
Il y avait une autre fille qui, de loin, semblait avoir toutes les grâces de son sexe ;
niais dans le tête-à-tête, quand on la voyait face à face, cette fille était un vrai démon.
Le Tadé-yama est une très-haute montagne, ayant à son sommet un profond cratère.
Quand on regarde dans le gouffre, on y découvre avec horreur un bassin rempli
de sang humain, et ce sang bouillonne, chauffé par le volcan : un pareil lieu, disent les
bonzes, ne peut être que l’un des compartiments de l’enfer.
Les maladies qui, pour la première fois, font irruption parmi le peuple ont une origine
diabolique. Le démon de la petite,vérole est arrivé par mer au Japon. Il était vêtu
d’une tunique rouge et portait une lettre adressée, on ne sait par qui, au divin patron
de l’Empire.
On montre dans le sanctuaire de quelques vieilles bonzeries des tètes de flèches bar-^..
belées, de silex, de jaspe ou d’obsidienne ; des têtes de lances en forme de broches ; des
couteaux, des grattoirs et des haches de basalte ou de jade \
Ces instruments, selon les bonzes, sont, pour la plupart, des reliques provenant des x
anciennes dynasties des dieux du ciel et de la terre ; cependant il tombe encore çà et là,
dans la partie septentrionale de Nippon, une sorte de haches qui sont des pierres de
foudre, et des flèches de pierre qui témoignent des luttes auxquelles se livrent les
esprits des tempêtes, quand les éléments déchaînés menacent les habitations des
hommes.
Il faut respecter les livres imprimés à l’égal des monuments provenant des ancêtres.
Le bonze Raïgo ayant, dans un'mouvement de colère, détruit la bibliothèque de
son couvent, fut, après sa mort, changé en rat et condamné à ronger, pour toute nourriture,
des chiffons de papier et de vieux lambeaux de parchemin.
Les malins esprits de l’air hantent pendant la nuit les lieux où il s’est commis des
crimes, notoires ou secrets.
Les âmes des avares reviennent sur la terre, tandis que leurs trésors, quelque bien
enfermés qu’ils soient, s’envolent parfois on ne sait où ni comment.
Une femme qui avait de grands biens refusa de se marier. C’était pure avarice de sa
part. Quand elle fut morte, ses soeurs héritèrent de sa succession. L’une d’elles, qui
aimait à se parer d’une robe de la défunte et qui ne manquait pas de la suspendre chaque
soir au portemanteau de sa chambre à coucher, vit une fois un long bras décharné qui
sortait avec beaucoup d’agitation de la manche de ce vêtement.
Les âmes des femmes qui ont été malheureuses errent aussi sur le théâtre de leurs
infortunes.
Celles des femmes qui se sont suicidées en> se jetant dans un puits, flottent en l’air
comme si elles allaient tomber, la tête la première.
• Les femmes mortes en couches avec leur enfant apparaissent tenant entre leurs bras
1 « S u r u n e com m u n ic a tio n de M. F ran c k , re la tive a u x a n c ien s in s trum e n ts d e p ie rre d u J a p o n , s ir Jo h n
Lu b b o ch e s t d’avis q u ’on n e p e u t en c o re a dm e ttre l ’âge d e p ie rr e d an s le J a p o n com m e é ta b li p a r ces in d ic
a tio n s, b ie n q u e son existenc e y so it trè s -p ro b a b le . » Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme.
B u lle tin m en su e l, n° \ , ja n v ie r 1869. P a ris , Rheinwald.
l’innocente créatufe et criant aux passants, d’une voix suppliante : Ayez la bonté de
recevoir mon enfant, pour qu’il ne reste pas dans la tombe !
Une femme était morte, victime’ des mauvais traitements de son mari. Celui-ci, dès
qu’elle fut enterrée, eut soin d’appeler un bonze pour faire appliquer sur le linteau
de la porte de sa maison un papier bénit qui eût la vertu d’écarter les esprits. Quand
1 âme de la défunte revint du cimetière, elle ne put en effet franchir l’obstacle sacré; et
dès lors elle ne cesse de crier aux personnes qui s’approchent de la maison : Vous qui
passez, ayez donc la bonté d’enlever ce papier !
Les recueils d’anecdotes historiques présentent un tout autre caractère que les récits
héroïques et les légendes merveilleuses : ils portent l’empreinte toute moderne des études
critiques de 1 Université de Yédo, ils sont marqués au coin de la froide raison qui distingue
l’école philosophique de Confucius.
Le missionnaire américain Verbeck nous en a fait connaître un des plus remarquables
spécimens, le « Recueil des actions vertueuses accomplies au Japon et en Chine, » oeuvre
d un Japonais enfant de Yédo et disciple de l’Université.
Une courte citation permettra d’apprécier et le livre et l’école à laquelle il appartient :
Tous les hommes, dit l’auteur, invoquent quelque divinité pour se préserver, eux et
leurs familles, de la mauvaise fortune. Les uns adressent leurs prières à la lune ; d’au-
très veillent toute la nuit pour saluer le soleil levant de leurs adorations ; d’autres encore
invoquent les dieux du ciel ou de la terre et le Bouddha. Mais adorer la lune, le soleil, les
dieux ou Bouddha, sans faire ce qui est bien, c’est comme si l’on demandait que la tige du
riz sortît de terre avant que l’on en eût semé la graine. Soyez bien persuadés que dans ce
^,cas la lune, le soleil, les dieux et le Bouddha pourraient sans doute avoir pitié de vous, mais
qu ils ne feront jamais lever le riz dont vous n’aurez pas jeté la semence en terre......
Confucius a dit : Celui qui offense le Ciel, n’a personne qu’il puisse invoquer avec
fruit ; et le sage Japonais Kitamo no Kami a écrit : Si tu ne détournes pas ton coeur de
la vérité et du bien, les dieux prendront soin de toi sans que tu les invoques...
Etre vertueux, c’est adorer.
Sous le règne de l’un des anciens Mikados, on vit paraître au ciel une étoile inconnue.
■UJj célèbre astronome, l’ayant observée, déclara qu’elle présageait une grande calamité
qui allait fondre sur la famille de l’un des généraux en chef de l’Empire. A cette époque,
Nakahira était le général en chef de la gauche, et Sanégori le général en chef de la droite.
En apprenant la prédiction de l’astrologue, Sanégori et sa famille coururent adorer, sans
se donner le moindre repos, dans tous les temples du Bouddha et du Sintô qui se trouvaient
aux environs, tandis qu’il ne'se fit rien de pareil du côté de la famille de Nakahira.
Un prêtre remarqua cette particularité et se rendit aussitôt chez Nakahira pour lui en
témoigner sa surprise : Sanégori, lui dit-il, visite tous les saints lieux et y offre des sup- *
plications dans le but d’échapper au malheur que présage l’étoile inconnue. Pourquoi
n’en faites-vous pas de même?
Nakahira, qui avait écouté attentivement le prêtre, lui répondit : Vous avez bien observé
ce qui se passe; vous saurez.apprécier ma justification. Puisque l’on annonce que