
Il existé d’autre part un arbre, l’énoki, dédié aux mauvais ménages. 11 a pris naissance
sur la tombe de la première Japonaise qui se soit divorcée. Si deux époux ne peuvent
plus se convenir, ils n’ont qu’à se rendre en secrèt, à l’insu l’un dé 1 autre, au pied
de l’énoki, et y faire voeu de se quitter. Bientôt la séparation s’accomplit sans difficulté,
et le mari reconnaissant suspend au tronc de l’arbre une table votive représentant un
homme et une femme accroupis sur le sol et se tournant le dos.
Le culte des arbres, qui a existé chez tous les peuples de l’antiquité, s’adresse, parmi
les Japonais, aux arbres chargés d’années. Quand le seigneur de Yamato voulut sg faire
un ameublement complet, tiré du tronc du plus beau cèdre de son parc, la haéhe dés
bûcherons rebondit sur l’écorce, et Ton vit des gouttes de sang découler de chaque
entaille : c’est que, dit la légende, les arbres séculaires ont une âme, comme les hommes
et les dieux, à cause de leur grande vieillesse.
Aussi se montrent-ils: sensibles aux infortunes des fugitifs, qui viennent se mettre sous
leur protection. Us ont. sauvé, dans la retraite de leur branchage ou de quelque tronc
cavérneux plus d’un guerrier malheureux, sur le point de tomber entre les mains d'ennemis
implacables.
La légende japonaise a sa Geneviève de Rrabant. Exilée dans les bois, la noble dame
y met au monde un fils, le nourrit de son lait, et pourvoit de ses mains à sa'propre subsistance.
Lorsque son innocence eut été reconnue, on là reconduisit en grande pompe à
la cour du Mikado, et son kirimon de feuillage fut exposé dans un temple à la vénération
publique. Son fils conserva jusqu’à la fin de ses jours le teint cuivré et la chevelure
crépue qu’il devait, à son premier genre de vie.: Comme il s’était aguerri à dompter
les bêtes fauves; à lutter avec les ours et à résister aux attaques des brigands, il possédait
une force et une adresse prodigieuses'. Il est devenu l’un des principaux héros de l’Empire,
sous le nom de Rouïko.
Les. forêts, les bosquets de pins et de bambous donnent asile à une quantité de bètes
sauvages, parmi lesquelles le singe, la fouine, le blaireau,-et surtout le renard, fournissent
des sujets inépuisables dé récits et de dessins fantastiques.
Les animaux qui atteignent à un grand âge Unissent,- comme les arbres, par être doués
d’une âme humaine et de vertus surnaturelles.
Le putois, quand il se fait vieux, appelle du haut des montagnes le vent et les nuages.
La grêle et la pluie lui obéissent. Il se laisse emporter sur les ailes de l’ouragan. Le
voyageur, surpris en rase campagne, lutte courageusement contre la bourrasque, mais
d ne peut empêcher, que sa figure ne soit comme lacérée de coups de couteau : tel est
l’effet des griffes du putois.qui passe dans la tempête. -
Les vieilles grenouilles, accroupies sur le bord des étangs, font descendre ün brouillard
humide sur les yeux du campagnard attardé : il croit entrevoir à l’horizon les toits de son
hameau, et ce n’ésl qu’une illusion qui l’égare toujours plus avant dans le vaste marécage.
Le Yama-tori, ou faisan argenté, se fait de son plumage un miroir. O’ejst un être
invulnérable. Il né s’envole point à la vue du chasseur ; mais malheur à ce dernier, si,
tenté de 1 atteindre et le manquant toujours, il s’avise de le poursuivre dans les retraites
delà montagne, car il n ’en reviendra pas !
Les vieux loups ont le don de métamorphose, témoin celui qui disparut soudainement
de la contrée ou il était devenu l’effroi des voyageurs. Quand ceux-ci crurent pouvoir
désormais poursuivre en sûreté leur route, ils y rencontrèrent, le soir, au coin du bois,
une belle fille portant à la main une lanterne peinte de bouquets de roses. La séductrice
s’est fait connaître bien loin à la ronde sous le nom de la Belle à la lanterne de roses.
Hélas ! tous les voyageurs qui l’ont suivie sont tombés dans la gueule du loup !