
aussi bien que de détachements de soldats de marine ou de troupes régulières dé l’Angleterre,
de la France, de la Hollande et de la Prusse.
Un très-petit nombre de résidents étaient mariés.
Dans un bal donné à Benten par le représentant des Pays-Bas, on ne put inviter que
neuf dames, y compris les révérendes de la chapelle anglicane ; et il yavait 150 cavaliers.
Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Les colonies de garçons, si je puis m’exprimer
ainsi, celles où le mariage et la famille n’ont, pas encore trouvé place, présentent un spectacle
d’une sécheresse; d’une platitude, d’un ennui désespérants.?-
¿ ’est là qu’il faut étudier l’égoïsme du coeur humain dans toute la naïveté de ses manifestations
si plaisamment contradictoires : aujourd’hui, jour de l’arrivée ou veille du
départ de la malle, c’est le travail, c’est-à-dire le règne de l’amour du gain, de l'ambition,
du « make money », parfois même de la rapacité, de l’avarice la plus sordide; demain,
après le départ de la malle, c’est le repos, ou en d’autres termes la fainéantise et bientôt
le besoin de se distraire, la soif des divertissements, le désir de paraître, la prodigalité la
plus insensée.
L’irrégularité des affaires commerciales dans les ports nouvellement ouverts amène
tantôt des chômages prolongés, tantôt une fièvre de spéculation, une ardeur d’achat et de
vente qui doivent donner aux indigènes une idée tout à fait ridicule du caractère européen;
car rien n ’est plus choquant à leurs yeux que l’inégalité d’humeur, ainsi que la
hâte et l’agitation dans les actes de la vie pratique..
On peut dire qu’ils appliquent la même mesure à l’appréciation de là vie domestique
ou des moeurs publiques de la colonie. 11 leur paraît tout naturel que le gouvernement ait
fopdé à Nagasaki et à Yokohama un gankiro à l’usage des Européens, mais ils se scandalisent
des scènes dé bruyante ivresse et de tapage nocturne dont les lieux de plaisir ouverts
aux étrangers deviennent le théâtre.
Je suppose que c’est un simple intérêt de spéculation doméstique ou patriotique qui les
engage à favoriser le placement des jeunes filles dé ces établissements dans les maisons
des Européens. Quelle*que soit la position qu’elles y occupent, ils les entourent des
mêmes égards que les femmes mariées. Les « mousmés », comme on les appelle, se
distinguent généralement par leur douceur, leur modestie, leur fidélité. L’attachement
qu’elles témoignent à leur maître tient de la gratitude de 1 esclave affranchie. Il ne faut
donc pas s’étonner, en ce qui les concerne, qu’une relation formée d'abord pour quelques
mois, ne se prolonge durant des années et n aboutisse au rachat complet de la dette
qu’elles avaient contractée envers le gankiro, et meme à une dotation finale, propre à
leur assurer une certaine indépendance, lorsqu’elles rentrent dans la société japonaise.
Les unions de ce genre n’en sont pas moins, du côté des Européens qui s’y laissent
entraîner, non-seulement une occasion de notables dépenses, mais une abondante source
d’ennuis, et souvent un abîme de maux.
A l’origine, les frais d’établissement et d’alimentation de la mousmé sont si peu de
chose, qu’ils passent inaperçus dans le train de la maison. Un modeste trousseaufdes
nattes fraîches et quelques ustensiles de cuisine, installés dans Tune des dépendances ou
dans un ..réduit quelconque de. la demeure du maître, et, joint.a cela, une rente hebdomadaire
qui ne représente pas la valeur d’un dîner pris, au restaurant, voilà d’abprd
tout ce qu’il faut ; mais bientôt les engagements se succèdent et s’enchaînent à n’en plus
finir. Il va sans dire qu’à chaque, échéance on renouvelle le bail conclu avec le chef du
gankiro. Ensuite, la mousmé a une soeur qu’un yakounine vient d’abandonner; elle ne
se fait aucun scrupule de lui offrir l’hospitalité, car il n ’èq résultera pas la moindre
augmentation de dépendes pour le maître, d e là maison-ailes deux soeurs coucheront sur
la même natte et sous la même couverture ; on versera un peu plus d’eau dans la théière;
et Ton invitera une amie de moins pendant la semaine, autour du bol de riz e t du tabScco-
VEC SON ENFANT. .
bon. La soeur ayant réussi à. se placer à Yokohama, ce qui était le but de l’institution,
vient le tour d’une vieille mère, ou d’un père infirme, ou d’un frère qui voudrait bien
monter une boutique de curiosités dans la ville japonaise ; et c’est ainsi que, peu à peu,
le généreux protecteur d’une pauvre petite mousmé se constitue, sans le vquloir, la
providence de toute une tribu d’indigènes.
Heureux est-il encore s’il ne lui arrive pas de g’oûter des douceurs de la paternité !
Depuis les temps de Décima jusqu’à nos jours, les résidents hollandais qui ont des
g;arçons les envoient le plus tôt possible à l’école des cadets de Batavia, d’où ils passent au
service militaire des Indes néerlandaises.