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sur la chaussée d’Akabané, tombe sous le fer d’une bande de conjurés dont la vue
seule a fait fuir son escorte de yakounines. Quant au ministre Ando, il ne sort que de
jour, bien accompagné, l’oeil au guet, et la main sur la poignée de son sabre, tout
préparé à sa droite, au fond de son norimon. Aussi, à l’instant même où les conjurés
se montrent, il est dehors et debout, excitant ses gens à faire bonne contenance, et leur
donnant lui-même l’exemple de la bravoure. Les assaillants se dispersent, laissant sur
le terrain leurs morts et leurs blessés.*Dès ce moment le débat était clos, la querelle
vidée, l’opinion publique satisfaite, et la famille d’Oribé n’aVait plus qu’à se tenir coi,
ce qu’elle n’a pas manqué de faire.
Le suicide prescrit d’office remplace la condamnation à 1§,. peine capitale que peut
encourir un noble japonais, soit de la part de ses pairs quand il a forfait à l’honn.eur
de sa caste, soit par ordre du Taïkoun quand il s’agit du crime de haute trahison. La
procédure, le jugement, l’exécution de la sentence, sont entourés d’une grande solennité.
On dresse pour la circonstance, dans quelque retraite de la citadelle, une vaste toiture
de planches, soutenue par quatre piliers, et l’on entoure cet abri d’une cloison de
bambou, revêtue, à l’intérieur, de tentures en étoffe de soie blanche. Des hommes
d’armes font bonne garde autour de l’enceinte. Aux deux extrémités de celle-ci, une
porte donne accès à l’accusé, accompagné de deux amis ou témoins, de son choix, et de
ses défenseurs juridiques ; et l’autre, à ses accusateurs et à ses juges. L’accusé, vêtu de
blanc, ainsi que ses témoins, s’accroupit au milieu d’eux, sur un tapis blanc bordé de
rouge, en face de ses accusateurs, qui prennent place sur des pliants. Les juges s’accroupissent
à leur gauche et à leur droite. Les défenseurs se tiennent debout, à une
respectueuse distance. Les uns et les autres sont en costume de cérémonie. Seul, un
personnage debout derrière l’accusé garde une tenue militaire et le grand sabre passé à
sa ceinture. 11 a reçu l’ordre de trancher la tête à l’accusé, si celui-ci, aussitôt la condamnation
prononcée, hésitait à mettre fin lui-même à ses jours.
L’instrument du supplice est jusqu’au moment fatal dissimulé derrière un paravent ;
c’est un long couteau à lame effilée, muni d’un manche à forte poignée. Chaque
samouraï apprend, dès sa jeunesse, quelle est au juste la place où il faut plonger cette
lame tout entière pour recevoir le coup mortel et perdre connaissance presque instantanément.
A côté du guéridon qui supporte l’instrument, sont rangés une coupe de sàki,
posée sur un autre plateau, un seau tout rempli d’eau, et un grand baquet vide, que l’on
glisse sous la victime au moment où elle tombe la face contre terre. Lorsque la cause a
été régulièrement débattue, le jury se retire derrière un paravent pour prononcer son arrêt;
et dès qu’il rentre en cour, l’accusé se prosterne pour entendre la lecture de la sentence.
On assure qu’il est extrêmement rare qu’un samouraï condamné au suicide témoigne
la moindre faiblesse dans l’accomplissement du hara-kiri.
Il arrive quelquefois que la peine capitale est commuée en bannissement. On
conduit alors le condamné dans l’une des îles de déportation, Sado, Oki, Isoü, Fàtsisio.
■La principale est Fatsisio, la plus éloignée des îles que les Japonais possèdent vers le Sud,
à peu près sous le méridien de Yédo.