
institution dynastique, finit par présenter tous les inconvénients combinés du régime
despotique et de la monarchie élective : l’insécurité, les jalousies intestines, les haines
de familles, les conspirations de palais, l’assassinât politique.
Environné de pièges, tenu en échec dans l’exercice de son pouvoir par la coalition
d’une aristocratie d’abord ombrageuse, puis audacieuse, le Taïkoun était encore plus
gravement menacé dans ses intérêts de famille et parfois même dans son existence, par
les menées ambitieuses de ses proches et de ses favoris.
Une pareille situation devait engendrer un régime politique sans exemple. La cour
de Yédo ne recula pas devant la nécessité d’ériger l’espionnage en système, au point
d’en faire son principal moyen de gouvernement. Le sabre et la déportation en furent
le complément obligé. On admit, à titre de correctif, le suicide volontaire ou prescrit
d’office.
L’espionnage japonais comprend d’abord l’organisation d’une police secrète, tout
à fait analoguè à celle des États qui sont à la tête de la civilisation européenne; mais
il y ajoute, comme couronnement, toute une hiérarchie de fonctionnaires publics, désignés
sous le titre général d’ometskés ou inspecteurs. Depuis les sergents de police jusqu’aux
ministres d’État, il n’est pas un employé, pas un haut dignitaire de l’administration
faïkounale, qui ne soit contrôlé dans l’exercice de ses fonctions par son inspecteur officiel.
J ’ai assisté à des négociations où le ministre japonais présentait galamment son ometské,
délibérait avec lui sur la réponse à faire à l’interlocuteur étranger. Le scribe du
ministre et le scribe de l’ometské prenaient note, chacun de son côté, de tout ce
qui se disait. Chaque affaire devient conséquémment l’objet de deux rapports parallèles;
le fonctionnaire supérieur auquel ils sont adressés, doit à son tour soumettre son
avis au contrôle de son acolyte, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le dossier de l’affaire
ait atteint l’autorité suprême qui en fait le dépouillement et prononce en dernier ressort.
Quant au suicide,- et,je-ne veux parler ici que du suicide noble, il consiste, comme
son nom de hara-kiri l’indique, à s’ouvrir le ventre: On a dit qu il remplaçait parfois, le
duel. Je doute que cette assertion soit parfaitement exacte. Les Japonais ne connaissent
pas le duel; mais ils suppléent a cette lacune de leur organisation sociale par l’assassinat;
seulement il est des circonstances, d’une appréciation délicate, où l’honneur ne peut
être satisfait que par le hara-kiri, où l’immolation d’une victime volontaire doit servir
de prétexte aux actes de vengeance de la famille outragée. Un exemple le fera comprendre.
Le gouverneur de Kanagawa, Hori Oribé no Kami, échange avec M. Heusken, secrétaire-
interprète hollandais de la légation américaine, une correspondance officielle qui lui
semble devenir insultante pour sa dignité. Il porte plainte à son chef, Ando no Kami,
ministre des affaires étrangères, et le prie d’aviser à ce que M. Heusken soit expulsé du
Japon. Éconduit par le ministre, il consulte les membres de sa famille et ses amis.
Tous conviennent que sa naissance et son titre ne lui permettent pas de survivre à un
pareil affront- et le fier gouverneur s’ouvre le ventre en leur présence. Les assistants,
de leur côté, savent ce qu’il leur reste à faire. L’insôuciànt Heusken, passant de nuit