
« Cette ville, située sur le 33° 56' de latitude Nord et le 131° de longitude Est, présente,
le long de la mer, une étendue d’un mille et demi. Elle n’a qu’une rue principale, et
peut contenir environ 10,000 habitants.
« Elle est généralement construite en bois, mais on y remarque un grand nombre de
godowns ou magasins ayant des murs de pisé blanchis à la-chaux. Ces bâtiments, censés
à l’épreuve du feu, fire-proof, servent d’entrepôts aux marchandises qui arrivent de Nagasaki
ou de divers ports de la mer intérieure, principalement d’Osaka. L’on distingue, sur
les jonques, des cargaisons de sucre (des îles Liou-Kiou), de riz, de fer et d’huile. La ville
elle-même, surmontée de hautes colünes, ne paraît pas fournir d’articles d’exportation
qui lui soient propres. Son activité commerciale doit évidemment consister à recevoir en
dépôt et à transmettre d’une part au port d’Osaka, pour la consommation de l’intérieur de
Nippon, les produits de l’île de Kiousiou, et d’autre part, au port de Nagasaki et ailleurs, les
produits provenant d’Osaka. La direction des affaires est entre les mains d’agents des
négociants d’Osaka. V on voit dans les boutiques de détail de la ville plusieurs articles d’importation
hollandaise, tels que des drogues, du verre, des bouteilles et des taffachélas, et,
en quantité beaucoup plus considérable, quelques-uns des produits manufacturés de la
Grande-Bretagne, tels que grey shirtings, camlets, prints.et long ells. Les prix de vente
sont de 50 à 100 pour 100 plus élevés qu’à Nagasaki: »
Cette courte notice commerciale me semble aussi complète qu’exacte. Peut-être l’évaluation
de la population est-elle au-dessous de la réalité. Certaines relations attribuent à
Simonoséki 30,000 habitants. Quant aux articles d’importation dont parle M. Boyle, ce
sont en effet à peu près les seuls pour lesquels le Japon soit tributaire de l’Europe,
abstraction faite toutefois des armes à feu et des fournitures de la marine de guerre. On
donne le nom de taffachélas à un tissu de coton très-généralement employé pour vêtements
d’hommes aussi bien que de femmes de la classe bourgeoise. C’est des fabriques de
la Suisse orientale que l’on en tire les qualités supérieures. Les shirtings écrus sont un
tissu de coton dont l’Angleterre a la spécialité; la plupart se teignent au Japon même.
Enfin, les camlets, les prints et les long ells sont des articles de laine, essentiellement de
provenance britannique. Le drap de France, longtemps inconnu, commence d’être apprécié
dans les classes opulentes de la société.
A une époque antérieure à la conclusion des grands traités qui semblaient devoir ouvrir
presque toutes les cités importantes du Japon à la civilisation moderne, et qui, à cet égard,
sont restés jusqu’à présent une lettre morte, un diplomate hollandais qui connaît le Japon
mieux que personne, M. Donker-Curtius, travaillait sans bruit à obtenir du gouvernement
japonais, par les seules armes de la patience et de la persuasion, f ouverture de Simonoséki
et de Hiogo, les deux ports principaux de l’empire, situés chacun à l’une des issues
de la mer intérieure.
La première de ces villes, en particulier, a une position qui lui assignera toujours, quoi
qu’on fasse, un rôle dans les affaires de l’extrême Orient. Au point de vue militaire, elle
est la clef du détroit de Van der Capellen : en travers de ce canal, l’île rocheuse d’Hikou-
sima, qui protège le port de Simonoséki contre la vague de la mer coréenne, ne laisse entre