
chose fort insignifiante en présence de la majesté du temple de la nature. Ici les rites les
plus simples sont encore les meilleurs.
Aux impressions que j’emportais en reprenant mon poste d’observation sur la dunette,
vint s’ajouter instantanément l’aspect d une scène sublime.
Parvenus à la hauteur de la baie du Mississipi, nous découvrîmes pour la première
fois le sommet du Fousi-yama, la «Montagne sans pareille », volcan éteint, qui s’élève
à ! 12,450 pieds au-dessus de la mer. Il est à 50 milles nautiques de la côte, à l’occident
dé la baie. Sauf la chaîne des collines d’Akoni, qui sont à sa base, il apparaît complètement
isôlé. >
L’effet de cette immense pyramide solitaire, couverte de neiges éternelles, défie toute
déscription. Elle donne un caractère de solennité inexprimable aux paysages de la baie de
Yédo. Ils ont d’ailleurs quelque chose de plus austère que ceux du golfe, en raison de la
plus grande proximité des rives, de la teinte quelque peu sablonneuse des eaux de la
mer et de la quantité de cèdres, de pins et d’autres arbres au sombre feuillage qui couronnent
la crête de toutes les collines de la côte.
Enfin nous doublons la pointe du Traité, promontoire à l’aspect pittoresque, où fut
signée la convention conclue entre le commodore Perry et les commissaires du Taikoun;
et tout à coup, derrière ce promontoire, nous découvrons les quais et la ville de Yokohama,
s’étendant sur une longue plage marécageuse, bordée au Sud et à l’Ouest par une
enceinte de collines boisées.
Une vingtaine de bâtiments de guerre et de vaisseaux marchands anglais, hollandais,
français et américains, sont en pleine rade, à peu près en face du quartier franc, que
l’on reconnaît à ses maisons blanches et à ses pavillons consulaires. Des jonques indigènes
reposent à l’ancre à quelque distance des jetées du port et des magasins de la douane.
Nous les dépassons lentement, à petite vapeur, et nous longeons la ville japonaise, dont
toutes les maisons, excepté un certain nombre de magasins, sont construites e/i bois et
paraissent n’avoir qu’un étage au-dessus du rez-de-chaussée.
Lorsque nous fûmes en face du quartier de Benten, situé à l’extrémité de la plage de
Yokohama et à l’embouchure d’une large rivière, notre corvette fit choix d’un mouillage à
proximité de la Légation hollandaise.
C’était alors l’unique résidence européenne établie dans cette partie de la ville
indigène. J’y débarquai le lendemain matin, et mon excellent hôte, M. de Polsbroek,
consul général des Pays-Bas, m’y installa dans le corps de logis qu il occupait lui—
mêmé.