
que les éleveurs britanniques éux-mêmes n’ont encore obtenus que dans l’ordre des ruminants.
Après cette parade de mardi gras, les lutteurs se divisent en deux camps, ôtent
leurs tabliers»et s’accroupissent dessus, à droite et à gauche de l’arène. Celle-ci forme
un petit tertre circulaire, exhaussé d’un demi-mètre au-dessus de la base de l’amphithéâtre.
Elle est sablée, entourée d’un double bourrelet de sacs de paille, et protégée par une
élégante toiture que supportent quatre piliers de bois passés en couleur. Tout le reste du
cirque est à ciel ouvert. Du haut des galeries du vaste cirque de IIondjo-Mirokoudsi,
on distingue, au delà du Yétaï-bassi, les toits de la Cité, les parcs du Castel et la cime
lointaine du Fousi-yama.
A l’un dés piliers de l’arène est suspendu un goupillon (le goheï) ; à un autre, un
sac de papier contenant du sel; le troisième est orné d’un sabre d’honneur ; au pied du
quatrième et au dehors de l’arène, on a déposé un seau d’eau dans lequel plonge un
petit puisoir.
Il y a quatre juges du camp. Chacun se poste au pied ou à proximité d’un pilier.
Le régisseur ne sort pas de l’arène. Armé d un éventail de commandement à longs
cordons de soie, il invite un représentant de chacune des troupes rivales à monter sur
le tertre, puis il proclame avec emphase, aux applaudissements de la foule, les titres
des deux illustres champions. Toutefois l’action n ’est pas encore près de s’engager.
L’art de faire de l’embarras constitue l’un des principaux mérites de l’athlète japonais.
Notre paire de héros commence par se toiser; mais c’est une simple reconnaissance,
après laquelle chacun tire de son côté et va se donner de l’air, piétiner le sol, boire une
gorgée d’eau, prendre une pincée de sel et la répandre sur la terre pour conjurer les
mauvais sorts. Puis on se rencontre comme par hasard, et l’on se met en position, c’est-
à-dire que les deux adversaires s’accroupissent en face l’un de l’autre, sur la plante des
pieds, et se regardent au blanc des yeux. Quand ils en ont assez, ils se redressent avec
beaucoup de calme, retournent à la salière ou au puisoir, s’assurent de nouveau qu’ils
sont suffisamment sanglés, frappent en cadence leurs cuisses ou leurs genoux, en relevant
alternativement le pied droit et le pied gauche.
Enfin ils reprennent leur première position, et, cette fois, passent à la seconde :
c’est toujours le même regard, la même fixité apparente ; mais on remarque que peu à peu
le corps se soulève, les avant-bras se tendent et les doigts jusqu’alors crochus s’allongent,
à la rencontre de l’adversaire. Tout à coup l’attaque a lieu simultanément. Les mains repoussent
les mains, sans jamais se laisser prendre, et sans jamais parvenir à franchir
cet obstacle. Le jury s’empresse de certifier que les deux lutteurs sont d’égale force, et
ils vont se reposer.
Tel fut le résultat, et telle est la fidèle relation de la première des joutes athlétiques
dont j ’aie été témoin. Je déclare que ce n’était nullement la moins intéressante. Le jeu
ne consiste, en effet, qu’à pousser ou à jeter l’adversaire hors du cercle tracé autour de
lui par les coussinets de paille. Il suffit qu’il franchisse d’un pas cette limite, et il a perdu