
ponts parallèles, également remarquables, chacun dans son genre. Celui de droite est
en pierres de taille, de granit blanchâtre, et il s’en faut peu qu’il ne décrive un demi-
cercle parfait, en sorte que l’on se demande involontairement à quels exercices d’équilibre
il peut être destiné ; mais je suppose que c’est là le pont d’honneur réservé aux dieux et
aux bons génies qui viennent visiter le temple. Celui de gauche est tout plat, construit en
bois revêtu de laque rouge, avec des chapiteaux de balustres et d’autres ornements en
vieux cuivre vernissé. L’étang du pont de pierre est couvert de magnifiques fleurs de lotus
blanc; l’étang du pont de bois resplendit de lotus rouge. Parmi les feuilles et les fleurs on
voit nager, dans une eau cristalline, des dorades, des pqissons rouges, d’autres encore
aux ailerons nacrés. La tortue noire chemine de tige en tige, et fait ployer doucement les
larges plantes aquàtiques^le long desquelles flottent et s’accrochent des crustacés bizarres.
Après avoir joui, avec un plaisir enfantin, de cet attrayant spectacle, nous nous diri—
. geons vers le second parvis. Il est exhaussé de quelques marches au-dessus du premier.
Comme une clôture le protège, on ne peut y pénétrer qu’en traversant la loge des divins
gardiens du sanctuaire.
Ce bâtiment, qui s’élève vis-à-vis des ponts, abrite sous sa haute toiture deux monstrueuses
idoles, apostées de chaque côté de la . porte pratiquée de part en part au centre de
l’édifice. Elles sont sculptées en bois et, de la tête aux pieds, revêtues d’une couche de vermillon.
Leurs figures grimaçantes et leurs bustes énormes sont tachetés d’innombrables
boulettes de papier mâché, que les^visiteurs indigènes leur lancent, au passage, sans plus de
formalités que n’en mettraient une bande d’écoliers en vacances. Cependant c’est de la
part des pèlerins un acte très-sérieux; au moyen duquel ils font parvenir à son adresse
une prière écrite sur la feuille de papier mâché ; et quand la lettre doit être : recommandée,
ils apportent en offrande et attachent à là grille dont les statues sont entourées,
une paire de chaussons ën paille appropriés aux pieds des deux çoloèses. Ces chaussures,
suspendues par milliers aux barreaux de la grille; devant y demeurer jusqu’à ce qu’elles
tombent de. vétusté, l’on peut se figurer l’agréable coup d’oeil que présente, cette
garniture.
Ici, un frère servant de la bonzerie s’approche de .notre société, et sa démarche câline
dénote des vues intéressées. Nous lui déclarons que ses bons offices n’auront quelque mérite
à nos yeux.que s’ils nous procurent l’accès des bâtiments fermés. Alors, secouaiït la
tète de. manière à nous faire comprendre que nous lui demandons une chose impossible,
il se! borne à suivre.nos pas avec la ponctualité machinale d’un subalterne qui exécute une
consigne.
Le tableau que nous avons devant nous est vraiment digne d’admiration. Une haute
terrasse, à laquelle conduit un large escalier de pierre, domine le second parvis. Elle est
soutenue par un mur de construction cyclopéenne et supporte le temple principal ainsi
que des habitations de bonzes. Les toits grisâtres de ces divers édifices se détachent sur une
sombre forêt de cèdres et de pins.
A notre gauche sont les bâtiments du trésor. L’un d’eux a une toiture pyramidale,
surmontée d’une aiguille de bronze artistemenl travaillée.
Au pied du grand escalier est la chapelle des ablutions. A notre droite s’élève une haute
pagode, construite sur le principe des pagodes chinoises, mais d’un goût moins baroque-
et d’un style plus sobre et plus sévère. Le premier étage, de forme quadrangulaire, est
assis sur des piliers; le second étage consiste en une vaste galerie circulaire, qui, toute
massive qu’elle est, se dessine dans les airs avec une telle légèreté, qu’elle semble reposer
sur un simple pivot. Un toit pointu, évasé par la base et terminé par une haute flèche
en spirale, coulée en bronze et ornée d’appendices du même métal, complète l’effet de cet