
qu’en Suisse des termes de comparaison appropriés à l’effet de cette belle nature japonaise,
comme, plus tard, des Japonais, voyageant en Suisse, me dirent qu’aucun pays
n’avait réveillé si vivement:en eux l’image dé leiir patrie.
Plus habituellement encore, je me transportais par la pensée de l’un à l’autre des
archipels de là Souwonada, appelant de mes voeux le jour où le souffle de la liberté leur
donnerait, dans l’extrême Orient, l’importance qu’eut autrefois pour l’Europe l’archipel de
notre M éditerranée.
On ne. saurait les confondre sous une impression générale. Rien de moins uniforme
que la scénerie des rives de la mer intérieure. C’est une série de tableaux qui varient à
l’infini, selon la plus ou moins grande proximité des côtes, ou selon l’aspect des îles qui
bordent l’horizon. Il y a de grandes scènes de marine, où les. lignes de la mer se confondent
avec celles des plages sablonneuses noyées dans les rayons d’or du soleil, tandis que
de lointaines montagnes dessinent sur le fond du tableau les formes vaporeuses de leurs
cimes. Il y a de petits paysages, bien clairs, bien nets, bien modestes : un village au fond
d’une.baie paisible, entouré de champs verts dominés par une forêt de sapins; l’on dirai!
quelque vue d’un lac du Jura, par une pure matinée de juin.
Parfois aussi, lorsque, les bassins se rétrécissant, les îles en face de nous semblaient
nous fermer toute issue, je me suis souvenu du Rhin au-dessus de Roppart. Cependant le
paysage japonais est plus calme, plus lumineux que les rives romantiques auxquelles je fais
allusion. Il y manque les pentes abruptes, les grandes masses d’ombre, les lignes fuyantes.
Sur les bords, ce sont des plans horizontaux, une plage, une rade, des terrasses ; dans le
lointain, des. îles arrondies, des collines sinueuses, des montagnes coniques. Ces tableaux
ne sont point sans charme : l’imagination, non moins que le regard, se repose à les contempler
; mais elle y chercherait vainement cet attrait mélancolique qui semble inséparable
de la jouissance du pittoresque, selon les notions du goût européen.
Quoi qu’il en soit, et laissant de côté la question du pittoresque, qui n’est pas préçi- .
sèment, j ’en conviens, l’élément essentiel de nos relations avec l’extrême Orient, j ’êspère
que tôt ou tard il se formera au Japon comme une chaîne de colonies occidentales,
développant paisiblement les ressources naturelles et commerciales de cet admirable
pays, sur une ligne: marquée par les places de Yokohama, Hiogo, Simonoséki et
Nagasaki. Elle serait desservie par des communications régulières de bateaux à vapeur. Les
steamers de commerce deTAmérique, aussi bien que ceux de la Chine, alimenteraient les
relations dés.deux mondes avec le roi dés archipels du Grand Océan. Les Européens fatigués
du climat des Tropiques ou du fardeau des affaires de la Chine, viendraient chercher
un air pur et: fortifiant, et passer quelques semaines de repos sur les bords de la Méditerranée’japonaise.
Combien.de familles établies en Chine, combien de femmes d’Européens
avec leurs enfants, seraient heureuses de profiter, pour les pénibles mois d’été, de ce refuge
dignë des plus douces contrées de l’Italie, et cependant si rapproché de leur résidence
actuelle:! .
. Mais tandis que l’imagination, dévançant la marche du temps et les conquêtes de la
Civilisation, .se plaît à évoqüèr au sein des îles de la Souwonada les charmes de l’existence