
qu ils rencontrent sur leur passage, et répondre aux questions que le yakounine chef du
poste leur adresse par le guichet. Si c’est un bourgeois qui se présente, le yakounine le
fait passer par la poterne ; si c’est un samouraï, on lui ouvre à deux battants la grande
porte au centre de la barrière.
Lorsque, en plein jour, la police veut opérer des arrestations, faire des perquisitions
domiciliaires, intervenir dans un tumulte de rue, ou porter secours quand il est arrivé
quelque accident grave, elle commence par isoler le théâtre de ses opérations en fermant
toutes les barrières dans un rayon plus ou moins étendu. Le maire du quartier et, selon
les cas, les dizeniers de la rue, responsables sur leur tête de la conduite de leurs subordonnés,
sont nécessairement mis en part dans de pareilles mesures, et ils peuvent eux-
mêmes en prendre l’initiative.
Jusqu’à un certain point, la modeste et paisible magistrature bourgeoise se trouve donc
annexée, par voie d’intimidation, à la police politique et militaire qui a charge de soutenir
le régime taïkounal.
Il existe, assure-t-on, des relations encore plus étroites que celles-là entre la Cité et
le Castel. La Monnaie taïkounale frappe, ou plutôt fond et coupe journellement vingt et
un mille itzibous. Ce sont des pièces d’argent, assez jolies, plates, allongées, quadrangu-
laires, ressemblant à des tablettes de pharmaciens, et valant environ deux francs, plus ou
moins, selon le cours du change, que le gouvernement modifie à son gré. Comme tous
les travaux qu’exige cette fabrication s'exécutent à la main, sans l’aide de machines,
on y emploie un grand nombre d’ouvriers, pris naturellement parmi la population
bourgeoise. En entrant, le matin, dans le bâtiment de la Monnaie, ils doivent laisser leurs
habits au vestiaire, et ils ne les remettent, en sortant à la fin de la journée, qu’après
avoir subi l’inspection la plus minutieuse. Cela n’empêche pas que la plupart des itzibous
du Taikoun ne finissent toujours par prendre le chemin de la Cité, car ils y sont fatalement
entraînés par les innombrables canaux du commerce. Il résulte de ce fait, que les daï-
mios, les samouraïs et le Taïkoun lui-même, toutes les fois qu’ils ont besoin de quelque
grosse somme de numéraire, doivent nécessairement s’adresser dans le quartier où
l’on en trouve des réservoirs • et c’est ainsi, par exemple, que le bon bourgeois Mitsouï,
marchand de soieries en gros et en détail, est devenu, à ce que l’on dit, le banquier
du gouvernement.
Ses magasins occupent les deux côtés de la belle rue de Mouromats, d’où l’on voit,
dans la direction du.Sud-Ouest, s’élever en étages, à l’horizon, le grand poste de police
de Mitské, les, terrasses du Castel et l’incomparable Fousi-yama. Mitsouï avait ouvert une
succursale de sa maison dans le voisinage de notre résidence de Benten; mais il fut
obligé de la supprimer, je ne sais pour quel motif, si ce n ’est que peut-être il y faisait
de trop brillantes affaires avec les Européens. Il continua néanmoins d’entretenir à
Yokohama un agent, qui se chargeait spécialement de soigner les opérations de change
des officiers de la douane.
Peu de temps avant mon départ du Japon, l’on me raconta que dès lonines s’étaient
introduits chez Mitsouï, dàns sa demeure de'Yédo, et avaient usé de menaces pour lui