
leur habileté, établir des ponts, il faut les passer sur des bateaux plats ou sur les
épaules de -vigoureux porteurs,, spéeialement préposés'au service du gué. C’est une
profession-qu’ils exercent de père en .fils. Us forment même une corporation, qui indemnise'les'
voyageurs en cas d’accidents personnels ou d’avaries de bagages. Un
mouchoir noué sur le front et une ceinture autour des ! hanches composent .tout leur
costumè. Ponr le reste du corps, le tatouage supplée au vêtement, selon l’usage généralement
répandu parmi les confies dès’grande„s cités japonaises. Ce genre de peinture
n’admet que des sujets héroïques, tels que la lutte du héros de Yamato contre le dragon,
le tribunal du grand juge des enfers, et l’image de ce brave incomparable qui, au
moment même où sa tète tombait sous le glaive, sut encore arracher d’un coup de
dents un pan de la cotte de mailles' de son ennemi.
Les prix de passage,, toujours extrêmement modérés, varient selon que l’on engage
huit hommes pour se faire transporter en norimon, ou quatre hommes avec une litière,
ou deux hommes et un brancard, ou enfin un simple. porteur. Dans ce dernier cas, qui
est le plus fréquent, le voyageur se met à cheval sur la nuque du porteur, et celui-ci
l’empoignant par les’ deux jambes et lui recommandant de bien garder l’équilibre,
s’avance dans l’eau à pas lents, fermes et mesurés. Le procédé est le même pour les
indigènes des deux sexes. Ils s’y prêtent avec une égale docilité, et cheminent de conserve
en fumant leur pipe et se communiquant leurs observations sur la hauteur des
eaux et la longueur du trajet. Quelquefois une crue subite de la rivière intercepte le
passage. On en est quitte pour s’installer dans les maisons de thé de la berge, d’où l’on
regarde couler l’eau jusqu’à ce que les porteurs viennent annoncer que le gué est de
nouveau praticable. . ^
A trois journées de marche de Yédo, le Tokaïdo passe au pied du Fousi-yama. Il
n’en est séparé que par le lac d’Akoni. Des milliers de pèlerins se rendent annuellement
en procession au sommet de la merveilleuse montagne. Ils y sont aqpueillis par les
moines d’un couvent édifié sur les bords mêmes dù cratère, qui s’ouvrit pour la première
fois l’an 286 avant Jésus-Christ, et vomit ses dernières laves en 1707.
Les collines d’Akoni, toutes couvertes de forêts où abonde le gros gibier, ne donnent
accè» à aucune autre route que celle du Tokaïdo. La direction des chemins tracés dans les
diverses provinces à l’Ouest.et au Sud de Yédo est telle,'que tous se relient à cette grande
artère, tandis que celle-ci, sur le revers du col, se trouve tout à coup emprisonnéé dans
un étroit défilé^ muni de lourdes barrières et de corps de garde fortifiés. C’est là que
tous'lés voyageurs doivent exhiber leurs passe-ports et soumettre leurs effets à l’inspection
dés préposés du gouvernement. Ni le rang des grands daïmios, ni leur suite
imposante ne lès affranchissent de ces formalités. Elles ont très-spécialement pour but
d’empêcher qu’il ne sè fasse des expéditions clandestines d’armes de guerre dans les
provinces - seigneuriales, • non plus que des tentatives d’évasion de la part d’es nobles
dames que leur naissance et les lois de Taïkosama condamnent à résider à Yédo.
.Non contents de ces précautions, qui n’embrassaient pas les provinces du Nord,
lyéyàs ët ses siiccésseurs ont cru devoir protéger de ce côté les abords de leur capitale