
inatsouri de mai, ou Fête des Bannières, on fait flotter en l’air un gros poisson de papier,
fixé à l’extrémité d’un bambou, sur la toiture de chaque maison où il est né un garçon
dans l’intervalle des douze mois écoulés.
Citons encore, parmi les articles de la foire du nouvel an, des oeufs teints comme
les oeufs de Pâques, des arcs et des flèches dans des carquois ornés de rameaux de sapin ;
de petites poupées fort jolies, représentant un bourgeois en costume de fête, cheminant
sous un parasol, avec une bourgeoise à tète de renard, ou un paysan portant la faucille
pt la hotte, suspendu à une baguette de bambou. Une catégorie toute spéciale d’industriels,
les valets de bonzeries, la figure couverte du masque de Tengou, offrent des papiers
bénits aux ménages qui peuvent encore avoir besoin de ce précieux talisman, pour
l’appliquer aux linteaux de leurs demeures. Ce grotesque déguisement, qui leur assure
les sympathies de la jeunesse, forme la base essentielle du succès de leur collecte.
Presque tous les travestissements en vpgue dans cette heureuse journée n’ont pas
d’autre but que d’amuser les enfants. Eux-memes s’affublent d un bonnet de papier
semblable à la coiffure de cérémonie des grands daïmios; ils se chamarrent dé brillants
écussons, et montent fièrement à cheval sur le dos d'un frère complaisant, tandis qu’un
autre membre adulte de la famille galope devant eux, sous le costume pittoresque d’un
Tartare sonnant du clairon ; l’instrument est un chef-d’oeuvre de l’industrie des pailles,
et le coursier, une carcasse de carton sur les flancs de laquelle on a peint les jambes
du cavalier.
Parlerai-je des curiosités de la place publique : les théâtres de marionnettes, les
scènes de magie blanche, les singes dressés, les souris industrieuses, les lapins savants?
L’éleveur de souris en lâche une demi-douzaine dans un petit enclos en treillis, où elles
font mouvoir les pilons d'un moulin à riz ; il saisit la plus habile et la cache sur sa poitrine,
dans son kirimon, puis, se dirigeant vers une table surmontée d un petit temple auquel
conduit un long escalier, il dépose devant l’autel une cassette et dans la cassette une pièce
de monnaie, qu’il secoue en invitant les amateurs à parier pour pile ou face. Quand
le jeu est fait, la souris sort de sa cachette, descend le long du bras de l’industriel jusque
sur la table, gravit les degrés du temple, ouvre la porte de la cassette, prend entre ses
incisives la pièce de monnaie et la dépose sur la paume de la main de son maître. Celui
qui a parié pour le côté en évidence gagne l’enjeu, qui consiste soit en petite monnaie,
soit en bâton^de sucre d’orge.
Le magicien vend des kaléidoscopes et des lorgnons de couleur. Pour attirer la foule,
il montre, dans sa boutique, ici une lourde pierre attachée à un éventail de papiei
suspendu au plafond ; là un bol plein d’eau et, au milieu, un gros poignard planté sur
une feuille de nénufar flottant dans le bol ; ailleurs quatre oeufs superposés, supportant
un .petit vase de fleurs. Il exhibe aussi des automates que l’on dirait imités de ceux de
Jaquet-Droz : le sorcier, par exemple, tient des deux mains un javelot dont il pique
au hasard et enlève au-dessus de sa tête l’une des petites tablettes de carton déposées à
ses pieds; et cette tablette porte un chiffre qui indique au curieux le numéro sous lequel
il ne saurait manquer de lire son avenir, parmi une liasse de feuilles paginées et
enluminées déposées sur la banque et prédisant de la manière la plus expressive :
richesse, mariage, enfants, longue vie, tout ce que le coeur peut désirer.
Dans les cercles animés qui entourent ces jeux, et ces spectacles, c’est toujours aux
enfants que la première place est réservée. On voit que sur le champ de foire, comme
dans la rue et comme au foyer domestique, la préoccupation dominante des classes
ouvrières, industrielles et commerçantes de la société japonaise, a été de faire du premier
jour de l’année la fête de l’enfance, c’est-à-dire le plus beau jour des pères et des mères
de famille. C’est donc, abstraction faite de sa signification religieuse, l’idée que réalise
notre fête de la veille de Noël, telle du moins qu’on la célèbre dans les familles protestantes
de l'Allemagne et de la Suisse.
! COSKEIS QUÊTANT LEURS ÉTRENNES.