
Le clergé, ne se sentant pas menacé dans sa position temporelle, observe envers les
lettrés»* une attitude aussi modeste que prudente. Ce ne sont pas les bonzes qui pourraient's’attaquer
à la popularité dont la mémoire de Confucius est entourée au Japon. 11
y est universellement vénéré sous le nom de Koô-ci, corruption du nom chinois Khoung-
Tseu. Cependant il n ’y fut connu qu’à dater de l’an 285 de notre ère. A cette époque,
Ozin, le seizième Mikado, désolé de voir les paternelles intentions de son gouvernement
paralysées par l’ignorance de ses sujets, pria le roi de Petsi (Païk-Tsé), en Corée, dw u i
indiquer comment il fallait s’y prendre pour instruire le peuple. Le roi lui envoya le
lettré Wang-Jin, qui fit connaître au daïri les livres du grand instituteur auquel la Chine
était redevable, depuis plus de ssix siècles, de sa sagesse et de sa prospérité. Les services
que le docte Coréen sut. rendre à l’empire des Mikados ont été si hautement appréciés,
que Wang-Jin, tout étranger qu’il était, fut mis au nombre des Kamis nationaux,
en compagnie, des fondateurs, de la monarchie et des héros ou des bienfaiteurs du*
yiapàh.
Lorsque, Ton Cherche à se rendre compte de l’influence que les écrits de Confucius ont
exercée sur la société japonaise^ on doit, ce me semble, reconnaître qu’ils ont contribué,
plus que toute autre chose, à la doter, non pas certes de la civilisation, mais de la civilité
dont elle se glorifie.
La civilisation japonaise, en effet, plonge par ses racines les plus vivaces dans les
temps héroïques de Zinrnou; et l’invasion du bouddhisme, postérieure à celle défta philosophie
de Confucius, l’a emporté sur cette dernière dans la masse de la population,
comme toute religion qui s’adresse aux consciences supplantera tout système de morale
établi sur les seules données de'la froide raison.
Nous éprouvons même de la difficulté à nous expliquer que l’on ait pu jamais attribuer
un rôle d’une si grande importance, fut-ce en Chine et au Japon, à de simples
maximes du sens commun, parmi lesquelles une foule de séntences nous rappellent involontairement
les axiomes de M. de la Palisse.
Cependant, si l’on veut bien réfléchir que Confucius a. vécu de l’an 551 à l’an 479
avant Jésus-Christ, à une époque et.au sein de nations plongées dans les ténèbres d’impénétrables
mythologiies, on comprendra l’étonnement mêlé d’admiration que dut excite
r une oeuvre comme la sienne:.oeuvre.de pure analyse, faisant abstraction de tout ce qui
échappe à l’observation sensible et n’admettant, à l’appüi de ses enseignements, aucun
fait qui ne possédât une consécration historique.
C?est ainsi, à la seule lueur du flambeau de la raison, que Confucius invoque les
expériences faites sous le règne des anciennes dynasties, et qu’il en déduit les règles de
toutes les obligations de l’homme en société : ' devoirs réciproques du sujet et du souverain,
du fils et du père, de l’époux et de l’épouse, de l’ami envers son ami, et, ce qui
n’importe pas rpoins aux yeux du grand instituteur, devoirs concernant l’observation
générale des rites, de la politesse et de la bienséance.
Quant aux principes généraux d’où le sage chinois fait découler ses sentences morales,
¡1 est assez difficile de les coordonner sous une forme systématique.
Les hommes, sejoir Confucius, sont, par nature, les amis les uns des autres* ce
n’est que l’habitude eFTéducation qui les séparent.
Le perfectionnement de soi-même est la base de tout développement moral.
Le moyen d’atteindre ce développement consiste a suivre le principe lumineux de la
raison que nous recevons du Ciel.
Cette raison nous enseigne la persévérance de la conduite dans une ligne droite également
éloignée des deux extrêmes.
L’invariabilité dans le juste milieu, telle èst la règle ou la formule de la sagesse.
Le perfectionnement de soi-même n ’est cependant que la première partie de la vertu ;
la seconde et la plus importante partie consiste dans le perfectionnement des autres.