
abréviation, celui de Shiou-Rô. Comme sa vie est incommensurable, il a tant observé,
tant médité, tant réfléchi, que son front chauve en a pris un développement d’une
élévation prodigieuse. Sa grande barbe blanche lui couvre la poitrine. Lorsqu’il marche
à pas lents, plongé dans ses rêveries, il traîne d’une main sa rustique houlette, et de
l’autre il tire délicatement entre deux doigts le plus long des poils de ses sourcils. Ses
principaux attributs sont la tortue et la grue. On le représente aussi accompagné d’un
cerf blanc de vieillesse. Pour lire plus commodément, il suspend son rouleau à l’un des
andouillers du docile animal. Shiou-Rô a de jeunes disciples, dont l’un, à force de tension
d’esprit, n’a pas trop mal réussi à se doter d’un soulèvement frontal digne de rivaliser
un jour avec les dimensions de la tête du maître. Celui-ci ne doit jamais manquer aux
festins de noces dans les familles de la classe bourgeoise. Son image, ordinairement
YÉBIS.
esquissée à grands (rails sur *de la ioile d’ortie, est suspendue à la paroi, au-çlessus de
l’autel domestique. L’artiste y ajoute volontiers quelques accessoires qui donnent au
tableau un sens allégorique. Telle est cette peinture qui représente Shiou-Rô tenant eft
main une grosse perlé et descendant du haut des airs, porté sur une grue : elle signifie
que la longévité est le plus précieux des dons du ciel.
Le dieu de la nourriture quotidienne est personnifié sous les traits du patron des
pêcheurs, Yébis, frère disgracié du Soleil, réduit lui-meme à la condition de pêcheur et
de marchand de poisson ; car le poisson, pour les Japonais, c’est, comme le pain dans
nos contrées, l’aliment universel et journalier. Aussi n ’est-il pas de divinité plus populaire
parmi eux que ce, bon Yébis,'toujours à l’oeuvre et toujours souriant, soit qu’il ait la chance
exceptionnelle de prendre à l’hameçon le beau poisson taï, soit qu’il porte modestement
au marché quelques vulgaires produits de sa pêche en les chargeant, selon les cas, sur
son épaule onrdans les paniers de son vie'ux cheval de somme.
Son confrère et son compagnon le plus habituel dans les oratoires domestiques, c’est
Daïkok-Ten, ou Daïkokou, le dieu des richesses. Grâce à cette association, le pêcheur,
l’agriculteur, l’artisan, le marchand même, tous fervents adorateurs de Yébis, déclarent,
d’une part, se contenter de la nourriture quotidienne, sans dissimuler, de l’autre, que
les largesses de Daïkokou ne leur seraient point désagréables. Les artistes indigènes me
semblent traiter ce dieu sans grande révérence. Ils en font un vilain petit ragot, coiffe
d’une toque aplatie; chaussé de grosses bottes, et planté sur deux balles de riz fermées
d’un noeud de perles. Tenant de la main droite un marteau de mineur, il porte de la
gauche, sur son épaule, un grand sac propre à resserrer ses trésors. On lui donne
plaisamment pour attribut le rat, cet ennemi par excellence de la propriété,
I Les bonzes, témoins du culte assidu que la classe marchande rend à Daïkokou, ainsi
que de la faveur plus ou moins ironique que lui accordent les pauvres et les peintres
•tirès-spécialement, ont imaginé une légende selon laquelle ce divin patron des richesses
souterraines se serait engagé envers le grand Rouddha de l’Inde à entrer au service de
sa religion en qualité de simple frère lai ; et c’est pourquoi Ton trouve la grotesque image
du patron des richesses dans le vestibule de tous lés temples bouddhistes, afin que sa
présence serve d’exemple et d’encouragement à toute la multitude de ses adorateurs.
Hoteï, c’est-à-dire le bonhomme au sac de chanvre, personnifie le contentement
d’esprit au sein de l’indigence : c’est le sage sans feu ni lieu, détaché de tous les biens
terrestres ; c’est le Diogène du grand Nippon. 11 ne possède en propre qu un lambeau de
serpillière, une besace et un éventail. Quand sa besace est vide, il ne fait qu en rire et la
prête aux enfants de la rue, qui l’utilisent pour leurs jeux! De soif côté, il la convertit tour
à tour en matelas, en oreiller, en moustiquaire ; il s'assied deSsus comine.,sur une outre,